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Les figures du livre dans les applications de fiction pour tablettes tactiles

Informations
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Texte

Dans le dictionnaire Larousse, la texture a trait à « l’état d’une étoffe ou d’un matériau qui est tissé. » La texture, de manière générale, correspond à « la constitution générale d’un matériau. » Mais le mot texture possède aussi un sens littéraire et informatique spécifique. Dans son usage littéraire, la texture désigne « l’arrangement, la disposition des parties d’un ouvrage », quand en informatique la texture correspond aux « représentations graphiques d’une matière, d’une surface, dont le rendu en volume est effectué par placage sur un modèle en trois dimensions. » Le Larousse donne en exemple : « L’effet de matière bois, pierre, etc. »1 Cette notion d’effet sera particulièrement intéressante pour notre analyse et c’est avec les différentes acceptions du mot texture que nous jonglerons tout au long de notre analyse de trois applications de fiction pour tablettes tactiles. Toutes sont exclusivement disponibles pour iPad, téléchargeables sur l’App Store et sont parues en 2011. La première œuvre est L’homme Volcan, une œuvre dite numériquement native, c’est-à-dire créée exclusivement pour la tablette. Le texte est de Mathias Malzieu, leader du groupe Dionysos, et les illustrations ont été réalisées par Frédéric Perrin. L’application, éditée par Flammarion et Actialuna, est désormais gratuite. Elle est disponible en quatre langues (anglais, français, espagnol et japonais). La seconde œuvre, quant à elle, est le fruit d’un travail de remédiatisation de Sherlock Holmes : La bande mouchetée d’Arthur Conan Doyle, réalisée par les éditeurs d’application Byook. Elle est disponible en trois langues (anglais, français et espagnol) et coûte 1,79 €. Enfin, nous nous intéresserons à The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore, réalisé par William Joyce et Brandon Oldenburg des studios Moonbot. Cette œuvre appartient à un univers transmédiatique puisqu’il s’agit d’une adaptation d’un film d’animation muet, pour lequel les réalisateurs ont reçu l’Oscar du meilleur film d’animation, et que l’application a, à son tour, été remédiatisée en livre en 2012 (Atheneum Books for Young Readers).

Ces trois œuvres numériques, ont la particularité de tisser, chacune à leur manière une relation avec un autre média, un média qui les a historiquement précédées : le livre, entre skeuomorphisme2 et mise en figure. Dans ces trois œuvres, la présence, ou persistance du livre structure le texte, elle préside à son « arrangement », sa « disposition », pour reprendre les termes de la définition du Larousse citée plus haut. Le livre y est représenté, thématisé, il est simulé, il est utilisé comme texture (au sens informatique), mais il permet aussi souvent, on le verra, de structurer à la fois la mise en page et la narration.

Après avoir effectué une analyse comparative de la manière dont ces œuvres numériques dialoguent avec le livre, il faudra interroger les raisons de cette omniprésence dans les applications de fiction pour tablettes tactiles. Cette présence possède sans doute une dimension rassurante pour le lecteur non initié à l’hypermédia, ou plus largement à la lecture à l’écran, et elle s’impose comme un symbole, en même temps qu’un symptôme, de la période de transition des paradigmes médiatiques qui est la nôtre. Nous serions en effet encore en transition, passant d’une société dont le média privilégié de diffusion du savoir est le livre, à une culture toute centrée sur l’écran. Les figures du livre en contexte numérique pourraient alors être comparées à des doudous, c’est-à-dire à ces objets transitionnels, tels que les analyse le psychologue Donald Winnicott. Ainsi que le remarque Nolwenn Tréhondart,

Aujourd’hui, le livre numérique est tiraillé entre la tradition du livre papier, dont il imite parfois les formes et les figures, et des innovations formelles parfois si audacieuses qu’elles déconcertent le lecteur. Nous sommes en présence d’un objet aux formes encore expérimentales, en quête d’identité, dans une recherche permanente entre fond, forme et finalité de lecture (Tréhondart 2013, 44).

Les figures du livre dans les œuvres, participent de cette quête d’identité, elles apparaissent tour à tour comme un modèle à suivre, ou un modèle dont il faut se détacher. Il s’agira d’analyser comment cette relation paradoxale s’exprime dans les œuvres, ainsi que comment, par extension, elle permet d’interroger la nature même de ce nouveau type de médiation du texte littéraire, que nous avons encore des difficultés à qualifier : ebook, livre numérique, enrichi ou augmenté. Notre objectif sera de comprendre comment les textes des applications de fiction pour tablettes tactiles abordent de l’intérieur leur statut médiatique.

La thématisation

De manière frappante, et au sein d’un corpus encore restreint, le livre est fréquemment thématisé dans les applications de fiction pour tablettes tactiles. On le retrouve par exemple dans Besides Myself de Jeff Gomez, puisque le personnage principal du roman est également un écrivain et un éditeur, on le retrouve aussi dans The Survivors d’Amanda Harvard, dans le Sherlock Holmes des éditions Byook et de manière encore plus manifeste dans The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore.

The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore

L’application de William Joyce et Brandon Oldenburg, principalement destinée aux enfants, est centrée sur les péripéties d’un lecteur passionné : Morris Lessmore, ainsi nommé en hommage à William Morris pilier de l’édition de livre pour enfant aux États-Unis, qui a travaillé pendant des décennies chez HarperCollins. Morris vit à La Nouvelle-Orléans. Il est tranquillement sur son balcon au milieu de ses livres quand survient un ouragan, une référence directe à Katrina en même temps qu’une allégorie de la tempête du numérique qui vient bousculer le monde du livre. Plus rien de ce que Morris possédait ne subsiste, hormis un seul livre, celui sur lequel il écrit quotidiennement. Son environnement dévasté vient de basculer en noir et blanc. Il erre alors, sans but, jusqu’au moment où il rencontre des livres volants avec lesquels il devient très rapidement ami. Grâce à eux, il retrouvera littéralement ses couleurs. Il partage alors son amour des livres avec les rescapés qui reprennent ainsi eux aussi goût à la vie. Les années passent au milieu de sa bibliothèque et Morris devenu vieux finit d’écrire le livre de sa vie. Il doit alors quitter ses amis et s’envoler vers les cieux, cédant sa place à une jeune lectrice.

Le récit s’ouvre par ailleurs sur ces mots : « Morris Lessmore loved words. He loved stories. He loved books. His life was a book of his own writing, one orderly page after another. » (Joyce et Oldenburg 2011) Dans The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore, les livres sont anthropomorphisés. Ils vieillissent et ont parfois besoin d’un médecin pour les réparer, ils sont doués de sentiments et leur simple existence est ce qui rend la vie de Morris et de son entourage plus belle. Cette anthropomorphisation fait écho à une relation au livre caractéristique de notre culture : le livre est le corps des textes, il incarne le savoir. Ainsi tout un pan du vocabulaire descriptif du livre appartient au champ lexical du corps. On parle, comme le remarque Yvonne Johannot dans Tourner la page : livre, rites et symboles (Johannot 1994, pp. 184-191), de tête et de pied de page, de colonne, de corps de texte, de dos, de nerf. Les amis-livres de Morris appartiennent à cet imaginaire anthropomorphique du livre et témoignent d’un attachement culturalisé à ce média.

C’est une vision très livresque du littéraire que nous offre The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore. D’autant plus qu’elle est redoublée d’une intertextualité omniprésente. Le meilleur ami de Lessmore est un livre dans lequel on retrouve Humpty Dumpty, personnage de De l’autre côté du miroir (1872). Dans une des pages de l’application Morris distribue des livres à des personnages en noir et blanc qui retrouvent ainsi toutes leurs couleurs : encore un tome de l’ouvrage phare de Lewis Carroll, mais aussi A Christmas Carol, Treasure Island et Frankenstein, autant de chefs-d’œuvre devenus des classiques de la littérature anglo-saxonne. À l’occasion des différentes animations qui ponctuent chaque page, le lecteur découvre le personnage entrant littéralement dans des livres, marchant sur des lettres, courant sur leurs pages. Tout le récit est basé sur le pouvoir des histoires, incarné ici par les livres. Mais ce récit se développe dans le cadre d’une application pour tablette, issue d’un film d’animation, qui ne sera qu’en dernière instance remédiatisée dans un livre : c’est au cœur de ce paradoxe que réside la dimension méta-médiatique de l’œuvre.

L’Homme volcan de Mathias Malzieu

Mathias Malzieu prend lui aussi le livre pour objet et moteur de la narration. L’Homme volcan est un conte mélancolique, plutôt à destination des adolescents ou des adultes. Il relate l’aventure d’une fillette nommée Lisa, hantée par la miniature incandescente de son petit frère mort tragiquement. Le jeune garnement prénommé Germain détestait l’école jusqu’à ce qu’il découvre un jour Voyage au centre de la Terre et se passionne pour le livre. Afin d’encourager son intérêt, les parents de Germain et Lisa décident de les emmener visiter le volcan islandais Snaefellsjokull, l’entrée vers le centre de la Terre selon le roman de Jules Verne. Mais, pendant la visite, Germain tombe dans le cratère plein de lave du volcan. Quatre ans plus tard, un soir, alors que Lisa lit dans sa chambre, le fantôme miniature de son petit frère vient lui rendre visite. Ici, le livre est thématisé à travers le rejet premier de Germain envers les livres puis son revirement qui s’avère fatal.

Les livres étaient ses ennemis jurés, ils représentaient la poésie qu’il fallait apprendre par cœur (…) jusqu’au jour où il en rencontra un qui devint son meilleur ami : Voyage au centre de la Terre (Malzieu 2011, pp. 3-4).

Comme Morris, le meilleur ami de Germain est un livre. Et, comme dans The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore, le livre est magnifié. Dans L’Homme volcan, le livre est comparé à un trésor, il est magique.

On retrouve aussi chez Malzieu une intertextualité riche avec les contes de fées, particulièrement Peter Pan, puisque Germain connaît une aventure érotique avec la Fée Clochette, mais aussi le Bonhomme en pain d’épice, qui dans les versions européennes de l’histoire est plus souvent en crêpe qu’en pain d’épice. Dans la scène 6, intitulée « Pâte (à crêpes) régénératrice », Lisa fait de la pâte pour recouvrir son petit frère et lui reconstituer une peau afin qu’il soit présentable pour revoir ses parents. Toutefois, tragiquement, il finira dévoré par sa propre mère se faisant alors ogresse. Le récit, dans sa structure, emprunte également à la forme du conte. Germain est un héros inadapté à son environnement, et il se transforme dans la mort. La sortie du foyer familial le mène vers tous les dangers et c’est à la solidarité fraternelle qu’il a finalement recours. Malzieu, à travers la rencontre de son personnage avec la fée clochette, aborde aussi la question de l’éveil à la sexualité cher au conte. À cet égard, l’œuvre possède un aspect initiatique et Germain, jeune garçon, devient ultimement l’homme volcan. Par ailleurs, on retrouve aussi une quête initiatique chez Morris Lessmore, celle du bonheur, d’une vie bien remplie que symbolise le livre qui s’ouvre et se referme au moment où Morris y écrit les mots « The end ».

Ce foisonnement des figures du livre ne se retrouve pas seulement dans les applications de fiction, elle se retrouve aussi dans bon nombre d’albums jeunesse contemporains. Ainsi que le remarque Éléonore Hamaide-Jager, dans son article « De l’album qui voulait savoir s’il était un livre… contemporain » :

Au moment où le livre dit « numérique » se développe dans le secteur jeunesse et propose des supports interactifs, les auteurs et illustrateurs d’album éprouvent le besoin de définir ou redéfinir le livre. Non seulement un certain nombre d’albums comportent le terme livre dans leur titre, mais la narration va porter sur l’objet livre, ses spécificités et son rôle, par l’intermédiaire d’inventaires ou de listes (Livre de Benoît Charlat, 2013), par comparaison (C’est un livre de Lane Smith, 2010), par détournement (Ceci est un livre d’Antonin Louchard et Martin Jarrie, 2002) ou mimétisme (Un Livre d’Hervé Tullet, 2010) (Hamaide-Jager 2014, 14).

L’omniprésence du livre dans les albums jeunesse a le plus souvent une visée éducative, elle permet de démontrer aux jeunes lecteurs l’importance même de la lecture, leur inculquer le respect de l’objet. Un respect qui lui est dû en tant que symbole de la connaissance, objet sacralisé. Et, comme l’écrit Yvonne Johannot :

(…) sacraliser un objet c’est bien justement faire peser sur lui un poids de cohérence tel qu’il est relié ainsi, à travers toute une mythologie au passé et à l’avenir, qu’il prend sens en donnant sens à lui-même et, à travers lui, à nous-mêmes et à notre vie (Johannot 1994, 6).

Et c’est aussi cela qui est célébré dans The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore, puisque c’est le livre et sa lecture qui redonnent des couleurs à la vie ; mais aussi chez Malzieu, à travers Germain, cancre hyperactif qui retrouve un équilibre grâce à la lecture. Le paradoxe étant alors que cette culture du livre soit célébrée dans des œuvres numériques.

La mise en hypermédia

Cependant l’impact du livre sur ces applications ne se restreint pas à un usage thématique, il se retrouve aussi dans la formalisation du texte, pour ne pas dire sa mise en page, le terme ne convenant plus. En effet, il semble révélateur que le terme même de mise en page impose de penser la mise en forme du texte au sein de la page exclusivement. Le terme paraît alors inadapté, obsolète, pour décrire les mises en formes du texte dans le contexte hypermédiatique de ces applications. Il faudrait plus justement interroger alors la mise en hypermédia de ces œuvres. Celles-ci ont la particularité de n’être plus uniquement textuelles. Si elles s’inscrivent dans la lignée des relations texte-image qui se développent notamment dans les livres illustrés ou les albums, il faut aussi tenir compte du fait qu’elles intègrent des animations et des effets sonores et que tel est leur apport spécifique.

Le son

Chacune de nos œuvres possède une dimension sonore, un thème musical créé exclusivement pour elles et qui fait partie intégrante de leur univers. Celle de L’Homme Volcan, imaginée par Dionysos, construit une atmosphère fantastique et est tout aussi envoûtante que mélancolique. Le thème musical est présent pour la couverture et les premières pages de chaque scène et ponctuellement dans le texte. Elle n’est donc pas très envahissante, elle ne tourne pas en boucle comme celle du Sherlock Holmes de Byook par exemple, qui peut s’avérer quelque peu agaçante à la longue. Dans L’Homme Volcan, le plus souvent, ce sont des petits bruitages qui accompagnent le défilement des pages, notamment le bruit du vent et une sorte de frêle battement : des sons suffisamment légers pour ne pas déranger la lecture. The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore propose en plus une voix off, disponible en anglais seulement, qui donne à entendre très exactement le texte.

Toutefois toutes les œuvres offrent aussi la possibilité d’éteindre le son. Ainsi, les aspects sonores qui sont pourtant un des grands apports de ces formes hypermédiatiques sont présentés comme additionnels. Cette idée nous ramène à l’expression « livre augmenté » ou « enrichi » qui caractérise souvent ces formes de fiction. L’idée d’augmentation ou d’enrichissement implique l’existence d’une forme de base, d’un socle, propre au livre, qui, en l’occurrence, se caractérise par la présence de textes et d’images. Ceci renvoie à la forme canonique du livre illustré et de l’album pour enfant. Il semblerait que les applications font de leur bande sonore une fonctionnalité facultative dans le but de ne pas perturber le lecteur, impliquant en creux qu’elle soit potentiellement perturbatrice. Elle nie par là même ce qui fait en partie l’originalité et l’intérêt de leur médium et ceci afin de mieux se rapprocher du mode de lecture traditionnel du livre.

Animation et interactivité

La présence et surtout la forme des sommaires traduisent une démarche similaire. Si l’on prend l’exemple de L’Homme volcan, le texte est divisé en sept parties, qui sont qualifiées non de chapitres, mais de « scènes ». Ceci semble témoigner d’une volonté de s’écarter du modèle livresque pour insister sur la dimension cinématographiques de l’œuvre. Or, contrairement à The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore dont le sommaire ressemble particulièrement à un menu de DVD, L’Homme volcan ne possède pas de cinématique3. Si les animations ont une place plus importante dans The Fantastic Flying Books, c’est sans doute parce que l’application est la remédiatisation d’un film d’animation dont elle reproduit de courtes séquences. Dans l’œuvre de William Joyce et Brandon Oldenburg, le cinéma est aussi un médium de référence. Dans le making-of disponible au sein de l’application, les auteurs déclarent s’être inspirés de films comme Chantons sous la pluie ou Le Magicien d’Oz. On notera également que Morris Lessmore ressemble trait pour trait à Buster Keaton et on retrouvera une allusion à La Fiancée de Frankenstein de James Whale dans la page où Morris distribue des livres à ses compagnons d’infortune. Au-delà des références, ce sont le statut originel du film d’animation et le processus de remédiatisation dont il a fait l’objet pour se transformer en application iPad qui semblent être mis en valeur dans la courte vidéo de présentation, autrement dit Teaser, de l’application.4 La vidéo est construite autour d’un glissement médiatique permanent de la tablette au film, qui est illustré par une succession de fondus entre des extraits du film d’animation et l’application. Une application qui par ailleurs est systématiquement mise en contexte. En effet, on voit l’intégralité de l’iPad et une main qui active les différentes animations et jeux qui ponctuent l’application, insistant par là même sur sa dimension interactivité.

Dans L’Homme volcan, la dimension interactive se construit différemment. Chaque scène compte une dizaine de pages et une à deux planches d’illustration où aucun texte n’est présent. De subtils effets de brouillards forment l’arrière-plan des textes, qui se dissipent au fur et à mesure de la lecture, jusqu’à laisser apparaître une planche de dessin. Toutes les planches illustrent un passage précis du texte, elles sont discrètement animées, très faiblement interactives, et n’ont pas d’impact sur l’intrigue. La seule prise du lecteur est de les déclencher ou non. Par exemple, dans la scène 3 page 15, en tapotant l’écran le lecteur peut faire se consumer et crépiter l’oreiller sur lequel Germain est couché. Néanmoins ces illustrations contribuent, avec la musique, à construire l’univers fantastique et onirique de l’œuvre, qui n’est pas sans rappeler celui de Tim Burton.

Le sommaire l’explicite très bien, L’Homme volcan découpe le texte en pages, il reconstitue un mode de mise en forme propre au livre et ce alors que le support tablette ne l’y contraint pas. En effet, un défilement vertical ou horizontal continu aurait été tout à fait envisageable d’un point de vue technique. En 1997, Jacques Derrida, qui s’interrogeait déjà sur l’avenir du papier, préférant d’ailleurs parler de son retrait plutôt que de sa disparition, notait à quel point le modèle de la page était devenu structurant :

L’ordre de la page, fût-ce au titre de la survivance, prolongera donc la survie du papier — bien au-delà de sa disparition ou de son retrait. Je préfère toujours dire son retrait ; car celui-ci peut marquer la limite d’une hégémonie structurelle, voire structurante, modellisante, sans qu’il y ait là une mort du papier, seulement une réduction. Ce dernier mot serait, lui aussi, assez approprié (Derrida 1997, 38).

Les éditeurs L’Homme Volcan auront fait le choix révélateur d’une distribution du texte mimétique des codes du livre pour leur application sur tablette tactile.

Simulation et effet livre

Toutefois ce ne sont pas seulement les habitudes de mise en page du livre qui sont reproduites dans les applications de fiction, ce sont certains éléments du livre, voir le livre lui-même qui sont simulés. Simuler c’est feindre, adopter les attitudes et les comportements d’un être ou d’une chose. La simulation a trait à une forme d’imitation, dans le cas présent, réalisée par un processus de modélisation numérique. The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore s’ouvre sur une telle simulation du livre. Pour déclencher la narration, le lecteur doit suivre une main pointée vers le livre5 et taper sur la couverture d’un livre ancien en cuir rouge orné de lettres dorées. La première action en entrant dans l’application est donc familière : il y a un livre à l’écran et il s’agit de l’ouvrir, tel un réflexe, quand bien même cette action ne se produit pas comme à l’ordinaire par un geste de la main vers la couverture, mais par un tapotement —un geste tout de même. Il semble que se joue ici une tension duelle entre familiarités du code lectural : ouvrir le livre pour accéder à l’histoire, et le moyen de le faire : taper sur l’écran. Ce geste, lié à l’écran tactile, est devenu relativement usuel pour le contemporain, par contre, il reste encore inhabituel en régime de lecture littéraire. Une fois le livre ouvert apparait une animation qui fait se fondre le dessin de Morris lisant sur son balcon en une version numérique de la même scène. Ce glissement témoigne encore de la remédiatisation, du passage du papier au numérique. Un passage qui implique une certaine défamiliarisation grâce à laquelle les deux cultures, celle du livre et celle du numérique, sont à la fois mises en valeur et interrogées.

Toutefois, dans the The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore, l’esthétique du livre et du papier est omniprésente tout au long de l’œuvre. Ainsi, on retrouve ponctuellement des simulations de livre sur lequel le lecteur peut écrire, mais surtout de nombreux effets de texture papier sont simulés à l’écran. Par exemple, l’interface signale quand on peut passer d’une page à une autre en cornant le coin droit de l’écran, offrant alors la possibilité de tourner la page « comme pour de vrai ». En outre, la partie inférieure de l’écran où se trouve le texte reproduit un effet de papier ancien à la pulpe jaunie. De tels effets de texture et de simulation sont aussi employés de façon massive dans la version de Sherlock Holmes et la bande mouchetée de Byook. L’œuvre est entièrement basée sur une simulation de vieux carnets dont on peut voir les spirales à gauche de l’écran. On retrouve un effet de feuilletage et de papier jauni similaire à celui de The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore. La simulation de certains aspects du livre, notamment la texture correspond à ce qu’on appelle du skeuomorphisme. Le terme, issu du grec, désigne des éléments d’interface informatique qui reproduisent, de manières ornementales des objets physiques, par exemple des textures comme le bois ou le papier, appartenant le plus souvent à des médias antérieurs.

Néanmoins, à travers ce skeumorphisme et ces simulations, peut-être que les applications de fiction pour tablette se revendiquent moins de la culture du livre, qu’elle la numérise, joue de ses qualités. Baudrillard, dans Simulacres et Simulation, écrit que la simulation annihile la « réalité ». Par la simulation du livre, les œuvres proposent bel et bien un double, tel que Baudrillard peut le théoriser dans ses analyses du clonage ou de l’hologramme :

le double est une figure imaginaire qui, telle l’âme, l’ombre, l’image dans le miroir hante le sujet comme son autre, qui fait qu’il est à la fois lui-même et ne se ressemble jamais non plus, qui le hante comme une mort subtile et toujours conjurée (Baudrillard 1981, 145).

Cette idée de Baudrillard rejoint l’analyse de la figure par Bertrand Gervais, pour qui les figures du livre « (…) viennent signaler la perte anticipée du livre. Le livre s’y absente. Le livre y est déjà absent. » (Gervais 2007, 159) Si l’on met côte à côte la figure du livre et la simulation du livre comme un double dans les œuvres, les mots de Baudrillard résonnent d’autant plus dès lors que l’on met côte à côte la figure du livre et la simulation du livre comme un double dans les œuvres :

Ainsi partout nous vivons dans un univers étrangement semblable à l’original — les choses y sont doublées par leur propre scénario. Mais ce double ne signifie pas, comme dans la tradition, l’imminence de leur mort — elles sont déjà expurgées de leur mort, et mieux encore que de leur vivant ; plus souriantes, plus authentiques, dans la lumière de leur modèle, tels les visages des funerals homes (Baudrillard 1981, 24).

Les figures du livre dans les œuvres semblent résolument interroger la disparition de leur objet fondateur. Précisons que la fin du livre est évoquée comme un imaginaire et une figure, ce qui n’implique pas que celle-ci se réalise.

La représentation livre comme objet transitionnel

Le livre dans les applications de fiction pour tablettes tactiles, ou plutôt les représentations du livre, pourraient être rapproché de ce que le psychologue Donald Winnicott appelle « des objets transitionnels » (Woods Winnicott 2010, pp. 38-39). Le terme est utilisé pour désigner les peluches, chiffons et autres doudous des enfants qui leur permettent de mieux vivre l’absence de leurs parents, notamment au moment de s’endormir. La double fonction du doudou est de canaliser l’anxiété de l’enfant et de faciliter son exploration du monde extérieur. L’objet transitionnel est un support affectif qui doit avoir une dimension sensorielle forte, être « coulé dans le sensoriel primitif : odeur toucher goût vision » (Woods Winnicott et Harrus-Révidi 2010, 15) écrit Gisèle Harrus-Révidi, dans la préface à L’Objet transitionnel. Il est le symbole d’un objet partiel (la mère ou le sein de la mère). Son intérêt principal réside cependant moins dans son statut symbolique de représentation que dans le fait qu’il n’est pas l’objet représenté et qu’il désigne ainsi une absence. L’objet transitionnel permet de rendre une séparation plus douce, il permet de vivre la transition. Tout objet transitionnel a pour destin d’être progressivement désinvesti. Mais, selon Winnicott, tout au long de notre vie, des phénomènes transitionnels persistent.

Cet objet est voué au désinvestissement progressif, de sorte qu’avec les années il n’est pas tant oublié que relégué dans les limbes. (…) Il n’est pas oublié, et on ne porte pas son deuil. Il perd sa signification, et ce parce que les phénomènes transitionnels sont devenus diffus, se sont répandus sur le territoire intermédiaire qui se situe entre « la réalité psychique intérieure » et « le monde extérieur dans la perception commune à deux personnes » ; autrement dit, parce qu’ils recouvrent tout le domaine de la culture (Woods Winnicott et Harrus-Révidi 2010, pp. 38-39).

L’objet transitionnel devient pour Winnicott le prototype même de l’objet culturel que connaîtra plus tard l’adulte. Le doudou procède d’une illusion créée par l’enfant, souvent avec l’aide des parents (qui l’offrent, le nomment, acceptent de l’apporter partout). On retrouve selon Winnicott le même jeu de transfert et d’illusion à l’âge adulte dans des pratiques culturelles, comme l’art et la religion :

(…) j’étudie l’essence de l’illusion, celle qui est permise au petit enfant et qui, chez l’adulte, est inhérente à l’art et à la religion. Nous pouvons partager une expérience illusoire, et si nous le désirons nous pouvons nous rassembler pour former un groupe sur la base de l’analogie de nos expériences illusoires. Bien des groupes d’êtres humains reposent sur cette base naturelle (Woods Winnicott et Harrus-Révidi 2010, 31).

L’objet transitionnel, en tant qu’illusion, permet d’intégrer la notion d’ambivalence, il est une présence qui dénote une absence. On pourrait aussi considérer comme objets transitionnels les gris-gris et autres objets de superstition qui ont pour but d’apaiser l’angoisse de l’inconnu et de donner l’illusion d’être en sécurité et de n’être pas seul. Il n’y a alors qu’un pas à franchir pour qualifier plus généralement tout ce qui relève de la croyance comme étant une partie d’un espace transitionnel, appartenant à la fois au domaine rassurant de l’illusion et à la dimension angoissante de la réalité. Les activités créatrices permettent aussi de lutter contre l’angoisse, de l’objectiver et ainsi de l’atténuer et de la rendre plus acceptable.

Ce détour par la psychologie et la théorie des objets transitionnels offre un outil pour percevoir les enjeux des figures du livre dans les applications pour tablette, en tant qu’œuvres symptomatiques de la période de transition des paradigmes médiatiques. Car, dans l’hypermédia, le livre persiste et sa figuration apparaît comme un objet transitionnel. Les œuvres sont hypermédiatiques, mais dialoguent avec des œuvres imprimées, elles sont créées en numérique, mais sans s’émanciper du modèle du livre. Dans tous les cas, le livre est présent ou représenté. Le livre au sein de la cyberculture, devient objet transitionnel qui permet d’accompagner le basculement vers la culture de l’écran. L’aspect psychologique est intéressant pour comprendre les enjeux liés à la lecture sur de nouveaux médias, car elle est le fruit de la volonté d’hommes et de femmes. Voir la persistance du livre, en tant que figure, dans la cyberculture comme un objet transitionnel, c’est surtout le voir comme un objet d’affect. La très grande majorité des lecteurs et des professionnels de la littérature ont un attachement sentimental profond pour le livre. Quiconque a engagé une fois le débat sur la relation entre le livre et le numérique aura entendu des arguments sur la beauté des livres sur les étagères des bibliothèques, leur odeur, leur texture : le « sensoriel primitif » (Woods Winnicott et Harrus-Révidi 2010, 15) dirait Harrus-Révidi. Tout le monde a un avis sur la question du livre et tout son impact culturel et symbolique s’exprime dans cet amour, parfois à la limite du fétichisme. Jacques Derrida, dans un entretien pour Les cahiers de médiologie, qualifie cette nostalgie pour le papier de phantasme :

Ce sont bien des phantasmes. Le mot condense à la fois l’image, la spectralité, le simulacre — et la charge du désir, l’investissement libidinal de l’affect, les motions d’une appropriation tendue vers ce qui reste inappropriable, appelée par l’inappropriable même, l’effort désespéré pour muer l’affection en autoaffection (Derrida 1997, 54).

Il ne s’agit pas de dénigrer l’affection que l’on peut porter au livre, mais de prendre acte du fait que ce sentiment est le fruit d’un « habitus » culturalisé, pour reprendre un terme employé par Derrida, conditionné par des siècles d’hégémonie du livre comme seul support de l’écrit, et qu’il ne doit pas empêcher d’interroger la situation contemporaine.

Finalement, les applications de fiction pour tablettes tactiles n’abolissent pas la culture du livre, elles s’y réfèrent sans cesse, en jouent, la recréent, elles lui donnent une nouvelle actualité. En retour, le recours au livre, comme figure ou comme forme structurante, offre par contamination une certaine légitimité littéraire. L’enjeu face à l’hypermédiatisation et l’interactivité est avant tout d’éviter le piège de la gadgétisation ou de la ludification. Il semblerait que ces figures du livre, quand bien même nous avons démontré leur aspect artificiel, contribuent à créer un pacte de lecture littéraire pour ces applications. Il faut alors rappeler que ces œuvres sont vendues sur l’App Store et qu’elles se trouvent donc parmi une multitude d’autres applications aux fonctions variées : cela va des jeux, aux logiciels les plus utilitaires (gestionnaire de budget, météo, traducteurs, etc.) comme aux plus idiots (iLickit, qui vous propose de lécher votre portable en cas de fringale, OneClap qui applaudit à votre place). Par conséquent, reproduire le livre, c’est identifier l’application comme objet de lecture. Les auteurs et les éditeurs d’application sont en permanence tiraillés entre le potentiel hypermédiatique du support et sa mise à distance afin de ne pas tomber dans le piège d’une pyrotechnie visuelle insignifiante. En choisissant de thématiser et de simuler le livre, ils cherchent donc à affirmer le statut littéraire de leur démarche.

Ainsi, réfléchir à la transition des paradigmes médiatiques pour la littérature, ce n’est pas penser contre le livre et ses attraits indéniables, dont les œuvres abordées ici sont les témoins, mais penser avec le livre et avec l’hypermédia, dans un espace transitionnel. L’opposition dichotomique, voire manichéenne, entre le livre et l’hypermédia n’engage au fond qu’une critique de goût ou de valeur. Ainsi que l’exprime justement Derrida qui s’interroge sur le statut culturel du papier :

(…) notre effroi et notre vertige sont à la fois justifiés ou irrépressibles — et vains : dérisoires en vérité. Pour les raisons dont nous parlions plus haut, cette menace nous tord, sans doute, elle nous torture, mais elle est aussi comique, tordante même, elle ne menace rien ni personne. Si grave qu’elle soit, la guerre n’oppose que des phantasmes, c’est-à-dire des spectres (Derrida 1997, 51).

Notre époque est une zone de contact entre deux médiasphères, elle est un espace transitionnel qui favorise le mélange des cultures, l’hybridation, l’interaction et l’entre-deux.

Bibliographie

Baudrillard, Jean. 1981. Simulacres et simulation. Paris: Galilée.

Derrida, Jacques. 1997. « Le papier ou moi, vous savez… (Nouvelles spéculations sur un luxe des pauvres) ». Les cahiers de médiologie Vol. 4.

Gervais, Bertrand. 2007. Figures, lectures : logiques de l’imaginaire. Montréal: Le Quartanier: T.I.

Gomez, Jeff. 2012. « Beside Myself. »

Hamaide-Jager, Éléonore. 2014. « De l’album qui voulait savoir s’il était un livre... contemporain ». Le français aujourd’hui 186 (3):11. https://doi.org/10.3917/lfa.186.0011.

Havard, Amanda. 2011. The survivors. 1st ed. The survivors series, bk. 1. Dallas, Tex: Chafie Press.

Hayles, N. Katherine. 2002. Writing machines. Mediawork pamphlet. Cambridge, Mass: MIT Press.

Johannot, Yvonne. 1994. Tourner la page : livre, rites et symboles. Grenoble: J. Millon.

Joyce, William, et Brandon Oldenburg. 2011. « The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore. » Moonbot Studio.

Malzieu, Mathias. 2011. « L’Homme volcan. » Actialuna et Flammarion.

« Texture ». s. d. Dictionnaire Larousse. http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/texture/77634?q=texture#76712.

Tréhondart, Nolwenn. 2013. « Le livre numérique, un objet textuel non identifié ». Dazibao : revue de l’agence régionale du livre PACA n° 36 (mars).

Woods Winnicott, Donald. 2010. « Objets transitionnels et phénomènes transitionnels : une étude de la première possession non-moi. » In Les objets transitionnels., traduit par Jeanine Kalmanovich. Paris: Payot & Rivages.

Woods Winnicott, Donald, et Gisèle Harrus-Révidi. 2010. « Préface : Violence et douceur. » In Les objets transitionnels. Paris: Payot & Rivages.


  1. « Texture », Dictionnaire Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/texture/77634?q=texture#76712, consulté le 29 mars 2019.

  2. Le mot skeuomorphisms provient de l’anglais skeuomorph qui désigne : “an object or feature which imitates the design of a similar artefact made from another material (…) Computing : an element of a graphical user interface which mimics a physical object” Oxford Dictionary, en ligne : http://www.oxforddictionaries.com/definition/english/skeuomorph, consulté le 28/10/2013.

  3. Ce terme est emprunté au jeu vidéo où une scène cinématique (abrégé en cinématique) définit un extrait d’animation vidéo qui interrompt le jeu ou le plus souvent l’introduit ou le conclut. La cinématique fait partie intégrante de la narration.

  4. Cette vidéo est disponible en ligne, sur le site Web officiel consacré à l’univers transmédia de The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore : http://morrislessmore.com/?p=app. Au 29 mars 2019, ce site n’est malheureusement plus maintenu.

  5. À noter que le pointeur est doublé du mot « read », explicitant ainsi à outrance le geste à effectuer de la part du lecteur.

Guilet Anaïs 0000-0001-7247-7156
Chassagnol Anne 0000-0001-6154-7040
Le Cor Gwen 0000-0001-8908-9934
Wormser Gérard male 0000-0002-6651-1650
Les figures du livre dans les applications de fiction pour tablettes tactiles
Anaïs Guilet
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public 2021/06/15 Textures : l’objet livre du papier au numérique
À l’heure du numérique et de la mort maintes fois énoncée du livre, on aurait pu croire que le pouvoir symbolique du livre se voit diminué. Or, il n’en est rien. Il s’agira donc d’analyser la portée et les enjeux des différentes manifestations du livre en s’appuyant sur une étude comparative de L’Homme Volcan de Mathias Malzieu, de l’adaptation par Byook de Sherlock Holmes : La bande mouchetée ainsi que de The Fantastic Flying Books of Morris Lessmore des studios Moonbot. Les figures du livre illustrent la période de transition des paradigmes médiatiques qui est la nôtre et, dans les œuvres, participent de cette quête d’identité : entre modèle à suivre et dont il faut se détacher. Par la présence de ces figures, les œuvres se font métamédiatiques, au sens où elles interrogent leur propre statut médiatique en même temps que « l’écologie médiatique » à laquelle elles appartiennent, pour reprendre l’expression de Katherine Hayles (Hayles 2002, 5). C’est alors la nature même de ce nouveau type de médiation du texte littéraire qui devient le cœur de la réflexion. Qu’on les appelle ebooks, « livres enrichis » ou « livres augmentés », tous ces termes témoignent de la difficulté de penser la diffusion du texte hors de ce paradigme culturel incontournable qu’est le livre.
In the age of the digital, and with the end of books being repeatedly announced, one might think that the symbolic power of books would have been diminished. This is far from being the case. The aim of this article is to analyze the scope and challenges of the book’s different forms based on a comparative study of Mathias Malzieu's L'Homme Volcan, of the adaptation by Byook of Sherlock Holmes : The Speckled Band/La bande mouchetée and of that of The Fantastic Flying Books of Morris Lessmore by Moonbot studios. The figures of the book illustrate the transition period of media paradigms that we are experiencing and which, in the works, contribute to this quest for identity: between a model to be followed and one from which we must detach ourselves. Through the presence of these figures, the works become meta-mediatic, in the sense that they question their own media status while also questioning the “media ecology” to which they belong, to use Katherine Hayles' terminology (Hayles 2002, 5). At the heart of this reflection is the very nature of this new type of mediation of the literary text. Whether we call them ebooks, “enriched books” or “augmented books”, all these terms express how difficult it is to think about the circulation of texts outside the unavoidable cultural paradigm of the book.
Arts et Lettres http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb12021811z FRBNF120218114
Monde numérique http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb133328054 FRBNF133328055
Édition, presse et médias http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb13318593f FRBNF13318593
The Fantastic Flying Books of Morris Lessmore, L’Homme Volcan, Sherlock Holmes : La bande mouchetée, fiction pour tablettes tactiles, fiction transmédia, remédiatisation
The Fantastic Flying Books of Morris Lessmore, Sherlock Holmes : The Speckled Band, L’Homme Volcan, touch pad fiction, transmedia fiction, remediation