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Une ontologie ou une esthétique numérique ?

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Texte

La technique déploie son être dans la région où le dévoilement […] a lieu.
Martin Heidegger (Tanoh 2007)

« Peut-on parler d’une problématique “ontologique” dans la culture numérique ou s’agit-il d’une querelle de mots ?1 » Souhaitant discuter du principe de pertinence en vertu duquel l’ontologie serait liée, même sous la forme d’une interrogation, à la culture numérique, nous devons passer par des mises en relation qui vont de la philosophie à l’écriture de l’image argentique et numérique. Bien que les exemples soient rares, c’est à cette dernière que nous songeons en ces pages.

Pour les philosophes, dont Heidegger, l’ontologie se consacre à l’être, qui constitue une préoccupation, et à la réalité, qui tient lieu d’occupation ; l’être ou la réalité ne se conçoivent pas l’un sans l’autre ou, en tout cas, pas depuis que la phénoménologie a fait l’apologie de l’expérience humaine. L’être constitue une réalité — ontologique. L’être existe, de même que l’image et les images. Ce sont des existants.

Lorsque le terme « ontologie » est employé dans le domaine de l’écriture de l’image à titre de substantif, nous avons pris l’habitude de lui adjoindre la réalité. Cette adjonction a connu une certaine ferveur à propos de l’image photographique et du cinéma réputé réaliste. Il est réaliste par réputation. Suivant les vertus de la logique phénoménologique, qui impliquent la reconnaissance d’une réalité qui serait habitée, il semble aisé de prétendre que l’image l’est, que toutes les images le sont aussi dans la mesure où elles ont un fort caractère relationnel. Dans tous les cas, en effet, il ne saurait s’agir de regarder la réalité que les images contiennent, comme s’il s’agissait de contenants, mais de réfléchir sur la-réalité-des-images. La-réalité-des-images est d’être habitée ou habitable à partir de la perception (vue et ouïe comprises) et de la pensée. Ce pour quoi nous avons prétendu qu’elles sont essentiellement relationnelles.

Dans la phénoménologie ordinaire, dans la réalité autrement dit, tout être est un marcheur, un arpenteur d’images, car il en rencontre et entre diversement en relation avec elles. Elles sont diversifiées et elles ont des fonctions différentes (archivistique, scientifique, médicale, etc.). Bien qu’il semble inutile, dans le contexte argumentatif qui est le nôtre, d’approfondir la présence et l’importance des peintures rupestres à leur époque ou à la nôtre, il nous est loisible de définir sommairement à quoi pourrait correspondre une réflexion relative à la-réalité-de-ces-images. Les considérations les plus appropriées semblent concerner le support. Outre les plis, les creux et les renflements de la pierre, peindre en hauteur, par exemple, implique une chorégraphie qui, relevant de l’exception, ménage, avant la lettre, des effets spéciaux. Elles concernent également l’occupation du territoire qu’est la surface. Cette occupation se serait faite de manière différente dans un Occident où il y a eu une lourde tendance à respecter la règle du Quattrocento pendant plusieurs siècles. Les autres considérations ont trait au récit qui se joue, pour ainsi dire, à plusieurs mains, puisqu’il arrive visiblement que les bêtes s’empilent les unes sur les autres en retournant à la diversité des temps de leur fabrication.

Les images de toutes sortes n’induisent pas qu’une attitude sociale ou n’ont pas qu’un caractère historique (lorsqu’elles proviennent d’un temps plus ou moins lointain) ou une portée historique (lorsqu’elles incitent à penser à la constitution de l’Histoire). Elles ont également trait aux relations que les uns et les autres ont eues avec la représentation, ce que nous appelons, ici, l’imaginaire de l’écriture de l’image. Tenues pour des écritures, les images témoignent, dans notre esprit, de la fabrication et de sa singularité, de la représentation de la collectivité et de sa singularité, de la memoria ou de la singularité de la perception et de la pensée que nous aurions appelée « sens » à une autre époque. Le sens a pour origine la perception et la pensée. S’exprimant différemment ou mêmement quant à l’imaginaire de l’écriture de leur temps, elles font sens.

« Lascaux », Visite de Lascaux, ministère de la Culture. France

Nous venons de situer l’aiguillon de la petite recherche à laquelle nous nous prêterons en ces quelques pages. Afin de l’exhiber davantage, nous tenons pour appropriée la phrase suivante de Heidegger au moment où il dit qu’il faut « […] porter à la parole la parole en tant que parole (1981, 228) » ou à la réflexion la réflexion en tant que réflexion. La nôtre prend, autrement dit, appui sur bien d’autres ou en émerge.

Il s’agira, tout d’abord, d’approfondir le questionner de la question : « peut-on parler d’une problématique “ontologique” dans la culture numérique ou s’agit-il d’une querelle de mots ? » Outre le critère auquel nous avons fait référence qui noue une ontologie à caractère philosophique au principe analytique d’une ontologie des systèmes, qui a pour traits la perception et la pensée, il semble que la question induise des sous-questions. Elles proviennent sans doute d’un sous-entendu voulant qu’il y ait eu autrefois un lien plus sûr entre l’image argentique et l’ontologie. Les sous-questions sont ainsi les suivantes : l’imaginaire de l’écriture de l’image a-t-il connu une telle modification depuis l’avènement de la culture numérique qu’il faille reproblématiser d’anciennes conceptions au caractère entendu, des préconceptions autrement dit ? L’image argentique aurait-elle immédiatement impliqué la réalité ? Fondatrice, la question suivante ressort de celle qui a été posée initialement : quelle est, aujourd’hui, la-réalité-de-l’image ? Quelle est son ontologie ?

Bazin considérait l’image et le film argentiques. L’ontologie, dont nous avons reçu le legs à partir des attentes du célèbre critique français, se conçoit à partir de ce genre de réflexion : « [… dans La règle du jeu, Jean Renoir] retrouve, au-delà des facilités du montage, le secret d’un récit cinématographique capable de tout exprimer sans morceler le monde, de révéler le sens caché des êtres et des choses sans en briser l’unité naturelle (Bazin 1958, 146). » Cette dernière réfère à l’idée que Bazin se faisait de l’ontologie au cinéma : un film vierge de toute intervention humaine, un monde pratiquement privé de ce qu’est le cinéma, un langage. Tel est le dessein de l’ontologie que Bazin a mis en scène. Son ontologie avait trait à l’origine des images et sa démarche était comparative. Plutôt qu’à la peinture, qui nécessite des interventions humaines s’exprimant notamment par le tracé du pinceau, il accordait sa faveur à l’empreinte photographique2 de la réalité d’abord, puis à l’empreinte filmique. Bazin faisait peu de cas de la fiction, au service de laquelle les images filmiques qu’il étudiait agissaient. Dire qu’elles « agissaient », c’est insister sur le fait qu’elles ne servaient pas qu’à reproduire des bouts de réalité. Cette dernière ne se glisse pas aisément sous les draps de l’image ou du film. Elle ne le fait pas seule ou de manière immanente.

Watzlawick3, qui n’est pas un philosophe ou un analyste du cinéma, parle de la réalité de la réalité. Il semble la considérer comme une construction en vertu de laquelle des manières de la percevoir s’imposent ou sont imposées par les systèmes sémiotiques et communicationnels :

De toutes les illusions, la plus périlleuse, nous dit-il, consiste à penser qu’il n’existe qu’une seule réalité. En fait, ce qui existe, ce sont différentes versions de la réalité, dont certaines peuvent être contradictoires, et qui sont toutes l’effet de la communication et non le reflet de vérités objectives et éternelles.

Quant au substantif « réel », l’on conviendra aisément du fait qu’il constitue une vue de l’esprit, une sorte d’espace qui, tel qu’on l’imagine, serait déborné. Le réel invite évidemment à faire jouer notre perception et notre pensée dans la phénoménologie ordinaire; ce que Bergson appellerait, à l’occasion, le « discernement ». Il s’effectue à partir ou selon ce qu’il nomme des « images intéressantes ».

Participant de l’imaginaire, où s’exerce l’imagination, le réel est le sujet d’écritures variées. Celles qui le concernent se constituent en véritable memoria, réalisée à partir d’un exercice phénoménologique de discernement, d’interprétation, etc. Associée à l’« imag‑iné », cette memoria se conçoit selon une sorte d’empilement d’images issues d’une diversité d’écritures ou, comptant sur l’intermédialité, une somme d’écritures d’écritures; des écritures qui, s’appuyant les unes contre les autres, impliquent des supports variés ou leurs rappels sous la forme d’appariements diversifiés. Par exemple, un film dont une image se trouverait immobilisée évoquerait un effet photographique ou susciterait une sensation associée au saisissement d’un temps, d’un espace.

Nombre de films de synthèse explorent le réel ou cet espace qui se constitue imaginairement en à‑venir (avenir), empêché ou non. Beaucoup y font jouer le Souci, dont la description pourrait servir à baliser une réflexion éthique. Heidegger (1986, 165) y songe ainsi :

De même qu’à la préoccupation en tant que manière de dévoiler l’utilisable appartient la discernation [Umsicht], de même le souci mutuel est guidé par l’égard [Rücksicht] et l’indulgence [Nachsicht]. Tous deux peuvent, de pair avec le souci mutuel, parcourir la gamme entière de modes déficients et indifférents qui leur correspondent, allant d’un côté jusqu’à l’absence d’égard [Rücksichtlosigkeit] et de l’autre jusqu’à la tolérance [Nachshen] qui mène à l’indifférence.

Le lexique du Souci constitue une réserve de thématiques alimentant l’intrigue. Le film Mad Max: Fury Road de George Miller (2015) n’a pas beaucoup à voir avec les road movies dans lesquels les personnages se retrouvent eux-mêmes ou regagnent un peu de leur identité propre grâce à un exode plus ou moins long. Dans ce film, la route sert à revenir après avoir fui un régime totalitaire qui, comme bien d’autres, refuse à une classe d’individus d’être « individués ». Dans ce cas-ci, ce ne sont plus que des « poches de sang ». Le film montre, entre autres, des mères porteuses qui n’ont de qualité que la seule possibilité d’offrir un bébé au maître. Les corps des personnages sont disgraciés. Nombre d’entre eux sont par ailleurs devenus des cyborgs, des personnages « prothésés ».

Mad Max : Fury Road (2015), réalisation de George Miller.

Cette petite explication servait minimalement à démontrer que la réalité dans le film ne se présente jamais identiquement ou qu’elle n’est pas que le fruit d’un discernement effectué à partir d’états de monde contingents, dont témoignerait, à l’occasion, un appareil — numérique ici. La réalité est mise au service d’un travail, pour ne pas dire d’un ouvragement4, dont la teneur est bien loin de n’être que matérielle ou objective. Si, comme c’était le cas à propos des films argentiques, des opérations de tournage et de montage continuent d’être mobilisées, les effets spéciaux, obtenus grâce aux technologies numériques, transforment considérablement les « prises », de même que les opérations associées au montage. Ce dernier s’effectue, ainsi que nous l’avions noté ailleurs, par transformation5.

L’ontologie des images en question

Mais où est l’ontologie dans tout cela ? Puisque toute question la concernant revêt un caractère épistémologique, il paraît opportun d’identifier, de façon très approximative et assez provisoire, les perspectives philosophiques sur la voie desquelles nous aurions pu nous engager afin d’envisager des objets d’études.

Une démarche essentialiste, correspondant à une ontologie qui, par hypothèse, engendrerait des taxinomies systémiques, ne constitue pas notre champ d’intérêt, puisque nous privilégions, ici, la relation entre une phénoménologie ordinaire et ce que nous y croisons, des écritures de l’image. L’approche essentialiste a, dans notre esprit, pour mérite la mobilisation de « […] questions qui demandent ce qu’une chose est, quelle est son essence ou sa vraie nature (Popper 1991, 303) ». Bien qu’il soit riche de promesses d’exploration, le propos essentialiste s’arrête aussitôt, car, outre les technologies auxquelles elles font appel, les images numériques ne nous semblent pas induire de manière fondamentale une coupure relativement aux images argentiques. À l’instar de Anne-Marie Christin, nous croyons que « […] l’écriture ne surgit jamais comme un moyen technique brut [… et que] c’est à l’histoire qu’elle réfère du fait même de [son apparition et de] sa [relative] nouveauté (1995, 22). » Bien qu’il y ait des manières de faire qui sont différentes sur le plan techno‑logique6 et, conséquemment, des façons de fabriquer des images qui ont un caractère novateur par rapport à d’autres plus anciennes, il n’y aurait pas, dans la perspective philosophique où nous nous trouvons, deux catégories d’images, puisque la vraie nature des images argentiques ou numériques est d’être‑image.

Bien que simpliste, notre proposition est la suivante : l’être‑image correspond, terme à terme, à la-réalité-des-images. Parce qu’elle a évacué l’empreinte photonique et parce qu’il lui arrive de dilapider son capital indiciel de réalité avant qu’il ne fasse retour autrement, l’image de synthèse7 incite, justement (d’une manière juste et justifiée) à penser autrement les images. Depuis un certain temps, depuis que nous avons assisté à la naissance de l’ère du numérique, toutes les images, dont les argentiques, impliquent moins, en effet, la réalité que le penser. Cela étant, c’est la définition de l’être‑image que la culture numérique convoque, ou sa réalité plutôt que celle qu’elle donne ou pourrait donner à voir. L’image est relationnelle.

À propos de la photographie, la reconnaissance du travail sémiotique a été tardive et elle continue d’être ponctuelle. Tandis que Roland Barthes discutait des images publicitaires en débusquant leurs filiations connotatives (discursives), il s’est porté à la quête du modèle, c’est-à-dire d’une réalité qui ferait retour dans l’image ou par l’image (1964, 41‑42). Le spectator mis en scène dans la théorie de Barthes, c’est lui, l’auteur. Barthes a proposé deux horizons de lecture, soit le spectrum et le punctum. Même si des invitations proviennent des images à cause des sujets ou des objets qu’elles contiennent (ce pour quoi nous avons dit que le modèle ou la réalité ferait retour dans l’image ou par l’image), ces horizons se forment auprès du spectator. Dans La chambre claire, Roland Barthes (1980) était en quête d’une image photographique susceptible de susciter en lui un certain punctum, un saisissement qui aurait été en lien avec le visage de sa mère défunte. Pour ce qui concerne le studium, on dira qu’il est, en gros, assorti à l’étude de l’image, à un affect moyen selon Barthes. Dans le cas du punctum, comme dans bien d’autres expériences orientées vers le res‑souvenir qui dépendent de l’attente volontaire du lecteur relativement à sa survenue, le dispositif tend plus ou moins à disparaître au profit du modèle et du rétablissement imaginaire d’une certaine relation antérieure — comme quoi imaginaire et mémoire sont liés. En de rares occasions, ce relatif arrêté du dispositif permet, semble-t-il, au punctum de se manifester, de s’apparaître. Il le fait, bien sûr, en mobilisant le soi du spectator. Ricœur nous renseigne sur la façon de définir le soi philosophique : « La mêmeté [ou « idemité » pour nous] est, selon ses dires, un concept de relation à la quantité (un même nombre), à la qualité (semblable à) et à la continuité (permanence dans le temps d’une même personne qui vieillit) (Paul Ricœur cité dans Roy 2015, 178.) ». L’ipséité diffère. Elle est associée chez Ricœur à la parole tenue. Plus profonde, l’ipséité est aussi plus touchée par « […] l’altérité, sur fond de quoi le dialogue, la prévalence et l’équivocité de l’ipséité et de l’idemité ont cours par rapport à soi [-même](Roy 2015, 159). » L’herméneute faisait remarquer que « dire “soi” n’est pas dire “je” (Ricœur 1990, 30) ». Ajoutons que se-reconnaître par l’image n’est pas que percevoir ce qu’elle contient. Selon Ricœur, la parole, l’image ou le récit (car ce dernier était son sujet d’étude privilégié) met en scène un jugement éthique, une pensée analytique, philosophique à laquelle le spectator répond ou qu’il conçoit.

Une relation est, de la sorte, bel et bien établie entre, minimalement, l’image et son spectator et, dans l’autre sens, ce qui n’est pas sans conséquence, entre le spectator et l’image (ou le récit).

« La demande d’amour », Barthes (2015), p.11

Une image vieillie par le temps, et dont le support serait argentique, fournirait une indication supplémentaire utile à l’approfondissement du temps et du souvenir primaire où la situation a eu lieu, a trouvé son lieu. S’il en va ainsi à propos d’une image ancienne, il en irait de même à propos d’une photographie numérique. L’image signalerait (pour un temps, car elle est appelée à vieillir) la contemporanéité de la perception qui signe (comme le fait un signe) la provenance de la scène. À moins qu’elles ne constituent une intrigue aux yeux du spectator, les étapes nécessaires à la fabrication des images de synthèse risquent de se trouver placées sous elles, masquées par la seule présence de la perception qui s’y trouve. Les images de synthèse n’empêchent pas de viser le punctum et de trouver satisfaction à son attente.

Le res‑souvenir ici questionné n’est pas de même nature que celui dont Ricœur discute dans certaines pages de son ouvrage Temps et récit 3. Le temps raconté. La perception, qui a engendré l’image tant convoitée par Roland Barthes, n’était pas que secondaire, elle était extérieure, voire étrangère. C’est la raison pour laquelle elle a eu pour conséquence un « res‑souvenir » d’une autre nature que celui auquel songeait Husserl et que Ricœur rappelle. Le res‑souvenir qu’une image matérialisée est susceptible de raviver n’est pas issu de la conscience du spectator de l’image, à moins que ce dernier ne soit le signataire de la photographie ou du film. Il s’agit, pour prolonger l’explication qui précède, d’une tierce perception ou d’une autre pensée de la perception — pour reprendre un peu des termes de Merleau-Ponty au moment où il nous dit : « la perception est la pensée de percevoir (1945, 47) ». Étant extérieures, cette perception et l’image déclinée à sa suite sont seulement susceptibles de faire écho à une ancienne sensation. Le res‑souvenir est assurément le fait d’une intentionnalité en vertu de laquelle une image extérieure rejoint d’anciennes images qui, dans la conscience, se présentent sous la forme d’une quasité. Dans la phénoménologie ordinaire, « le quasi de la re‑présentation ne peut que reproduire le sens, non le produire originairement (Ricœur 1985, 64, l’auteur souligne) ». La reprise phénoménologique signalée par le « re » compris dans le terme « représentation » n’est pas la même que celle qui concerne les objets représentationnels extérieurs, étrangers. Dans la phénoménologie ordinaire en effet, le « re » de la représentation a précisément trait à la rétention en vertu de laquelle des res‑souvenirs immédiats se conçoivent (déjà) sous la forme d’une quasité. Ici (en pensée) comme ailleurs (dans les systèmes sémiotiques), le passé, le présent et le futur ne sauraient être tenus pour des oiseaux perchés sur un fil. Outre la chronologie mondaine à laquelle ils sont forcément soumis, ils constituent en quelque sorte une réserve pour la pensée dotée d’un imaginaire et d’une mémoire. Le surgissement d’images extérieures mobilise la conscience et est susceptible d’engager l’intentionnalité. Les images matérialisées font du temps et se situent dans le temps. Elles invitent à les lier à d’anciennes images ou à d’autres plus ou moins actuelles.

Après ce détour, on aura déduit que toute conception immanentiste de l’image mérite, pour le moins, quelques nuances. Car, même dans les cas extrêmes où le dispositif est intentionnellement refoulé ou soumis à un relatif arrêté au profit du punctum visé par le spectator, la « com-préhension » n’en continue pas moins d’en dépendre. Le présent exercice a, jusqu’ici, pour mérite la mise au jour de la relation que l’image induit toujours, en sorte que le spectator de l’image est susceptible d’y trouver un peu ou beaucoup de ce qu’il y aura mis lui-même (une mère pour Barthes). Empruntant l’exemple de la lecture que Barthes a faite et dont il a témoigné dans son ouvrage La chambre claire, nous avons évidemment quitté la terre des immanentistes et nous nous sommes retrouvés, en forçant quelque peu l’emploi d’étiquettes philosophiques, en sol existentialiste.

À l’époque des appareils argentiques, la photographie et le cinéma procédaient par empreintes à distance plutôt que, pour les comparer avec d’autres formes d’empreintes et d’écritures, par pression de la main sur la glaise ou par coup frappé à l’aide d’un ciseau sur une pierre. Paul Ricœur mentionne que « [l]a conjonction présumée entre eikōn [image] et empreinte est […] tenue pour plus primitive que la relation de ressemblance que met en œuvre l’art mimétique ». Il précise aussitôt qu’« il y a entre l’eikōn et l’empreinte une dialectique d’accommodation, d’harmonisation, d’ajustement (2000, 15)». Ces accommodation, harmonisation et ajustement auxquels l’empreinte est soumise invitent ainsi à considérer l’ouvragement dont l’eikōn dépend. L’ouvragement témoigne, autrement dit, de l’inhérence de multiples conversions à laquelle l’image, toutes les images sont associées. C’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’une image de synthèse, puisqu’elle dépend d’opérations effectuées à l’aide de logiciels : « […] au moment où, dans l’esprit de certains, l’empreinte retourne [ou se rappelle] à la réalité, elle tend à voiler l’aspect phénoménologique d’origine auquel cette dernière est soumise de même que l’ouvragement [dont l’image dépend]. [C’est dire que, toujours selon certains,] le matériau argentique ne dépend[rait] qu’en partie de l’ouvragement, dont l’inscriptibilité de la pensée et sa reconnaissance dépendent (Roy 2015, 42) ». Au moment où l’image a été débarrassée de l’empreinte ou, pour en expliquer les termes et les pratiques, de la saisie à distance d’une part de réalité à l’aide d’un appareil argentique (photographique ou filmique), les créateurs des images de synthèse ont emprunté la voie d’une instrumentalisation mimétique afin que la réalité fasse retour ou s’en écarte. Cela étant, l’idée de fabrication a trouvé son essor ou son efficace et sa pertinence, car les images réalistes fabriquées à l’aide de logiciels sont, le spectateur le sait, le fait d’un ouvragement.

Dans le cas de l’image argentique comme dans celui de l’image numérique, la perception et la pensée, qui puisent dans l’imaginaire et la mémoire, constituent ainsi une partition phénoménologique essentielle. Tel est le fondement permanent de l’image qu’une approche essentialiste tend à mettre à jour, du moins en vertu d’une approche philosophique. Dans cette perspective, on peut parler d’une problématique ontologique dans la culture numérique et ne pas craindre d’encourager une querelle de mots. On le peut plus que jamais, car, à propos d’une réalité qui serait contenue dans l’image, l’immanentisme est une robe qui ne saurait convenir aux images numériques. Il semble bien plutôt qu’elle n’a jamais convenu aux images argentiques. Dans l’esprit populaire, la réalité semblait surgir dans les images de manière automatique (mécanique, photonique), immanente. Depuis que ce fauve a été congédié, l’attention porte sur la perception et la pensée qui, déjà à leur époque, étaient la condition de possibilité des images.

Qu’on les envisage du point de vue de leur formation (ouvragement ou fabrication) ou du côté de leur réception ou de leur lecture, toutes les images matérialisées ont un caractère relationnel. Étant relationnelles, elles s’offrent dans le sens husserlien à la visée ou à l’intentionnalité8. Cette dernière se traduit communément par cette phrase : « toute conscience est conscience de quelque chose ». Bon nombre de philosophes plus contemporains que Husserl en ont effleuré ou approfondi l’idée, dont, outre Sartre, Merleau-Ponty : « […] la conscience tend à poser des objets, puisqu’elle n’est conscience, c’est-à-dire savoir de soi, qu’en tant qu’elle se reprend et se recueille elle-même en un objet identifiable (1945, 86) ». Si, donc, toute conscience est conscience de quelque chose, une conscience d’image ou une conscience en image existe bel et bien.

[L’objet]est, c’est la seule manière de définir sa façon d’être; car l’objet ne masque pas l’être, mais il ne le dévoile pas non plus […]. L’existant est phénomène, c’est-à-dire qu’il se désigne lui-même comme ensemble organisé de qualités. Lui-même et non son être. L’être est simplement la condition de tout dévoilement : il est être-pour-dévoiler et non être dévoilé (Sartre 1986, 15).

L’objet (numérique ou argentique) retourne à sa place tout aussi bien le lecteur que le spectateur ou que le joueur. S’il a pour nom l’être-pour-dévoiler au moment de la lecture, il l’a également, à l’autre bout, au moment de se prêter à des ouvragements ou à des écritures.

Partant du champ sémiotique, nous avons prévu la remontée de l’objet jusqu’à la phénoménologie ou à la philosophie — en excluant, ici, certaines de leurs grandes différences que notre époque tend malheureusement à résorber. Cette portion de notre réflexion incite à conclure que les objets sémiotiques assortis au domaine de l’image mettent à jour la nécessité de prendre en compte un champ de relation qu’ils induisent et à l’exploration duquel ils invitent le spectator.

Dans la partie suivante, nous nous proposons d’emprunter la trajectoire inverse. Il s’agira de considérer la phénoménologie ou l’ontologie afin de dégager certaines grandes pensées qui ont cours à propos de la parole.

L’ontologie en question

Nous quittons une fois encore le sol des essentialistes, des existentialistes et des immanentistes pour mettre cette fois les pieds sur celui des « ontologistes ».

L’introduction proposée par Heidegger dans Être et le temps tient à une admission relativement à « [l]’impossibilité de définir l’être [qui] ne dispense pas de [se] questionner sur son sens, [car] au contraire elle y conduit impérativement (1986, 27) ». Ce philosophe paraît considérer l’être comme une disponibilité, une relation : « être est chaque fois être d’un étant. Le tout de l’étant, avec les différents secteurs qu’il comporte, peut devenir un champ où des domaines précis à étudier seront dégagés et délimités (1986, 33) ». L’approche et la conception de Heidegger sont d’ordre ontico-ontologique. Elles trouvent un certain éclairage en ce passage de l’ouvrage :

Le Dasein […] a sur tout autre étant une primauté qui se retrouve à plusieurs niveaux. La première est une primauté ontique: cet étant est déterminé en son être par l’existence. La seconde est une primauté ontologique : sur la base de sa détermination par l’existence, le Dasein est en lui-même « ontologique » […]. Le Dasein a donc une troisième fois la primauté, puisqu’il est la condition ontique et ontologique de possibilité de toutes les ontologies (Heidegger 1986, 38, nous soulignons).

Heidegger pense ainsi qu’« [e]st étant tout ce dont nous parlons, tout ce que nous pensons, tout ce à l’égard de quoi nous nous comportons de telle ou telle façon; ce que nous sommes et comment nous le sommes, c’est encore étant (1986, 30). »

Mais la troisième primauté, qui fonde le projet philosophique, ontico-ontologique formulé par Heidegger, a pour trait une « entente pré-ontologique de l’être (1986, 39). » Dans la mesure où il ne saurait s’agir d’un étant quelconque, il est aisé de déduire que la parole et l’écriture devraient idéalement constituer une chambre d’écho susceptible de témoigner de cette troisième primauté, de l’être lui-même. C’est la raison pour laquelle le philosophe attribue à la parole une grande importance. Dans Être et temps, Heidegger aborde la parole qui montre en la tenant pour un idéal. Dans les faits, il pense à la parole et en discute, mais se penche, à titre d’exemple, sur des poèmes dans Acheminement vers la parole. Cette dernière ne tient pas à un usage presque indifférencié dans la phénoménologie ordinaire, mais s’accorde au principe de la Dif-férence, qui est unique, Une en tant que telle (Heidegger 1981, 27). Dans cet esprit en effet, « aucune chose [n’est], là où le mot faillit (Heidegger 1981, 148) ».

On serait tenté de paraphraser Bazin qui, fermant un chapitre de son ouvrage, mentionnait « d’autre part le cinéma est un langage9 » pour dire : d’autre part, l’être est langage et, il faut l’ajouter, écriture.

Roman Ingarden s’est consacré à une exploration dans un domaine appelé « ontologie de l’art ». Nous reprenons certaines idées qu’il a développées dès 1928 pour constater que, malgré leur éloignement dans le temps, une terminologie quelque peu vieillie et des modes de production actuels de l’image qui sont différents de ceux de son époque, elles sont contemporaines relativement aux questionnements qui sont les nôtres depuis que nous avons assisté à l’avènement de la culture numérique; mettant en crise la réalité comme donnée de l’image, le « numérique » appelle à réflexion ou, en tout cas, elle le fait de manière différente.

Si l’on situe la tâche de l’esthétique dans l’explication de concepts fondamentaux et dans la recherche d’éclaircissements concernant les connexions ontologiques fondamentales et les relations entre certains vécus et certains objets (en particulier des œuvres d’art) aussi bien qu’avec leurs valeurs, alors l’esthétique est manifestement une investigation philosophique qui n’est pas seulement un complément essentiel pour les autres branches de la philosophie, mais qui reçoit elle-même de ces dernières des apports matériels et méthodologiques. En particulier quand il s’agit d’expliquer le mode d’être et la structure des œuvres d’art, elle doit se tourner vers l’ontologie générale et la théorie philosophique des valeurs (Ingarden 2011, 30).

Ainsi que nous l’avons souligné plus tôt, il y a une différence entre une perception qui s’exerce dans la phénoménologie ordinaire et une perception qui le fait dans, par et selon un ouvragement ou en vertu d’une « œuvre d’art ». Cette dernière expression a le désavantage de mobiliser une préconception particulièrement favorable, et discriminatoire par conséquent. Jean-Pierre Cometti (2012) croit qu’il est impossible de s’en tenir aujourd’hui à une ontologie de l’art, car, pense-t-il, elle est disparue depuis qu’il est devenu objet de commerce et une pratique commune. Est par ailleurs prévu un ratio élevé de la production d’images numériques jetables; une corbeille est disposée à cet effet. Elle se trouve sur l’interface de l’ordinateur. En un sens, la fabrication-transformation d’images numériques pourrait être inarrêtable. Leur reproduction, leur abondance, leur circulation et leur aspect éphémère ou substituable sur le Web caractérisent une part de ces images. Les technologies numériques ont par ailleurs permis l’éclosion de représentations différentes de celles que nous avions connues à l’époque de l’argentique. Les technologies dites « de pointe » sont par ailleurs réservées à des artisans particuliers.

Il n’empêche que Heidegger aimerait que les images assorties à la culture numérique ne puissent pas faillir et souhaiterait qu’elles soient Une (uniques ou exceptionnelles). Bergson penserait que leur devoir est de participer d’un exercice de discernement. Ricœur espérerait qu’elles puissent témoigner des ipséités ou d’identités ouvertes sur un champ de connaissances analytiques, éthiques, philosophiques.

Conclusion

Questionner l’ontologie face à la culture numérique et les images générées par ses technologies, c’est moins discuter de la réalité que de l’être-pour-dévoiler, soit, dans notre esprit, du fait relationnel que constituent les images, de même que leurs lectures et leurs écritures attentionnelles et intentionnelles. Autrement dit, « la technique [devrait] déplo[yer] son être dans la région où le dévoilement […] a lieu (Heidegger 1958, 19) ». Ce vœu est toujours contemporain et très actuel.

Bibliographie

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  1. Nous citons ici l’appel à contribution du présent numéro.↩︎

  2. « Tous les arts sont fondés sur la présence de l’homme ; dans la seule photographie nous jouissons de son absence » (Bazin 1958, 15). Voir, également, l’intéressant ouvrage de Laurent Forestier qui a pour titre La transformation Bazin. Je le cite : « Il n’est sans doute pas nécessaire de développer ici la question de l’historiographie et de l’essence, tant chacun sait que la théorie bazinienne est justement un essentialisme basé sur une vision de l’histoire du cinéma – l’idée de l’accomplissement dans le temps de la vocation ontologiquement réaliste du cinéma » (2017, 18).↩︎

  3. Il s’agit par ailleurs du titre de son ouvrage La réalité de la réalité. Confusion, désinformation, communication (Watzlawick 2014). La citation est extraite du quatrième de couverture.↩︎

  4. Le terme est défini plus loin.↩︎

  5. Voir, à ce propos, Roy, Lucie, Le pouvoir de l’oubliée : la perception au cinéma (2015).↩︎

  6. Le terme est de Bernard Stiegler. Il implique une logique philosophique des techniques. « Il faut parler d’une techno-logique, d’une logique animant proprement la technique elle-même » (1994, 49)↩︎

  7. Dans le cas de certains jeux vidéo, la quête des concepteurs tient à un retour de réalité dans l’image. Plus précisément, ils cherchent à produire des images supposément réalistes. L’exemple qui est le nôtre, à ce moment-ci de notre réflexion, est Assassin’s Creed Unity produit par Ubisoft (Montréal) en 2014.↩︎

  8. Ainsi que nous avons tenté de le démontrer, une image-pensée n’est pas d’un même ordre qu’une image extérieure ou signée par une perception ou une memoria étrangère.↩︎

  9. André Bazin est cité de mémoire.↩︎

Roy Lucie 0000-0002-2730-4421
Vitali-Rosati Marcello male 0000-0001-6424-3229
Une ontologie ou une esthétique numérique ?
Lucie Roy
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public 2017/12/15
Afin de mettre au jour l’être-image ou le caractère relationnel des images argentique et numérique, l’auteure reproblématise un ensemble de réflexions proposées par André Bazin (sur l’ontologie) et Roland Barthes (à propos du punctum). Elle suppose que les images numériques ont contribué au dévoilement de la-réalité-des-images. Ayant trait à la perception et à la pensée, les images numériques, de même que les images argentiques, ne manquent pas d’être soumises à des ouvragements et à des transformations. Perception, pensée, ouvragement et transformation satisfont la-réalité-des-images ou participent de leur ontologie.
In order to bring to light how the argentic and digital images relate to each other and what their status as images is, the author questions anew a number of arguments discussed by André Bazin (ontology) and Roland Barthes (the punctum). Roy contends that digital images have informed a new understanding of the-reality-of-images. Digital as well as argentic images, both having to do with perception and thought, can’t help being subjected to processing and transformation. Perception, thought, processing and transformation all fulfill the requirements of the-reality-of-images or make up their ontology.
Image, Iconographie http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb126479296/ FRBNF12647929
Barthes, Roland http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb118904281 FRBNF118904280