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Mauritanie : quand un petit pays donne une grande leçon de démocratie

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      • Mot-clésFR Éditeur 18 articles
        18 articles
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        Mot-clésFR Éditeur 96 articles 3 dossiers,  
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        Mot-clésFR Éditeur 34 articles
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        Mot-clésFR Auteur 7 articles 1 dossier,  
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        Mot-clésFR Éditeur 72 articles 3 dossiers,  
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        Mot-clésFR Auteur 1 article
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        Mot-clésFR Éditeur 485 articles 14 dossiers,  
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      Texte

      Une leçon pour les néoconservateurs américains

      Alors que l’Amérique est en train de prendre toute la mesure de l’absurdité de la théorie des néoconservateurs, apprentis sorciers des relations internationales qui ont voulu initier par la force la création d’un « Grand Moyen-Orient » à partir de la démocratisation fantasmée de l’Irak, un petit pays islamique vient de vivre une révolution en douceur et de démontrer, pour ceux qui en doutaient, que non seulement la « greffe » de la démocratie peut prendre dans les pays dont la législation dérive en grande partie du dogme islamique, mais qu’elle ne s’impose jamais mieux que quand elle est soutenue par le peuple. De fait, le 19 avril 2007, l’investiture du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, 69 ans, devait couronner un processus débuté avec un coup d’État à l’été 2005 et visant à faire passer la République Islamique de Mauritanie d’un régime autoritaire à un système démocratique aux fondement solides. Un défi difficilement imaginable il y a encore peu.

      La République Islamique de Mauritanie, un petit pays méconnu

      La Mauritanie, un petit pays ? Certes non, si l’on rappelle que cette contrée de plus d’un million de km², désertique à 90%, est deux fois grande comme la France. Mais relativement « petit » quand l’on précise que sa population ne s’élève guère qu’à plus de trois millions d’âmes. Située entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, elle en est en quelque sorte la frontière, comme le révèle la composition de sa population : au fil des siècles, son peuple s’est constitué peu à peu de Maures (notamment les Berbères Sanhadja) d’une part, et de Négro-Africains, d’autre part. S’y ajoute également une troisième communauté, celle des Haratines, descendants d’anciens esclaves. Contrairement aux autres pays de cette partie de l’Afrique, sa colonisation est plus tardive, ne commençant que vers 1900. Elle demeure difficile, au reste. Les intérêts pour la France sont essentiellement stratégiques : il s’agit d’« empêcher l’intrusion d’autres puissances européennes, et [de] réaliser la jonction entre l’Afrique du Nord française et l’AOF (Afrique Occidentale Française) », (Encyclopedia universalis). Elle est dans un premier temps menée de façon pacifique par Xavier Coppolani (à partir du Sénégal), puis les autorités se décident à organiser des expéditions militaires vers 1910, devant le refus de céder des tribus nombreuses. Terre des hommes, de Saint-Exupéry, est riche d’épisodes qui rappellent la fragilité des positions françaises. Mais l’administration imposera enfin la « paix française », puis viendra le temps de la Seconde Guerre mondiale, et l’indépendance en 1960, la Mauritanie ayant été entre-temps territoire d’outre-mer, selon la Constitution de la Quatrième République française (1946-1958). Moktar Ould Daddah, qui a mené la lutte pour l’indépendance, deviendra président jusqu’en 1978. L’histoire contemporaine retient surtout un nom, celui de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, ancien officier arrivée au pouvoir le 12 décembre 1984 après un coup d’Etat qui devait chasser un autocrate. En réalité, on assiste rapidement à une dérive autoritaire, l’homme faisant disparaître de nombreux mouvements politiques lors de son règne, « remportant » des élections dès le premier tour, emprisonnant, réprimant… Un contre-exemple démocratique, bien plutôt. Le président Ould Taya restera au pouvoir deux décennies, jusqu’en 2005. Et pourtant. « Exemplaire » : tel est le qualificatif souvent accolé par les médias à la très récente élection présidentielle mauritanienne, dont le second tour s’est achevé le 25 mars 2007. Un second tour d’autant plus remarquable que le pays n’a pas toujours été habitué à jouer son avenir au-delà du premier tour. Alors, que s’est-il passé ? Cette élection a couronné un ensemble de politiques décidées au lendemain d’un coup d’État qui a eu lieu en août 2005. Après près de vingt ans de règne autocratique, le président Maaouya Ould Taya, a été déposé par les militaires et le colonel Ely Ould Mohammed Vall, qui a transitoirement pris le pouvoir, s’est engagé à réformer le système politique mauritanien pour le démocratiser, ce, en moins de deux années. Il devait d’ailleurs préciser dès le départ que lui et les membres de son équipe ne se présenteraient pas à l’élection présidentielle, promesse clé. Et pari tenu. Aujourd’hui, les partis politiques foisonnent, des élections ont eu lieu à l’automne et à l’hiver, la liberté de la presse s’est étendue, les institutions judiciaires se veulent plus impartiales et l’économie s’est maintenue, quoique l’inflation née de la croissance n’améliore certes pas le sort des couches pauvres de la population. Enfin, cette élection présidentielle est la première du genre depuis l’indépendance du pays en 1960 – une première parce que libre et régulière, ce qui est l’essence même de la démocratie telle qu’on l’entend en Occident. Quoique le nouveau président, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, « indépendant », ait pourtant été soutenu par des membres de l’ancien pouvoir, il a promis de mettre en place un gouvernement d’union nationale. Autrement dit, il devrait composer avec des hommes de couleurs politiques différentes, y compris même avec les milieux ayant soutenu Ahmed Ould Daddah, grande figure de l’opposition arrivée deuxième au premier tour de l’élection le 11 mars, et devrait éviter de « ressortir » les dossiers du passé pour essayer d’écrire une nouvelle page de l’histoire de la Mauritanie. La boîte de Pandore est refermée pour le moment, mais nul doute qu’elle sera cependant rouverte avec le passage du temps et des générations. Ce processus demeure pourtant assez exceptionnel – d’autant plus que tout s’est très bien passé, comme ont pu en témoigner les journalistes et les observateurs internationaux présents sur place. Qu’un pays d’Afrique se décide seul à renverser le dictateur au pouvoir depuis vingt ans et tente de faire de la contrée un havre démocratique reste plus que rare. Le dirigeant libyen Kadhafi se sera empressé de critiquer là un pays tombé, selon lui, sous l’influence de l’Occident. Il n’empêche. Pays africain mais également arabe et islamique – il est d’ailleurs renommé pour avoir des oulémas enseignant à travers tout le monde arabe –, la Mauritanie inflige un véritable camouflet aux extrémistes de tous bords, en Occident comme dans le monde arabe, qui estiment que la religion du Prophète Mahomet n’est pas « démocratico-compatible » : En effet, l’aspiration à une transition démocratique a été vérifiée auprès de la population elle-même lors d’un référendum appelant à la modification de la Constitution, pour laquelle la majorité des Mauritaniens a apporté son accord en juin 2006. Les voix se sont portées en majorité sur un candidat qui a réussi à acquérir l’image de modéré auprès des électeurs. Les élections elles-mêmes, la ferveur qu’elles ont dégagée, semblent également être un plébiscite non dissimulé pour un renouveau de la vie politique, dans un cadre démocratique, point qu’a confirmé, à chaque reprise, un taux de participation assez important, de l’ordre de 65 à 70%.

      Les années qui précédent la destitution de Maaouya Ould Taya

      Le pouvoir du président Taya était déjà fragilisé depuis quelques temps : les années qui ont précédé le coup d’État ont en effet vu plusieurs tentatives de déstabilisation échouer, mais celles-ci n’en avaient pas moins créé une fragilité politique notable, qui s’était traduite par une dérive autoritaire. Déjà, le 8 juin 2003, l’insuccès d’un putsch (36 heures de combat et 15 morts) devait conduire à de nombreuses arrestations de civils et de militaires. Devait bientôt s’y ajouter l’interpellation d’un candidat de l’opposition (et ancien président, lui-même renversé lors d’un putsch en 1984) à la veille d’un scrutin présidentiel fin 2003. Derechef, en août 2004, on assistait à l’arrestation de plusieurs officiers, accusés d’être liés au putsch de 2003. Autant d’événements qui, après coup, donnent à voir comme l’usure d’un autocrate resté trop longtemps accroché à la puissance, et qui, sentant avec angoisse son temps venu, veut conjurer la fatalité par tous les moyens. En vain. Le président n’arrive alors pas à se rapprocher des militaires, qui préparent sa déchéance. L’économie du pays est fragile, frappée par l’inflation, et la sécheresse, pendant deux années, ainsi qu’une invasion de criquets pèlerins, aggravent la situation pour des Mauritaniens encore très dépendants de leur agriculture.

      Le coup d’Etat du 3 août 2005

      Paradoxalement, c’est sans violence que le dirigeant mauritanien va être déposé. Profitant de l’absence du président Ould Taya, parti assister aux funérailles du roi Fahd, en Arabie Saoudite, les putschistes envahissent Nouakchott au petit matin du 3 août 2005. Les militaires prennent le contrôle de lieux stratégiques (siège de l’état-major, télévision, radio) et se mettent en position pour bloquer les éventuelles réactions de loyalistes. Précaution au demeurant inutile, aucun signe de résistance n’étant observé. La population ne craint pas de manifester sa joie rapidement, et on fête bientôt dans les rues de la capitale la chute d’un gouvernement discrédité et impopulaire depuis longtemps. D’entrée de jeu, le nouveau « Conseil militaire pour la justice et la démocratie », dirigé par le colonel Ely Ould Mohammed Vall, alors directeur de la Sûreté nationale et proche d’Ould Taya depuis son accession à la présidence en 1984, indique qu’il compte garder le pouvoir pour une période de deux ans seulement, temps nécessaire, selon lui, pour assurer une transition démocratique. Les réactions à l’étranger sont mêlées. Officiellement, la Commission de l’Union africaine (UA), présidée par Alpha Oumar Konaré, condamne la « prise de pouvoir » immédiatement. Il était certes difficile pour un organe semblable de ne pas dissuader ce type d’actions, qui ont tant contribué à stigmatiser l’Afrique par ailleurs. Le continent ne peut s’offrir le luxe d’une énième crise. La participation de la Mauritanie aux activités de l’UA est donc suspendue. Prudents, les Etats-Unis et la France, qui seraient les seuls acteurs réellement à même de pouvoir renverser la situation sur le moment, observent de leur côté le déroulement des événements, se contentant de quelques déclarations officielles. Enfin, certains médias lient le coup d’État à l’exploitation du pétrole à venir. Ils y voient en effet une incitation, pour les officiers traditionnellement proches du pouvoir, « à passer à l’action ». Mais cette thèse, peu explicite, n’est pas développée davantage. Le Conseil décide de multiplier rapidement les signes annonçant une transition pacifique. Le nouveau dirigeant reçoit, dès le lendemain du coup, les ambassadeurs des pays occidentaux représentés à Nouakchott, de même que ceux des pays africains et arabes. Les paiements sont garantis aux entrepreneurs occidentaux. La dissolution du Parlement est annoncée et bien vite, il est précisé que des élections seront tenues, auxquelles les membres du Conseil ne se présenteront pas. Il est également question de la tenue d’un référendum constitutionnel. Officialisées en 1999, les liens diplomatiques qu’entretient la Mauritanie avec Israël ne sont pas rompus – les deux seuls autres États de la Ligue arabe à avoir de telles relations sont la Jordanie et l’ Égypte. Quelques jours après le putsch, un premier ministre de transition est nommé. La France se veut optimiste. Et près d’une semaine à peine après le coup d’État, les États-Unis et l’UA affichent leur confiance dans la nouvelle équipe dirigeante et s’engagent à coopérer avec elle, pourvu que des élections soient tenues à terme. Il est à noter que pour Washington, la Mauritanie reste un allié important en Afrique de l’Ouest dans sa lutte contre le terrorisme : de fait, des experts militaires américains y ont été dépêchés depuis déjà quelques années pour entraîner les troupes sur place à combattre les activistes islamistes. L’espoir luit enfin d’une transition différente : ce coup d’Etat ne remplacera pas un autocrate par un autre. Pragmatique, Abdoulaye Wade, président du Sénégal, pays voisin, déclare d’ailleurs au lendemain du coup : «  Le putsch semble être consommé, il faut maintenant travailler pour un retour à la démocratie  ». C’est ce que l’équipe dirigeante va faire pendant les deux années suivantes.

      Tenter l’aventure démocratique

      Répondant à une interview de Wal Fadjri (Dakar) en date du 14 mars 2007, Ely Ould Vall observe : « Il faut bien comprendre que le travail qui a été fait pendant cette période n’est pas tout simplement politique ». De fait, pendant les dix neuf mois qui séparent le coup d’Etat de l’élection présidentielle, des réformes sont menées dans bien des domaines, politiques, économiques, judiciaires, qui ont visé au final à la revitalisation de l’Etat mauritanien. La « bonne gouvernance » est valorisée. La transparence est de mise, avec notamment la création de la Société mauritanienne des Hydrocarbures, en charge de surveiller les activités pétrolières du pays. L’indépendance de la Banque centrale est renforcée. La monnaie est certes assainie mais l’exploitation du pétrole accentue l’inflation, au détriment des classes les plus pauvres. Le salaire des fonctionnaires est cependant doublé. Le président Ould Vall explique ainsi cette décision : « [P]ayer des salaires de misère aux fonctionnaires, c’est laisser la porte ouverte à la corruption. C’est pourquoi nous avons voulu inverser les tendances en doublant les salaires de tous les fonctionnaires » (cf. Wal Fadjri). Dans le même temps, des chantiers liés aux infrastructures (adduction d’eau vers la capitale, aménagement des structures portuaires, etc.) sont mis en place. En outre, de fin 2005 à début 2006, les élections se succèdent : législatives, municipales, sénatoriales et présidentielles, ainsi qu’un référendum sur la Constitution, qui a eu lieu auparavant, en juin 2006. Enfin, au plan extérieur, le pays a pris soin de ménager ses liens avec ses voisins, et ses relations avec des institutions internationales comme la Banque Mondiale ou le FMI sont bonnes. Cette page se tourne aujourd’hui. Avec l’investiture du nouveau président, les institutions liées à la transition cessent d’exister constitutionnellement. Un travail de deux ans aura ainsi suffi à jeter les bases de la démocratie dans un pays qui n’avait jamais connu d’élections libres depuis son indépendance en 1960.

      Réflexions pour le futur

      Dans L’inconnu de l’Elysée (éditions Fayard), un ouvrage paru en février 2006, Jacques Chirac revient longuement sur l’un des épisodes clés de sa présidence : son refus de soutenir, en 2003, l’administration Bush lors de son intervention armée en Irak. Le président explique ainsi sa position : « J’ai répété trente-six fois à [George W.] Bush qu’il commettait une erreur monumentale et qu’il fallait laisser travailler les inspecteurs [en charge de déceler la présence, ou non, d’armes de destruction massive en Irak]. Leur travail allait miner le pouvoir de Saddam qui allait finir par se désagréger d’une façon ou d’une autre. Les Américains n’ont pas voulu me croire. Ils n’ont pas résisté à la tentation de dissoudre l’armée régulière irakienne à propos de laquelle j’ai protesté : sur quoi le gouvernement de ce pays allait-il s’appuyer ? L’armée aurait été d’accord, elle se serait alignée sur qui on voulait… » (p. 427). Le président Chirac songeait dès avant l’intervention que celle-ci conduirait à l’explosion de l’Irak et à une guerre civile au sein de ses frontières. Plus tôt dans l’ouvrage, il est dit du dirigeant français que « [b]ien avant la crise, il pensait que [le] régime [de Saddam Hussein] était condamné et s’effondrerait de lui-même « si on conduisait les choses avec habileté ». […] « Il fallait donc s’en occuper mais avec précaution [explique le dirigeant français], un peu comme on manie un vase de Murano. Mais les Américains ont imaginé de faire tomber Saddam Hussein. J’ai toujours pensé qu’il n’appartenait pas à un pays, quel qu’il soit, de prendre des décisions ayant de telles répercussions, mais que seule l’ONU pouvait le faire. […]  » » (p. 418). Outre la proximité dans le temps des deux événements, la tentation est grande d’établir un parallèle entre le cas de l’intervention en Irak, décidée et menée par une puissance extérieure, et celui de la Mauritanie, où la destitution de l’autocrate au pouvoir et la transition ont été assurées par des forces propres au pays. Au demeurant, soutenue, voulue par le peuple dans sa majorité, cette transition s’est faite sans violence, à l’instar d’une révolution de palais. Ce consensus a évité au pays arabo-africain de basculer dans une guerre civile ou de voir sa nation se fragmenter, ses communautés s’affronter. Il est difficile d’en dire autant de l’Irak, où Chiites, Sunnites et Kurdes se déchirent aujourd’hui dans une guerre civile, certains scénarios allant jusqu’à considérer que seuls le fédéralisme ou la constitution d’Etats séparés sauvera désormais le pays. Mais quid de la région elle-même ? Le Moyen-Orient ne s’est-il pas plutôt déjà embrasé ? Le Maghreb, au contraire, commence à afficher une stabilité non négligeable, et profitable à son propre développement. En outre, les dirigeants de la junte mauritanienne ayant pris par eux-mêmes le pouvoir, ils ont pu se réclamer auprès du peuple d’une légitimité manifeste que ne peuvent avoir aujourd’hui, en Irak, ni les Sunnites, ni les Chiites. L’armée mauritanienne dans son ensemble est restée fidèle aux nouveaux dirigeants, permettant d’assurer la stabilité indispensable à cette transition institutionnelle. De son côté, l’Irak est mise à mal par les anciennes troupes d’élites de Saddam Hussein, qui se sont « évanouies » dans la nature lors de la guerre de 2003, et contribuent désormais au chaos quotidien. L’armée régulière a été défaite, et les Etats-Unis s’essaient à refonder les forces irakiennes. Pendant ce temps, la violence atteint des degrés effroyables, réclamant de plus en plus de vies. En Mauritanie, pas une goutte de sang ne fut versée lors du coup d’État, et la paix s’est maintenue, seulement troublée par l’enthousiasme des Mauritaniens à pouvoir discuter enfin librement de politique. Le parallèle peut sembler très instructeur et pourrait être étendu sans doute davantage. Évidemment, l’échelle des enjeux n’est pas la même. Il faut sans doute noter qu’avec ses quelques trois millions d’habitants et ses maigres ressources – le pétrole coule seulement depuis l’an passé –, la Mauritanie n’a pas été l’objet de toutes les convoitises. L’Irak, compte tenu de la taille de ses réserves pétrolières supposées, mais aussi de son histoire, de sa position géographique cruciale, de son potentiel militaire, des positions de son leader, ne pouvait laisser personne indifférent. Surtout, la fixation des néoconservateurs américains sur ce pays, sur la chute de son dirigeant et l’amorce de la démocratisation du Moyen-Orient grâce à celle, rêvée, de l’ancienne Mésopotamie, devait les rendre aveugles quant aux conséquences à escompter d’une intervention armée. Peut-être l’exemple mauritanien est-il arrivé trop tard, en ce sens ? La suite des événements méritera de ce fait d’être observée avec beaucoup d’attention. Les défis qui attendent aujourd’hui la Mauritanie et son nouveau gouvernement n’en demeurent pas moins importants : d’abord, confirmer la démocratisation du pays, mais aussi, allouer aux mieux les profits issus du pétrole pour soutenir les programmes économiques et sociaux, consolider les structures politiques, développer les infrastructures, combattre le fléau de l’illettrisme, lutter contre les aléas climatiques… Ainsi, la Mauritanie reste encore très vulnérable face à ces derniers, comme l’a rappelé l’invasion de criquets pèlerins de 2004, qui a, entre autres, fait perdre au pays 40% de sa production céréalière. En outre, le pays est devenu une étape sur le chemin des émigrés d’Afrique subsaharienne faisant route clandestinement vers l’Europe, une transhumance coûteuse en vies humaines et constituant à elle seule un enjeu que la Mauritanie, elle parmi d’autres, devrait entreprendre de maîtriser en collaborant avec l’Union Européenne. Forte de ses ressources halieutiques, de son fer, dont elle est le douzième exportateur mondial, et de son pétrole, depuis février 2006, la Mauritanie a des atouts certains pour favoriser son décollage économique. L’an passé, le pays est d’ailleurs arrivé dans le trio de tête du continent africain en termes de performances économiques : en effet, l’Angola (+17,6%), la Mauritanie (+14,1%) et le Mozambique (+7,9%) ont enregistré les plus fortes croissances en 2006. Dans le même temps, l’annulation de sa dette par le FMI est un signe encourageant pour l’inciter à faire davantage d’efforts. Il n’est pas mauvais qu’un économiste de formation soit arrivé à la présidence : que l’armée garantisse la stabilité du pouvoir en place et que celui-ci s’occupe de réformer davantage le pays, et c’est tout un chacun qui en bénéficiera. Au plan régional, la synergie forte que pourraient avoir ensemble une Mauritanie démocratique, un Maroc qui progresse sur le chemin des réformes et un Sénégal solide, pour peu qu’ils coordonnent quelques actions groupées, pourrait servir de modèle pour tout le continent africain. Et peut-être même au gouvernement américain, quand celui-ci pensera à refonder son engagement dans le monde. M. Abdallahi, enfin, a promis la composition d’un gouvernement d’union nationale. Et il a raison : la Mauritanie aura besoin de toutes ses forces pour relever ce défi prometteur qu’elle s’est lancé. L’Histoire est là, qui observe même les pays les plus discrets.

      Planel Niels
      Wormser Gérard masculin
      Mauritanie : quand un petit pays donne une grande leçon de démocratie
      Planel Niels
      Département des littératures de langue française
      2104-3272
      Sens public 2007-04-17

      Alors que l’Amérique est en train de prendre toute la mesure de l’absurdité de la théorie des néoconservateurs, apprentis sorciers des relations internationales qui ont voulu initier par la force la création d’un « Grand Moyen-Orient » à partir de la démocratisation fantasmée de l’Irak, un petit pays islamique vient de vivre une révolution en douceur et de démontrer, pour ceux qui en doutaient, que non seulement la « greffe » de la démocratie peut prendre dans les pays dont la législation dérive en grande partie du dogme islamique, mais qu’elle ne s’impose jamais mieux que quand elle est soutenue par le peuple. De fait, le 19 avril 2007, l’investiture du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, 69 ans, devait couronner un processus débuté avec un coup d'État à l’été 2005 et visant à faire passer la République Islamique de Mauritanie d’un régime autoritaire à un système démocratique aux fondement solides. Un défi difficilement imaginable il y a encore peu.

      America is feeling the full impact of the absurd theories of its neo-conservatives, playing like the sorcerer’s apprentice with international relations, who hoped to force the creation of a “Great Middle East” by imposing an imaginary democracy on Iraq. And yet at the same time, a small Islamic country is going through a gentle revolution by which it is proving to those sceptics who doubted it, that democracy can be “grafted” onto a nation whose legislation is largely based on Islamic dogma - but that the operation is always much more successful when it is wanted by the people. The proof is that on 19 April 2007, the inauguration of 69 year old President Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi took place, bringing to a conclusion a process which started with a coup d’etat in the summer 2005 aimed at moving the Islamic Republic of Mauritania from a dictatorial regime to a stable democracy. Something that was barely imaginable a few years ago.

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