Communication présentée lors de la journée d’étude « ’Peuple’ et ’Volk’ : réalité de fait, postulat juridique » organisée à l’Université de Paris X-Nanterre le 10 décembre 2005
Prolégomènes
L’idée de Volksgeist constitue le pilier de l’Ecole historique du Droit dont le principal fondateur est Savigny (1779-1861). La profession de foi de ce juriste et les lignes directrices de cette Ecole ont paru dans un célèbre opuscule de 1814. Dans cet opuscule, Savigny attaque son collègue Thibaut, professeur à Heidelberg qui, dans un livre intitulé Ueber die Notwendigkeit eines allegemeinen bürgerlichen Rechts für Teutschland , se révèle sans équivoque partisan du formalisme juridique, proposant l’unification de toutes les lois en vigueur des différents Etats allemands en un seul code. Or le Volksgeist, dans sa substance juridique, se trouve à l’opposé du positivisme juridique qui admet la loi formelle comme source du droit 1 .
La philosophie (au sens large du terme) de cette Ecole constitue une réaction contre l’idéologie de la Révolution française et la philosophie des Lumières qui prônent un naturalisme subjectiviste et font du droit un dérivant du contractualisme 2 . Dès lors, cette Ecole se révèle hostile à l’idée des droits naturels subjectifs, et à toute théorie de l’état de nature qui fait fortune au 17e et surtout au 18e siècle (Hobbes, Locke, Rousseau...). Burke, critique farouche de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, est présenté comme le précurseur et le plus important inspirateur de cette Ecole dont Hugo et Puchta sont deux autres éminents juristes.
Dans la tradition culturelle allemande, le Volksgeist présente le droit comme pilier de la législation qui incarne l’âme du peuple et de la nation. Il est donc nécessaire de commencer notre dissertation par l’étude du droit qu’implique ce vocable.
Quel est le droit exprimé par l’esprit du peuple (Volksgeist) ?
Le droit ne pourrait pas être saisi en dehors de sa dimension historique : voilà l’idée fondamentale qui enveloppe la théorie de la justice issue du Volksgeist, d’où le point de départ pour sa recherche. L’histoire se révèle alors comme la génitrice et la promotrice du droit officiel.
Parler d’Histoire, c’est mettre en relief deux sortes de données : les données importantes du passé, des faits donc qui sont retenus comme des événements et la mémoire collective qui les conserve et les élabore dans sa spontanéité de conscience populaire. Celle-ci constitue un véritable réceptacle de la mémoire tant acquise que transmise pour la construction de l’héritage éthico-juridique qui anime l’esprit d’un peuple. En effet, il s’agit de rechercher le droit comme étant intimement lié au génie du peuple. Ce génie accuse une conscience qui lutte pour faire reconnaître le peuple comme une communauté en marche dans l’Histoire par ses manifestations et ses institutions sociopolitiques. Retenons bien que de telles institutions ne sauraient être conçues sans la présence même du droit, car le droit comme témoin de la mobilité de l’histoire devient vecteur des vérités populaires (au sens d’alèlthéeiai) qui forment la morale de la nation.
De prime abord, il convient de remarquer que pour cette Ecole, le droit est ancré dans la réalité sociopolitique de la vie d’un peuple et traduit tous ses mouvements tant spontanés que réfléchis 3 . Il s’agit donc d’un droit qui reflète l’actualité phénoménologique du peuple et résume ses expériences culturelles dans le temps. Le droit, donc, au lieu de tirer ses sources de la loi formelle, se forge à partir des manifestations éthiques des individus, formant des ensembles sociaux, dans un temps réel : celui de leur histoire.
Le droit n’a pas une existence qui lui est propre. En tant que produit de l’histoire, il est révélé par le passé comme activité du peuple qui fait l’apprentissage de l’histoire. Il appartient au corps du peuple et implique la dialectique des liens sociaux qui se déploient entre les membres des communautés institutionnellement organisées 4 . Notamment, cette dialectique souligne la mobilité du droit dans la génération des relations entre citoyens et leurs évolutions-transformations. Il s’agit donc d’un droit qui s’efforce d’apprivoiser le temps pour capter les différences des temps historiques.
Il ne faut pourtant pas assimiler la dialectique juridique de cette Ecole avec la dialectique marxiste qui insiste sur l’évolution polémique du droit 5 , c’est-à-dire sur celle tributaire d’un droit combatif issu de la lutte des classes 6 ; cette évolution est due à des changements soudains, à des révolutions et à des séditions 7 . Le droit, pour l’Ecole historique, issu du génie du peuple, désigne les séquences juridiques dans le temps non par des brusques changements mais par d’insensibles successions. 8 Il appartient à l’intimité du corps du peuple. Dès lors, il se présente comme quelque chose de naturel, parce que il est inhérent au comportement de l’homme, et en tant que naturel, il est éminemment social. Il s’extériorise grâce à l’esprit du peuple, le Volksgeist qui fait naître et anime le droit.
L’esprit du peuple sous-tend la dimension praxéologique du droit : le droit se développe grâce à sa pratique et se perpétue dans la pratique en tant que coutume enracinée dans la conscience du peuple qui l’intègre dans sa vie quotidienne. Or, il représente un élément organique de la vie du peuple qui peut se contenter de son élaboration spontanée sans procéder obligatoirement à l’élaboration d’un code 9 . Cela révèle l’hostilité de Savigny au volontarisme juridique des temps modernes 10 . Pour ce juriste, «toute science juridique n’est qu’histoire du Droit » 11 . Conscience de l’héritage traditionnel et comportement naturel constituent deux piliers des plus importants de la vie organique du peuple. Tout élément extérieur à cette vie doit être inséré dans les rapports sociaux et nécessite tant son intégration que son assimilation comme principe organique de l’esprit du peuple. L’exemple en est la réception du droit romain par le peuple allemand, droit qui est devenu une partie du droit du peuple 12 .
Dès lors, le droit enraciné dans le génie du peuple possède une valeur hautement paradigmatique : à force d’essayer d’intégrer dans l’esprit du peuple des principes qui lui sont extérieurs, il vise à maîtriser les principes directeurs d’autres droits qu’il intériorise. 13
Le droit du Volksgeist à la lumière des philosophies du droit.
Une première constatation s’impose ici : le caractère de ce droit s’oppose à la métaphysique juridique si, par métaphysique, nous entendons toute philosophie ou théorie fondées sur des principes, des réflexions ou des définitions situées au delà de la réalité phénoménologique et acceptées comme axiomes 14 . Dans cette perspective ce droit s’oppose :
- à l’ontologie juridique de Platon qui tire l’idée de juste d’un monde dépassant l’univers historique de l’homme. Celui-là est situé dans un espace supra-céleste et atemporel. En particulier, le droit platonicien remonte à l’archétype du Juste, une réalité unique en ce qu’elle exprime, tout en existant dans la multiplicité de différents idoles qui la traduisent, 15 l’Idée du droit saisie par un esprit préparé et exercé à la dialectique, tel le roi-philosophe. Celui-ci la révèle comme valeur suprême et paradigmatique en vue d’inspirer tant le législateur humain que le juge 16 ;
- au volontarisme juridique contractualiste qui marque les temps modernes, et notamment celui proposé par Thomas Hobbes dans le Léviathan. Le droit chez Hobbes traduit le pouvoir pragmatique d’un Souverain qui l’impose au peuple afin de créer un ordre sociopolitique et les moyens pour le maintenir 17 . Il désigne un sollen qui ne vient pas de la vie du peuple mais qui s’impose au peuple sous la forme de la volonté du souverain 18 ; il lui est donc extérieur. Or, le droit historique en tant que droit coutumier valorisé par le Volksgeist, contraste avec le droit formel issu du contractualisme ;
- à l’individualisme kantien qui fait de la raison et de la volonté individuelles la source du droit. Le droit exprimé par la loi est une proposition qui contient un impératif catégorique et procède de la volonté 19 . Le réalité du Volksgeist comme « Nous » est assez éloigné du «Je » kantien comme source du droit, qui traduit un impératif catégorique venu de l’entendement individuel. De cette manière le Volksgeist révèle un droit anti-systémique, à savoir un droit composé de règles rationnelles sous les traits d’un système logiquement cohérent, conforme à une rationalité exigée par le positivisme juridique.
De même, le droit issu du Volksgeist ne garde guère d’affinités avec le droit personnel chez Hegel qui soutient que la «personnalité seule peut donner un droit à la chose et que, par conséquent, c’est le droit personnel qui est essentiellement droit réel » 20 . Pour Hegel « toute forme de droit est en rapport avec une personne. Le droit issu d’un contrat n’est pas un droit sur une personne, mais seulement un droit sur quelque chose extérieure à la personne » 21 .
En revanche, ce droit présente certaines affinités avec le dikaion politikon d’Aristote, le droit de la cité grecque qui est un droit physikon, naturel ; un droit qui traduit la réalité historique du peuple et qui ne néglige pas le rôle important des coutumes ancestrales 22 . Mais en même temps, il est assez éloigné du dikaion aristotélicien en tant que principe inhérent à la vie d’un peuple. Certes, le dikaion aristotélicien traduit une réalité politique mais il est conçu fondamentalement comme une chose recherchée dans la nature des choses nécessitant la prudence d’un juge (et pas spécialement la spontanéité et l’irréfléchi d’un peuple). Plus que les idées de coutume et d’usage soulignant le droit issu du Volksgeist, les notions de juste mesure et de répartition équitable sont à la base de la nature et du caractère du dikaion politikon 23 d’Aristote.
Droit et Volksgeist
Le Volksgeist constitue fondamentalement une des sources du droit. Les lois formelles ont une fonction secondaire dans la genèse du droit : elles en fixent les principes. Elles donnent une forme concrète à la fluidité du Volksgeist 24 , dont la loi devient une de ses expressions, loi qui ne doit pas abroger le droit populaire 25
Le Volksgeist représente un Weg 26 , un chemin qui évoque le passé comme histoire et culture d’un peuple ; c’est-à-dire un Weg qui s’ouvre à l’héritage traditionnel d’un peuple et constitue le fondement de son identité. Les racines de l’identité sont directement liées au passé défini comme l’ensemble des événements formant l’histoire du peuple. Dans ce sens là, le droit est arraché du Geist du peuple. Il traduit une avulsion (au sens figuré du terme : un arrachement) à l’esprit du peuple vecteur de son éthique, de sa façon d’être et de se comporter à travers sa genèse jusqu’à son actualité. Or, le Volksgeist accuse une Avulsionstätigkeit 27 .
Le Volksgeist devient donc le berceau des principes fondamentaux, des coutumes et des traditions d’un peuple qui s’efforce de subsister dans le présent en assurant son avenir, à travers la mémorisation de son histoire et de sa culture. Dans cette direction, il représente le peuple dans sa totalité organique tout au long de son histoire. Celle-ci présuppose des expériences sociopolitiques qui forgent la conscience du peuple dans un esprit d’unité et de solidarité 28 . Mais avant tout, c’est le principe de l’identité que le Volksgeist travaille dans la conscience. Identité qui souligne une communauté de valeurs intellectuelles et spirituelles, point de départ en vue d’accomplir un destin commun.
Or, les implications issues de la relation entre le Volksgeist et le droit peuvent être résumées de la façon suivante :
- il y a un lien indissociable entre la conscience du peuple et la genèse du droit ;
- la formation du droit est originairement spontanée. Il y a donc du rationnel et de l’irrationnel lors de son apparition ;
- le droit est régi par le principe de continuité qui caractérise le Volksgeist dans son évolution-développement.
Ces implications relèvent de l’ordre socio-juridique. Il y en a d’autres qui ressortissent à l’ordre politico-idéologique qui voici :
- Le Volksgeist témoigne de la totalité du passé du peuple souvent assimilé 29 à une nation, et en ce sens, il souligne le particularisme national en tant que dimension d’historicisation du peuple. Le droit comme principe de la nation traduit le principe de la vie du peuple. Comme Marx, Savigny voit le déterminisme tant historique que social dans la naissance du droit (le passé détermine le présent et le futur) 30 .
- Le peuple, pour l’Ecole historique, dénote une totalité naturelle bien hiérarchisée qui contient des classes. Il s’agit d’une conception conservatrice du peuple qui s’oppose aux conception s des révolutionnaires de 1789. En effet, le Volksgeist renvoie à la conscience nationale qui est étudiée par rapport aux spécificités du peuple allemand dépourvu à cette époque d’unification nationale. Elle est proche de l’idée de Kultur. Celle-ci, par ses tonalités conservatrices, s’oppose à l’idée de civilisation chère à la France au lendemain de la Révolution française. En l’espèce, la civilisation est de portée universaliste et désigne l’unité d’une nation 31 C’est pourquoi cette sorte de Volksgeist 32 est soutenue, nous l’avons déjà évoqué, par les philosophes anti-progressistes, tel Burke 33 .
- Le peuple représente une totalité ordonnée, en ce sens que le Volksgeist en tant que conscience commune d’un peuple renferme toutes les expressions de la vie sociale en une union indissoluble (que souligne l’idée de nation) organique et mécanique. Et individuellement, l’homme n’accomplit sa mission sociale qu’à travers sa culture et ses traditions. A partir de l’identité et de l’appartenance on peut isoler (sans séparer) un élément du Volksgeist pour l’approfondir 34 .
Le Volksgeist et la vie du droit
Le Volksgeist comprend tous les éléments qui ont inspiré le romantisme allemand : la perpétuation de la tradition et des racines qui forment l’identité ; le perfectionnement de l’homme situé dans ses éléments naturels exprimés par son histoire 35 : l’union de l’homme avec son entourage, l’importance du langage comme expression de création et de re-création 36 qui n’est point conventionnelle. Le langage enchante le droit comme la poésie romantique s’efforce d’enchanter la parole 37 . Le langage fait partie tant du caractère organique du droit que du Volksgeist exprimé par le langage. Le droit issu de l’esprit du peuple fait partie de son langage. Droit et langue vivent dans la conscience populaire.
Dans cette perspective, l’Ecole historique du droit annonce un néo-humanisme juridique. En effet, Savigny exprime sans équivoque son adhésion à l’humanisme juridique du 16e siècle. Il veut que la science du droit de son temps en prenne le relais 38 . Mais ce néo-humanisme montre l’importance de l’enracinement populaire et national tant de la langue que du droit suivant un chemin parallèle dans l’évolution de la conscience populaire sous les traits d’une Histoire qui a sa propre conscience.
L’Ecole historique est dans une grande mesure influencée par le providentialisme historique de Herder 39 , ennemie du rationalisme progressiste des Lumières 40 , qui met en exergue les valeurs de la tradition 41 . Herder oppose à l’individu abstrait (donc a-historique et irréaliste), l’homme portant le poids de ses traditions et de sa culture dans les spécificités qui lui sont propres, mais en se gardant de créer une hiérarchie de cultures 42 . Il veut mettre en relief l’authenticité de l’homme comme un génie créateur, car le propre du génie est d’être différent des autres dans son initiative de création et d’originalité. Ainsi pour Herder, l’histoire (les traditions) représente notre propre situation, la situation du peuple, la situation de la nation 43 . Pour l’Ecole historique, le Volksgeist représente l’âme d’un peuple, c’est-à-dire de ce qui fait la vie, la vitalité et les aspirations des membres d’un peuple dans leur conscience d’appartenir à la même totalité spirituelle, en quête d’une destinée commune. Et le Volksgeist traduit le génie national 44 C’est pourquoi on a assimilé l’esprit du peuple à l’esprit de la nation. Il s’agit d’une idée située aux antipodes du jacobinisme qui fait coïncider Etat et nation et dont l’esprit est traduit par le code civil napoléonien. Dans cette direction, le droit déterminé par le Volksgeist est un droit déterminé par le passé de la nation 45 . Le Volksgesit 46 renvoie à un droit qui traduit l’intimité de la nation et sa nécessité interne. Il représente une forme de nationalisme juridique.
Dès lors, par son implication dans l’idée de nation, le Volksgeist acquiert une coloration métaphysique voire mystique. La nécessité interne désigne avant tout la vie organique et historique du peuple. Elle porte vers une exigence métaphysique : elle témoigne de la dialectique entre la liberté pour l’individu d’appartenir aux ensembles sociaux et la nécessité d’agir en tant que conscience historique et populaire. En revanche, l’idée de nation suggère la dialectique entre la liberté de suivre un destin commun et la nécessité de conserver les traditions constitutives de l’identité du peuple qui sous-tend la nation. Et dans ce cas, s’ajoutent la religion ou bien les traditions théologiques qui ont forgé l’identité du peuple et renchéri sur l’idée d’appartenance. Joseph de Maistre 47 et Bonald sont allés dans ce sens-là, confondant le religieux et le national. En outre l’idée de providence est rajoutée, par le biais de la religion, à l’idée de Volksgeist.
Il s’avère donc nécessaire d’apporter des nuances à la sémiologie de ces termes.
Le peuple comme communauté et communion
Le terme peuple évoque primordialement une entité naturelle, et renvoie aux idées de communauté et de communion. La communauté atteste la portée sociale et sociable des individus qui, au début, spontanément au moins, se sont mis à vivre ensemble, composant une société pourvue d’institutions formelles et informelles. L’idée d’appartenance à une communauté jouit ici d’un rôle de premier ordre. Le peuple dépasse les frontières ; il s’appuie sur le passé comme caractéristique identifiante de son appartenance à la communauté. La diaspora en un est un exemple classique.
Dès l’Antiquité, Hérodote peut nous éclairer sur les traits fondamentaux qui drapent l’idée de peuple. L’historien qualifie les Ioniens, les Eoliens et les Doriens de peuple grec 48 . Il fait la distinction entre Hellènes et barbares. Certes en Grèce, il y a plusieurs cités autonomes comme Sparte, Athènes, Mycènes, Thèbes qui sont assez souvent en conflit. Il n’empêche pas moins qu’ils constituent un bloc qui s’oppose au reste du monde. Ils partagent l’idée d’avoir une origine commune et la même appartenance. Cette conscience partagée par tous -nous dit l’historien- est formée grâce à la langue commune, les coutumes communes qui constituent leur héritage juridique 49 , les mœurs, les traditions et la religion commune, tous considérés comme étant du même sang 50 . Même s’ils s’entre-tuent parfois, ils savent s’allier lors de menaces graves contre l’indépendance de tout territoire hellénique. L’idée d’appartenance des citoyens grecs au même peuple est en particulier impliquée dans leurs coutumes ancestrales qui comprennent une sagesse non-démentie par le temps. Il s’agit de celle exprimée par les nomoi, lois informelles 51 qui énoncent des devoirs fondamentaux que le Grec doit pratiquer en tant que citoyen tant de sa cité que de la mère-Grèce 52 comme le respect des parents, celui de l’hôte auquel se rapporte très souvent le droit d’asile 53 , le devoir d’enterrer les morts et bien d’autres devoirs. Elles sont appelées des lois panhelléniques 54 , des lois des Grecs 55 , ou bien celles de la patrie : patrooi 56 .Leur origine remonte à un temps inconnu. Elles sont des nomoi palaioi 57 (des lois anciennes), léguées par les ancêtres communs et au nom desquelles les Grecs ont fait la guerre pour sauvegarder non seulement les territoires mais aussi leurs institutions sacrées : les iera et ossia 58 . Notamment, les guerres médiques ont réuni, au delà de leurs différences, toutes les cités grecques menacées par l’impérialisme persan.
Volksgeist : de la nation à l’Etat
La nation est une idée foncièrement moderne. Elle suit celle du peuple. Un peuple peut être conçu sans être éventuellement propriétaire du sol qui désigne son territoire légitime; ce qui est difficilement imaginable dans le cas de la nation. Tel est le cas des peuples sous le joug qui s’affichent en nations après leur indépendance 59 . L’histoire des Balkans peut nous fournir des exemples caractéristiques. La nation possède une dimension géopolitique irréductible. Toutefois, il est possible de parler de nation lorsqu‘un peuple, conscient des racines communes qui unissent ses membres et le destin commun qui les dirige, fait de l’enjeu de l’indépendance géopolitique la finalité première de sa destinée. L’idée de nation apparaît à partir du moment où l’on fait la distinction de nous et de l’autre, l’étranger et notamment de l’étranger qui nous dirige illégitimement 60 ; phénomène qui apparaît à la Renaissance après l’effritement des empires. L’idée de nation comprend le naturel et le constructif. Mais elle représente certainement la consécration d’un peuple considéré comme une entité socio-culturelle dans un territoire reconnu par d’autres peuples et nations. Alors que le peuple est une réalité concrète, la nation est plutôt une entité idéelle 61 . En tant qu’idée, elle renvoie à la constitution comme étant la charte de l’organisation fondamentale d’un peuple indépendant et autonome. Ainsi que Marx l’a remarqué, ce n’est pas la constitution qui crée le peuple mais c’est le peuple qui crée la constitution. 62 La langue et la religion ne sont pas formellement nécessaires pour désigner l’appartenance à une nation. Ernest Renan nous a légué un ouvrage des plus classiques qui porte sur l’idée de nation. Ce penseur met en valeur l’idée de Volksgeist représentant l’apanage du passé commun, des moeurs et de la tradition, bref du passé historique comme assise pour l’appartenance nationale 63 . Mais ce n’est pas tout. Il y rajoute la volonté personnelle de vouloir participer de la nation comme un acte de solidarité à son présent et à la construction de son avenir. Au hasardeux naturel s’ajoute la liberté personnelle de rejoindre un destin commun qui va jusqu’au sacrifice de soi 64 .
En l’occurrence, il faut distinguer entre l’idée de nation formelle et l’idée de nation comme reflet de l’identité fondée sur des « droits historiques » 65 qui ont pétri l’âme d’un peuple reconnu en tant que réalité autonome aux yeux des autres 66 . Dans le premier cas entrent les nations plurilingues au sein desquelles plusieurs religions sont reconnues et pratiquées. Citons, comme exemple, les Etats Unis proclamés dans leur unité-totalité de nation. En revanche, l’idée de nation comme réceptacle d’un peuple et signe de son authenticité est différente. Tel le cas des pays balkaniques qui se sont libérés du joug de l’empire ottoman. Fondés sur la tradition chrétienne, ils se sentent solidaires les uns des autres dans la lutte pour s’affranchir du joug ottoman. Ce mouvement s’inscrit dans le modèle romantique allemand inspiré par le Volksgeist 67 , modèle qui assigne la priorité aux traditions et à la culture 68 .
Le 20 décembre 1891 a lieu la première assemblée nationale des Grecs qualifiée de « première assemblée libre des Hellènes en tant que nation après vingt-deux siècles ». La première constitution provisoire a été adoptée. Elle établit l’équivalence de l’orthodoxie et de l’hellénicité 69 . Dans les assemblées nationales qui ont suivi l’indépendance grecque du joug ottoman, est affirmée l’unité du caractère et de la nature entre hellénisme et chrétienté orthodoxe mais elle garantit en même temps la tolérance pour les minorités d’autres religions. Or les idées d’appartenance à un peuple 70 et de partage de ses valeurs sont ici primordiales.
Quant à l’idée d’Etat moderne, celui-ci va en d’autres perspectives. L’Etat est une idée abstraite 71 . Il se réalise en une construction artificielle où le passé perd de plus en plus sa signification et l’idée de citoyen est de plus en plus mise en valeur. Le contractualisme se trouve à la base. Le culturel cède au juridique. L’Etat représente souvent une mosaïque de cultures et d’ethnies qui doivent se soumettre à une chartre socio-juridique commune fabriquée en vue de garantir les valeurs construites ou reconnues par l’Etat même 72 . Ce qui importe dans l’Etat moderne, c’est l’individu dans son présent et pour son avenir. Le passé est une idée à surmonter pour des raisons politico-idéologiques. L’Etat moderne s’oppose ici à la nation qui pourrait, par une interprétation conservatrice, donner lieu à des manifestations ségrégatives et raciales. En effet, l’Etat moderne est foncièrement légaliste, démocratique et, par là, égalitariste. Le citoyen est reconnu avant tout comme un membre de l’espèce humaine, il est donc cosmopolite.
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G. Del Vecchio, Philosophie du Droit, Paris, Dalloz, 2004, p. 137. ↩
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Voir par exemple le livre de G. Mairet, Le Principe de Souveraineté. Histoires et fondements du Pouvoir Moderne, Paris, Folio/Essais, 1996, et notamment le chapitre « Historiques », p. 17 et suiv. Voir également E. Sieyes, Qu’est-ce que le Tiers Etat ? Paris, Quadrige/Puf, 1987, ch.5, p. 64 et suiv. ↩
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A. Dufour, "Rationnel et irrationnel dans l’Ecole du Droit Historique », Archives de Philosophie du Droit, v.23, 1978, p. 147-174 et notamment, p. 157-158. ↩
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Cf., A. Dufour, «L’histoire du droit dans la pensée de Savigny », Archives de Philosophie du Droit, t. 29, 1984, p. 8-249 et notamment, p. 225-226. ↩
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Dans une lettre de Marx adressée à A. Ruge, l’auteur du Capital remarque à propos de la méthode révolutionnaire qu’implique sa conception de la dialectique « Nous apportons au monde les principes que le monde a lui-même développés dans son sein. Nous ne lui disons pas : laisse-là tes combats, ce sont des fadaises ; nous allons te crier le vrai mot du combat. Nous lui montrons seulement pourquoi il combat exactement, et la conscience de lui-même est une chose qu’il devra acquérir, qu’il le veuille ou non », Marx-Engels, Etudes Philosophiques, Paris, Classiques du Marxisme, 1974, p. 22. ↩
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En effet, Marx postule - contrairement à Aristote qui fait de la dialectique principalement une méthode en quête du principe de l’identité (une chose ne peut pas être en même temps son contraire) et à Hegel qui cherche à explorer une chose avec les contradictions qu’elle renferme tout en établissant que l’idée préexiste au monde- que le monde préexiste aux idées qui tirent leur sens des mouvements du monde. Le développement dialectique des contradictions du monde ne découle donc pas des mécanismes de la pensée mais des phénomènes réels ; voir, M. Duverger, Sociologie de la Politique, Paris, Thémis/Puf, 1973, p. 343-343. ↩
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Contrairement à Savigny, Marx se centre sur les rapports dialectiques issus des luttes de classes. En ce sens sa dialectique est objective, la conscience du peuple tient ici un rôle secondaire. Comme l’a observé un lecteur d’Althusser, à propos de l’analyse de l’œuvre du philosophe « A partir du moment où Marx voit le moteur de l’évolution dans la lutte des classes, sa pensée ne se centre plus sur l’homme, mais sur une structure économique et sociale qui est déterminante et dont l’homme dans sa réalité, n’est que le produit où le support ». . E. Botticelli, « En lisant Althusser », Structuralisme et Marxisme, Paris, 10/18, 1973, p. 39-65 et notamment p. 62. ↩
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Savigny, System des heutigen römischen Rechts, bd.1, 1840, §.8 p. 20. ↩
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Del Vecchio, op. cit., p. 138. Le code napoléonien, avec son esprit jacobin, s’inscrit dans la lignée opposée au Volksgeist de Savigny. Cf., P. Magnard, Questions à l’Humanisme, Paris, Vrin, 2000, p. 167 et la note 1. ↩
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Cf. le voeu du Doyen J. Carbonnier : «. Que les princes qui nous font des lois se montrent plus historiens et moins futurologues, qu’ils sachent sentir sur quel tréfonds de très vielles choses juridiques repose une société moderne », Essais sur les Lois, Paris Répertoire du Notariat Defrénois, 1979, p. 18. ↩
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Cité par A. Dufour, « Rationnel et Irrationnel dans l’Ecole du Droit historique », A.P.D. t.23, 1978, p. 147-174 et notamment p .152. ↩
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A. Dufour, « L’Histoire du droit ....op. cit., A.P.D, vol 29, p. 237. ↩
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Ibid ., p. 238. ↩
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Cf. H. Jaeger, « Savigny et Marx », A.P D. n°12, 1967, p. 65-89 et notamment, p. 67. ↩
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Cf., La République, 493 e. ↩
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Ibid., 500 c. Pour Platon, le Juste qu’il conçoit comme un absolu est un droit naturel. Dès lors, on voit la distance qui sépare le droit platonicien du droit issu du Volksgeist. En effet, le premier est juste par sa nature essentielle et peut être saisi par la conscience individuelle du roi-philosophe, alors que le second découle des lois que régit la nature dans les relations sociopolitiques et il vient de la conscience collective. ↩
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Voir l’édition de C.B. Macphaerson, Penguin Books, 1980, le chapitre XVIII, p. 228 et suiv., chapitre qui se rapporte aux droits des Souverains institués. ↩
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Et pour cette raison le souverain n’est pas soumis au droit (sous forme de lois) qu’il édicte. Cf. Eléments de la Loi Naturelle et Politique, Paris, Classiques de Poche, 2003, p. 233 n.1. ↩
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E. Kant, Métaphysique des Mœurs. Première Parie. Doctrine du Droit, Paris, Vrin, 1986, p. 100-101. ↩
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G.W.F. Hegel, Principes de la Philosophie du Droit, ou Droit Naturel et Science de l’Etat en Abrégé, Paris Vrin, 1988, p. 98-99. ↩
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Ibid., p. 99 ; sur le droit issu d’un contrat cf., p. 134 §82 ibidem. ↩
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Le droit politique concerne la vie en société (koinonôn biou), donc le droit forgé par les traditions et les coutumes, voir Ethique à Nicomaque, 1134 a 27. ↩
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Il s’agit d’un dikaion qui se rapporte principalement aux lois grecques (très souvent, coutumières), Ethique à Nicomaque , 1134 a31, mais il concerne les dianomai, les distributions ou bien les échanges dans les rapports sociaux E.N. 1130 b 30 et suiv. ↩
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Cf. P. Roublier, Théorie Général du Droit, Paris, Dalloz, 2005, p. 147-148. ↩
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Cf. A. Dufour, « Droit et langue dans l’Ecole historique du Droit », A.PH.D, 19, 1974, p. 151-180, et notamment, p. 176. ↩
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Cf. M. Heidegger, Was ist das -die Philosophie ?, trad.et commentaires par V. BITSIOTIS, Athènes, Agra, 1986, p. 84-85 (en grec).Dans cette perspective, le Volksgeist n’est pas une méthode mais une mise en chemin pour parcourir une distance du passé jusqu’au présent et prospecter sur l’avenir. La dialectique grecque comme méthode s’impose, à notre avis, pour accomplir cette tâche. ↩
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A. Dufour, « L’histoire..... » op. cit. A.P.D.29, p. 25. ↩
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H. Jaeger , op. cit., p. 82. ↩
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H. Jaeger, op. cit. p. 79. ↩
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H. Jaeger, op. cit., p. 85-86. ↩
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D. Cuche, La Notion de Culture dans les Sciences Sociales, Paris, Repères/la Découverte, 1998, p. 11-12. ↩
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Il ne faut pas confondre ce Volksgeist fondé sur la spontanéité naturelle de l’esprit du peuple, Volksgeist qui surenchérit sur les traditions et la mise en valeur des mœurs et des coutumes avec l’esprit du peuple dont parle ROUSSEAU dans Le Contrat Social, Paris, Pluriel/Le Livre de Poche, 1982, liv. 2, ch.XII, p 243. Rousseau met l’accent sur l’éducation des mœurs selon des directives idéologiques que les gouvernants se donnent comme but dans l’administration de la chose public. Le Volksgeist traduit la spontanéité naturelle des processus historiques. En revanche, Rousseau traduit l’aspect des Lumières qui vise à créer un homme nouveau par la vertu de l’instruction. ↩
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A.P.D. 1978, p. 150 ; 159-161, op. cit. ↩
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H. Jaeger, op. cit. p. 79 ↩
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M. Alexandre, « Introduction » des Romantiques Allemands, Paris, La Pléiade, 1976, p .XII. ↩
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« Introduction »..., p. XVI. ↩
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Ibid., p. XVII. ↩
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A. Dufour, « Droit et langage dans l’Ecole historique », op. cit. p. 156-157. ↩
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Cf. Herder Histoire et Cultures. Une Autre Philosophie de l’Histoire, Paris, GF Flammarion, 2002, p. 73-75.Cf., au sujet de la providence comme moteur de l’histoire : « la marche de la Providence s’achemine, même à travers des millions des cadavres, vers son but ! ». ibid. p. 161. ↩
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L’œuvre de Herder, Une Autre Philosophie de l’Histoire, porte, entre autres, contre l’esprit progressiste des Lumières, du côté français ou bien du côté allemand. Pour lui la succession de l’histoire constitue « la grande œuvre vivante de Dieu », voir AUFKLÄRUNG. Les Lumières Allemandes, textes et commentaires par G. Raulet, 1995, p .233. ↩
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A.P.D, t. 23, 1978, op. cit., p. 150. ↩
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Cf., L. Dumont, .Essais sur l’Individualisme. Une Perspective Anthropologique sur l’Idéologie Moderne, Points/Essais-Seuil, 3ème éd. 1991, p. 138. ↩
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Ibid, p. 221. ↩
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A. Brimo, Les Grands Courants de la Philosophie du Droit et de l’Etat, Paris, 1968, 2ème édition, 160-161. ↩
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A.P.D. t 29, p. 222, op. cit. ↩
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Ibid. p. 227. ↩
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Dans cette perspective, ce penseur, inspiré de l’antiquité gréco-latine, avance que « Les Anciens croyaient que tout crime capital, comme dans l’Etat, liait la nation, et que le coupable était sacré ou voué aux Dieux, jusqu’à ce que, par l’effusion de son sang, il eût délié et lui-même et la nation ». Joseph de Maistre, Sur les Sacrifices, Paris, Poquet/Agora, 1994, p. 35. ↩
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Cf. Herodote, L’Enquête, Enquête, VII §9, p. 465 de l’Edition La Pléiade, 2002. ↩
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Ibidem. ↩
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Ibid., Enquête, VIII, p. 602. ↩
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Ce que ces lois commandent ne sont pas « des mots inscrits sur des tablettes ni scellés dans des rouleaux de papyrus », Cf. Eschyle, Les Suppliantes, v. 946-947. ↩
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Heureuse expression que celle d’Euripide dans Les Héraclides, v ; 305-6 : « oikoumenès Hellènidos gès ». ↩
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Cf. Eschyle, Les Suppliantes, v. 610. ↩
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Euripide, Les Suppliantes, v.526. ↩
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Ellènôn nomoi les appelle Eurysthée, héros euripidien dans Les Héraclides, v ; 1010. Selon ces lois l’exécution de ce héros après le combat serait considérée comme un véritable homicide qui entraînerait une souillure pour le meurtrier. ↩
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Thucydide, LA Guerre de Péloponnèse, l. II, 34. ↩
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Cf. Euripide, Les Suppliantes, v.569. ↩
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Osios désigne ce qui est permis, ce qui est approuvé et recommandé par les divinités afin d’être appliqué par les hommes ; l’hosios désigne le devoir de l’homme par rapport aux dieux, ce juste qu’il doit accomplir selon les lois divines. Cf. Eschyle, Prométhée, 530 ; Euripide, Les Suppliantes, 40. Herodote, op. cit. 9, 79. Il est souvent joint au dikaios, pour désigner une vie menée conforme aux lois divines et humaines. Cf. Platon, Le Politique, 301 d. Le héros accentue la portée divine de l’hosios comme droit divin. ↩
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Cf., Y. Lacoste, Vive la Nation, Destin d’une Idée Politique. Paris, Fayard, 1997, p. 39. ↩
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Ibid., p, 40. ↩
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Qui existe en tant qu’Idée, comme par exemple l’Archétype platonicien. ↩
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Critique de la Philosophie de l’Etat de Hegel, cité par G. Gurvitch, Dialectique et Sociologie, Paris, Sciences/Flammarion, 1972, p. 124 ↩
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E. Renan, Qu’est-ce qu’une Nation? Et autres Essais Politiques, Paris, Pocket, 1992, p. 54. ↩
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Ibid., p. 50. ↩
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Cf. Y. Lacoste, «Balkans et Balkanisation», Herodote, Revue de géographie et de géopolitique, Balkans et Balkanisation, n°63, 1991, p. 3-13 et notamment p. 9. ↩
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Il faut remarquer ici que le Volksgeist de Hegel est assez différent de celui de Savigny. Le Volksgeist selon Hegel est un esprit limité.Principes. op. cit., p. 333, n. 83. L’idée de peuple dépend du monarque. Le peuple n’a pas une dynamique qui lui est propre, il représente un tout «inorganique», Principes, op. cit. p. 310. « Sans son monarque et sans l’organisation qui s’y rattache nécessairement et immédiatement, le peuple est la masse informe ». Ibid., p. 292. Enfin, un peuple n’est souverain que lorsqu’il a son propre prince et son gouvernement indépendant, ibidem. ↩
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La Megalè Idea du héros grec Règas Phéraios, tire ses racines du Volksgeist. ↩
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Cf. G. Castellan, Histoire des Balkans. XIVe-XXe Siècles, Paris, Fayard, 1991, p. 305 ↩
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Le fait d’être grec. ↩
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Les Grecs modernes se veulent héritiers légitimes du logos hellénique auquel ils ont rajouté l’idée d’orthodoxie. C’est là le trait fondateur de leur appartenance commune à l’Hellade. Terre symbolique qui excède amplement celle des citoyens d’un Etat pour réunir les hommes d’esprit hellénique. Pour comprendre un bon nombre de spécificités de l’esprit néohellénique voir le livre de D. Nicoalidis, Une Grèce à l’Autre Représentation des Grecs Modernes par la France Révolutionnaire, Paris, Les Belles Lettres, 1992. ↩
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Il est très caractéristique chez Hegel notamment. En effet, le philosophe confond l’Etat en tant que totalité de l’existence du peuple et l’Etat politique, il accorde la souveraineté à la personnalité de l’Etat qui est abstraite. Voir Marx, Critique de l’Etat Hégélien, Préface et traduction de K.Papaioanou, Paris, 10/18, p. 264-265, 205-205, 103. ↩
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Ainsi un Etat peut-il comprendre plusieurs nations. A ce sujet J. Filippini, «Petite nation et politique: la Tchécoslovaquie et le nationalisme slovaque » (avant le démantèlement de la première) observe : « Que dire de petites nations d’Europe centrale, dotées d’un Etat depuis seulement quelques décennies, comme la Tchécoslovaquie ...., Herodote, Revue.... op. cit., p. 174-187, et notamment p. 74. ↩