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Ouverture des données et protection des sources

Informations
  • Résumé
  • Mots-clés (4)
      • Mot-clésFR Éditeur 96 articles 3 dossiers,  
        96 articles 3 dossiers,  
        Mot-clésFR Éditeur 82 articles 6 dossiers,  
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        Mot-clésFR Éditeur 53 articles 2 dossiers,  
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        Mot-clésFR Éditeur 485 articles 14 dossiers,  
        485 articles 14 dossiers,  
      Texte

      L’éditorial du Monde du 11 avril : « OffshoreLeaks : le Monde ne livrera pas ses fichiers » ne manque pas d’interpeller, dans ces temps d’exigence de transparence absolue : en refusant de communiquer les fichiers de l’enquête internationale « OffshoreLeaks », le Monde ne confond-il pas protection des sources, verrouillage des données... et finalement protection des délinquants ?

      Des autorités politiques, en l’occurrence en France, B. Cazeneuve Ministre du Budget (… qui assure la dure succession de J. Cahuzac), ont en effet demandé « à la Presse qui dit détenir des éléments et des fichiers de bien vouloir les communiquer à la Justice ». Que de plus normal ?

      Comme pour ses autres confrères de ce « consortium international des journalistes d’investigation » (voir en ligne), cette décision de refus du Monde se justifie par le fait que « livrer un fichier comporte le risque de permettre l’identification de la personne qui est à la source de la fuite originelle » (Le Soir, Belgique). Mais si je ne me trompe, la « source » est la personne qui transmet l’information, la donnée. Pas la donnée elle-même !

      Certes, l’attitude du Monde rappelle qu’il est bien difficile d’isoler une « donnée » brute, indépendamment de ses usages et des acteurs qui lui donnent un rôle. Mais n’est-ce pas justement le rôle des journalistes, en tant qu’éditeur de données, de filtrer, d’anonymiser, et de présenter les données de telle façon qu’on ne puisse identifier les sources. Si la protection des sources est un droit pour la presse, en un sens c’est aussi un devoir ! Wikileaks, lors du cablegate, s’était justement battu sur cette ligne, et avait tout fait pour protéger ses sources (contrairement à ce que les tenants du secret avaient prétendu).

      Pour ce qui est des sources, Le Monde lui-même (économie) indique que « ces documents avaient été transmis à l’ICIJ par d’anciens salariés de deux entreprises de services de financiers offshore (Portcullis Trustnet et Commonwealth Trust Limited). On l’admettra, en matière d’anonymat, ce n’est pas très sérieux, une investigation un peu serrée permettrait sans aucun doute de cibler la nature de ces sources ! Comme l’indique Portcullis Trustnet sur son site : « We take a serious view of unauthorised disclosure of any confidential information. We are looking into the matter. »… On peut leur faire confiance pour identifier rapidement ces sources ! En matière de protection des sources, on peut faire mieux !

      Pour ce qui est de Commonwealth Trust Limited, l’implication de ce Trust dans l’affaire Magnitsky (cet avocat russe mort en détention préventive à Moscou après sa dénonciation d’une vaste corruption du Ministère de l’Intérieur) plaide en effet pour une réelle protection physique des sources !

      Mais encore une fois, la justice, la police (et même le reste de la Presse, donc les citoyens) ont besoin d’avoir accès à TOUTES les données. D’autant que cette transparence, si elle est bien orchestrée et dosée, est sans doute la meilleure de toutes les protections. À ce niveau de corruption, la protection des sources relève de la justice internationale, et plus de la simple confidentialité (sic !) de la presse !

      Des journalistes (par exemple  Myret Zaki, Rédactrice en chef de Bilan) sont au contraire très mal à l’aise sur la nature de la source ! « Qui a piraté ces données ? Pourquoi est-ce que cela se concentre essentiellement sur l’Europe ? Qui a intérêt à sortir ces informations ? Avant de gober ces données, on doit le savoir. » Voir en ligne.

      Elle trouve « étrange » le peu de personnalités mises en cause, le ciblage géographique orienté, le peu de nouveauté des informations, etc.

      Curieusement Mediapart, pourtant en pointe en matière de journalisme d’investigation, est peu prolixe sur le sujet. Fabrice ARFI et Karl LASKE de Mediapart, deux des trois journalistes français qui font partie de l’International Consortium of Investigative Journalists, pourraient nous dire ce qu’ils en pensent, et pourquoi aussi Mediapart n’est-il pas impliqué dans OffshoreLeaks ? Seule une « note de veille » de Mediapart nous avait alertés le 4 avril sur le peu de données sensibles concernant l’Europe. Le nom du trésorier de campagne de F. Hollande, J-F. Augier, avait été cité. Voir en ligne.

      Plus globalement, on attendrait d’un journal comme Le Monde (et de la presse en général) qu’il nous donne une frontière plus claire des définitions de notions de « donnée » et de « source », sur les équilibres entre « transparence des données » et « protection des sources ». Sans cela, les appels à la transparence et à l’ouverture des données risquent d’être un cercle rien moins que vertueux !

      Maignien Yannick
      Vitali-Rosati Marcello masculin
      Ouverture des données et protection des sources
      Maignien Yannick
      Département des littératures de langue française
      2104-3272
      Sens public 2013-04-15
      Politique et société
      Démocratie
      Espace public
      Édition, presse et médias