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Theodor Herzl sur le divan de Gilles Deleuze

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Texte

« Je vous offre la faim, la soif, les fatigues, les dangers, la mort. Qui aime la patrie me suive !  1 » Le 3 juin 1834, le tribunal militaire de Gênes prononça la condamnation à mort par contumace du jeune Giuseppe Garibaldi. Cette sentence judiciaire, d’apparence bien ordinaire, eut pour incidence de changer totalement le destin de Garibaldi, et de facto la configuration future de l’Italie, puisqu’elle suscita son adhésion complète à la cause révolutionnaire mazzinienne. Rien ne prédestinait pourtant ce jeune marin niçois à la lutte politique, dont il n’avait que faire.

Il est frappant de constater que l’avènement de la Chose publique suprême, l’Etat, soit parfois le fruit d’un homme seul. A l’aune de ce constat, l’affirmation de Sartre selon laquelle l’attitude d’un homme engage l’Humanité entière, prend un sens pratique inattendu, qui n’est même plus à proprement parler philosophique. Des trois figures, du Héros, du Juste et du Sage, Garibaldi embrasse totalement celle du Héros. Véritable légende vivante, il est l’objet d’une héroïsation extrême. Quasiment à la même époque, Theodor Herzl est loin d’emporter une telle unanimité, lequel est au contraire extrêmement contesté, y compris et surtout par les siens. Peut-être le monde juif a-t-il plus de méfiance, ou en tout cas moins d’égards, avec ce qu’il considère comme une forme d’idolâtrie. Dieu, le Messie ou rien. Lorsque Theodor Herzl intervient au Congrès de Bâle, sous l’ovation d’une foule hargneuse et décidée, aucun de ses interlocuteurs ne se doute de celui qu’est vraiment le précurseur d’Israël. Aucun ne se doute de l’acte d’abnégation phénoménal qu’accomplit leur hôte depuis des années. Aucun ne se doute du cheminement intellectuel qu’a dû accomplir un homme qui ne leur ressemble en rien. C’est en dehors des murs du judaïsme que se situe Theodor Herzl. Il ne s’aime pas, ni ce qu’il est, ni ce qu’il devient devant les yeux émerveillés des congressistes. A Bâle, Theodor Herzl est bien loin de là où il voudrait être, à mille lieues d’entre ses hôtes. A la manière de Swann qui est mu par une passion qui le dépasse, il souffre, mais n’a pas le choix. A la manière de Deleuze qui décrit la philosophie comme une discipline étrange qui s’est imposée à lui sans qu’il l’ait bien décidé, sans qu’il l’ait bien aimé. Theodor Herzl est l’un de ses rares hommes dont on peut dire qu’ils sont morts épuisés, morts à la tâche. Et si l’on retient la définition Durkheimienne du suicide, l’on peut certainement affirmer que Theodor Herzl s’est suicidé à la tâche. De la même façon que Deleuze, en quelque sorte, il s’est acheminé inéluctablement vers le suicide.

La vie de Theodor Herzl est une vraie Recherche du temps perdu, au sens deleuzien du terme. D’échec en échec, il est passé à côté de tout. C’est pourtant dans la mort que, petit à petit, les semences de son œuvre éparpillées dans le monde entier, dans tous les salons mondains et autres ambassades, ont pu porter leurs fruits. C’est post-mortem que se consacre véritablement son Temps retrouvé.

La philosophie selon Deleuze

« La vraie philosophie se moque de la philosophie ». Avec Deleuze l’assertion de Pascal prend une dimension nouvelle : la vraie philosophie n’aime pas la philosophie. Ou plutôt le vrai philosophe n’aime pas philosopher. Non pas que le philosophe supplante sa discipline pour devenir un Penseur qui n’a que faire des carcans philosophiques, comme voulait le dire Pascal, mais avec Deleuze le philosophe souffre de philosopher. Ni au-delà, ni en deçà, mais de manière frontale le philosophe deleuzien en découd et s’affronte pour connaître la vérité. Plus « anti-sophique » que « philo-sophique », sa démarche n’est plus celle d’un amoureux du savoir, ni même celle du philosophe de Pascal qui s’ignore, mais celle d’un penseur malgré lui. La Recherche atteste que toute vérité est vérité du temps. Faire œuvre de philosophie chez Proust, revient à y passer sa vie. La patience, le temps qui s’écoule, et la vérité qui prend forme avec une extrême lenteur : l’œuvre colossale de Proust est de la dimension d’une vie entière. Toute une vie pour, à son accomplissement, comprendre le sens de l’écoulement du temps. Bien ingrate démarche. Philosophie : amour de la sagesse, ami du savoir. Proust oppose au binôme philosophie/amitié le couple art/amour. Il fait un parallèle entre l’amitié et la philosophie, qui réside dans la complaisance. Une amitié de complaisance c’est-à-dire une communauté topique d’intérêts, une direction convenue en bonne intelligence. Un sens commun. De même que la philosophie, en tant qu’amie de la sagesse, ne peut que connaître une sagesse amicale, au détriment d’une vérité hostile. Ainsi « la philosophie comme l’amitié ignore les zones obscures où s’élaborent les forces effectives qui agissent sur la pensée, les déterminations qui nous "forcent" à penser 2 ». Plus important que la pensée, il y a ce qui donne à penser. Plus important qu’Israël, il y a le sentiment Israël. Sans le vouloir, en luttant même contre parfois, s’est imposé à Herzl le sentiment Israël. L’amour de la philosophie chez Deleuze s’apparente plus au sentiment amoureux passionnel et destructeur, qu’à l’amour en tant que bonne disposition pour la sagesse, ou discipline de prédilection. «  Le leitmotiv du Temps retrouvé c’est le mot "forcer" ; des impressions qui nous forcent à regarder, des rencontres qui nous forcent à interpréter, des expressions qui nous forcent à penser 3 ». Swann subit ces réminiscences, il n’est pas libre de les choisir, elles lui sont données telles quelles. Ce qui donne à penser ce sont les signes. Les signes qui additionnés forment le faisceau d’indices, le dessin fumigène de la vérité. Et le signe procède d’une rencontre fortuite, et non désirée pour le cas de Herzl. Le sens, enclos dans le signe, éclos dans l’Idée. C’est la jalousie qui pousse Swann à découvrir, au hasard d’une impression, la vérité qu’il redoute, et non pas l’amour de cette vérité. Le philosophe pré-deleuzien traque la vérité. Le philosophe de Deleuze, lui, est un chasseur à l’affût ; il attend le signe, l’opportunité, mais ne cherche pas en amont ce qu’il découvre en aval. Avant Deleuze, la philosophie s’entendait d’un raisonnement a priori : « en philosophie, l’intelligence vient toujours avant ». Or, au contraire « le propre des signes, c’est qu’ils font appel à l’intelligence en tant qu’elle vient après 4 ».

La décision de philosopher n’est jamais prise. Il s’agit bien d’une philosophie qui se moque de la philosophie. Tandis que Monsieur Jourdain fait de la prose sans le savoir, le sage deleuzien fait de la philosophie sans le vouloir. Sans préméditation aucune, sans rationalisation de la méthode. Et n’est-ce pas après tout le propre de la plupart des innovations, tous genres confondus, d’être mises à jour par l’effet d’un mal entendu, d’un hasard opportun ? Les hasards de Combray, les bêtises de Cambrai 5 , l’Amérique de Christophe Colomb, le sionisme de Herzl. Autant de faits involontaires ou irrésistibles. Mais jamais de volonté a priori d’atteindre le but finalement atteint.

La dimension philosophique essentielle de Deleuze est celle du Temps. Le Temps étendu autant qu’il est possible pour l’individu personne privée, c’est-à-dire à hauteur de sa vie. Dans la démarche deleuzienne, c’est toute la vie que l’on consacre à la sagesse. C’est pourquoi malgré le pointillisme apparent de Proust, expliqué par Deleuze, cette œuvre philosophique nouvelle est une synthèse et non une analyse. Le Temps retrouvé se termine par la décision du héros de commencer l’ouvrage que le lecteur vient d’achever. A ce titre l’achèvement de l’œuvre revient à son commencement.

De même, le dernier livre de Deleuze avant sa mort en 1995, Qu’est-ce que la philosophie? 6 , atteste que son interrogation première est aussi son interrogation dernière. Toute sa vie, tout son Temps, Gilles Deleuze s’interroge sur le point de savoir ce que signifie faire de la philosophie. Et pourquoi lui même s’y est adonné sans qu’il s’agisse a priori d’une démarche désirée. A ce titre, mettre Herzl sur le divan de Deleuze, revient aussi à l’allonger à ses cotés, dans la mesure où la vie de Deleuze est une immense interrogation sur soi-même.

Pourquoi faire de la philosophie? Deleuze répond par le tourment. C’est bien le tourment qui a forcé Swann à sortir de chez lui pour espionner Odette qui l’avait poliment congédié, non pas l’amour de la vérité. C’est aussi le tourment qui a poussé Deleuze à sortir de lui, non pas l’amour de la sagesse. C’est enfin le tourment qui a poussé Herzl à agir malgré lui, non pas une quelconque velléité philanthropique pour le judaïsme. L’impulsion première de toute investigation chez Deleuze est de l’ordre de l’affectif, non pas du rationnel.

Il y a dans la démarche de Herzl cet étrange rapport au temps. Ce que l’on retrouve dans Israël même. Cette idée que tout commence où tout fini. Le « Pays ancien nouveau » décrit dans son roman, l’existence, puis la destruction, puis l’existence en pointillée, puis la résurrection ; bien avant sa création, Israël était déjà existentiel.

Une Europe antisémite

L’antisémitisme du 19ème siècle était bien plus fin que celui des nazis, car il n’était pas rationalisé et identifié comme tel. Il ressemble à l’antisémitisme européen actuel qui ne s’exprime que par signes. Tout dire sans rien dire. Tout dire par le moyen de ne rien dire. Laisser faire le signe. Chez Proust, il y a différents mondes et différents signes. Le monde et les signes de la mondanité, le monde et les signes de l’amour, le monde et les signes de l’art, etc. « Rien de drôle n’est dit chez Madame Verdurin, et Madame Verdurin ne rit pas ; mais Cottard fait signe qu’il dit quelque chose de drôle, Madame Verdurin fait signe qu’elle rit 7 ». L’antisémitisme constitue probablement le dénominateur commun de tous les mondes où a évolué Herzl. Celui de la mondanité, celui du journalisme, celui du droit, celui du théâtre. On trouve chez Proust l’idée d’un mouvement répétitif des signes. La Différence et en même temps la Répétition, qui couplées mettent en exergue la Loi Générale, la Réunion. Il y a par exemple la Loi Générale de l’amour avec ses différences factuelles et ses répétitions sérielles. C’est la répétition des différences qui fait tendre vers la Loi Générale, jusqu’à arriver à ce moment de flagrance, qui dévoile enfin le sentiment : l’amour, la haine, la jalousie. L’antisémitisme par le signe est en cela sournois que si l’effet est visible, la cause ne l’est pas. C’est ainsi peine perdue de vouloir le dévoiler par le moyen de la preuve factuelle. Ses manifestations sont toujours différentes, mais leur répétition trahit sa constance. « Nous avons tort de croire aux faits, il n’y a que des signes 8 ». Le propre du signe est d’être impalpable, il ne s’agit pas d’une donnée exprimable. Il se ressent mais ne se démontre pas. L’effet du signe chez Madame Verdurin, c’est le comique. Mais la cause n’est pas visible, car rien de drôle n’est dit et Madame Verdurin ne rit pas.

La naissance de Theodor Herzl s’inscrit dans un contexte de changement radical de la condition juive. En sortant du ghetto, les juifs sont aussi contraints de sortir du ghetto mental où la société austro-hongroise les avait malgré eux enfermés. Comme des milliers de juifs avec lui, Herzl se voit confronté à la déchirure générationnelle de l’assimilation. Plus autrichien que l’autrichien, tel est l’homme que doit devenir le juif de la première génération du nouveau juif.

La famille de Theodor Herzl était ainsi largement déjudaïsée, ses parents assimilés, ses grands-oncles convertis au christianisme. Sa mère, Johanna Diamant se pique de culture et de littérature germanique, ce qu’elle s’efforcera, avec succès, de transmettre au jeune Theodor.

Enfant, Theodor Herzl est un brillant élève. Il excelle en allemand, en hongrois, en histoire et en mathématique. En revanche ses résultats en hébreu biblique et théologie sont médiocres. Très tôt il rejettera la culture juive ancestrale au nom du progressisme et de l’esprit du siècle. L’on raconte ainsi l’éclat auquel il se livra en classe en affirmant que l’histoire de la sortie des juifs d’Egypte avait été inventée.

1870 : Theodor Herzl a dix ans. Il entre au collège et se voit confronté à un antisémitisme banal, de «droit commun», incontestable et incontesté, routinier. Les juifs y sont présentés, sans haine ni polémique et de façon désincarnée, comme des idolâtres.

C’est alors que Theodor Herzl accentue son intérêt pour le théâtre et la littérature. Lecture et écriture furent certainement les seules choses qu’il a aimé faire dans la vie. A quatorze ans il fonde avec sa sœur Pauline un cercle littéraire qu’ils appellent « Wir » (« Nous ») dont il devient président. L’objet social inscrit dans les statuts rédigés par Herzl lui-même, juriste avant son heure, consiste à améliorer, dans un souci constant de forme et d’élégance, la connaissance de la langue allemande.

En 1878 Pauline meurt soudainement du typhus, contracté trois jours avant. Theodor ne s’en remettra jamais. Les Herzl s’installent alors à Vienne peu de temps après le décès pour fuir le lieu du drame et les insupportables souvenirs.

C’est à Vienne que tout a commencé.

Herzl antisémite...

La haine de soi, posture courante dans la communauté juive, est très présente chez Herzl. Auto-flagellation, autocritique, auto-dérision ; être juif, c’est commenter son propre reflet, comprendre ce qui n’y va pas. Ainsi l’humour juif contre l’ironie grecque, ainsi l’autocritique et la haine de soi, contre le pangermanisme et la satisfaction chauvine de soi. Athènes contre Jérusalem. Longtemps Herzl aura préféré Athènes. Pour supporter d’être juif à Vienne, il faut être ailleurs au monde. Peut-être cela explique-t-il la passion de Herzl pour la littérature et le théâtre. Car dans la première partie de sa vie, c’est-à-dire avant le sionisme politique, Theodor Herzl se situe toujours sur le terrain de la fiction. Sa façon à lui de s’évader, d’être ailleurs au monde. Il va ainsi préférer au journalisme classique le genre romancé du feuilleton, domaine où il excellera. Peut-être Herzl souffrait-il déjà lui aussi, sans se l’avouer, de ce tourment juif : le mal du pays sans avoir de pays.

Véritablement, Theodor Herzl se refuse... Son discours est antisémite. Il ne cesse à chaque occasion de provoquer son entourage, décrivant le juif comme un arriéré au nez ethnique, à la physionomie si particulière, fruit de mariages consanguins. La solution pour les juifs consisterait selon lui, écrit-il à vingt deux ans, à « croiser les races occidentales avec les prétendues races orientales, avec une commune religion d’Etat 9  ». En 1885 il écrit à ses parents : « je suis fasciné par la splendide plage d’Ostende. Il est vrai qu’on voit un grand nombre de juifs (../..), mais les autres vacanciers sont intéressants 10  ».

1878 : Herzl s’inscrit en Droit à l’Université de Vienne. Les attaques antisémites y furent constantes. En 1880 en Allemagne, Karl Eugen Dühring, professeur à l’Université de Berlin, prône l’exclusion systématique des juifs, convertis ou pas, de la fonction publique, et l’interdiction du mariage entre juif et non juif. Tout ceci l’affecte profondément. C’est que l’étudiant Herzl est un pangermaniste convaincu et souhaite à part entière être reconnu comme tel. Il mène une vie associative active et participe avec enthousiasme aux activités de la fraternité «Albia» dont il est un membre fervent. Il quittera de lui-même la fraternité en 1883, à la suite du pamphlet antisémite prononcé par le porte-parole du club à l’occasion d’un hommage à Wagner qui nécessita l’intervention des forces de police. Il obtint son doctorat en 1884 et quitta l’Université.

Mais Herzl refoule, encore et toujours. Il ne veut pas admettre l’enracinement profond de l’antisémitisme en Europe. Il relativise, aplatit la réalité, tient pour pures anecdotes des événements pourtant significatifs de l’esprit national. Il ne le conçoit pas. En 1891 naît son fils Hans. Il ne sera pas circoncis et Herzl refusera qu’il porte un deuxième prénom hébraïque comme c’était alors souvent l’usage chez les juifs autrichiens. La même année il s’installe à Paris comme correspondant permanent de la prestigieuse Neue Freie Presse. Il doit délaisser le théâtre et la littérature qui, estime-t-il, ne lui apporte guère de satisfaction ; des écrits jamais publiés, des pièces mal ou jamais montées, Herzl trouve dans le journalisme une sorte de supplétif opportun, un compromis... Mais qui jamais ne le satisfit pleinement. Alors il sombre dans la dépression, s’ennuie, se noie dans son travail. Cette période du temps perdu de la vie de Herzl est plus décisive qu’il n’y paraît. Elle est même capitale. Herzl est en train peu à peu de s’éloigner de ses premiers amours. « Quand nous croyons perdre notre temps », écrit Deleuze, « nous poursuivons souvent un apprentissage obscur, jusqu’à la révélation finale d’une vérité du temps qu’on perd  11  ». Dans le même temps il fréquente le Palais Bourbon, s’amuse de l’ambiance si française du débat parlementaire qui y règne et de la verve de certains députés, plus insolents qu’éloquents, moins pertinents qu’impertinents. Paris fit de Herzl un autre homme. C’est aussi à Paris que tout a commencé.

Une France antisémite

En 1892 le journal d’Edouard Drumont Libre Parole se veut dénonciateur de l’affaire du canal de Panama : ce sont les spéculateurs juifs qui ont fait le coup, ils ont tout fait rater. Drumont publie sa célèbre diatribe : « La France juive ». L’auteur y révèle le nom des trois milles juifs cachés qui depuis la Révolution manipulent la France comme un marionnettiste sa marionnette. Le livre se vendit extrêmement bien et connu un large écho dans l’opinion. Les juifs y sont une fois de plus stigmatisés comme des paranoïaques. Drumont accusa Burdeau, alors vice-président de la Chambre, d’être un pantin de la Banque juive et notamment des Rothschild. Burdeau l’attaqua en diffamation et le procureur, prenant partie en sa faveur, dénonça la méthode de Drumont consistant à judaïser l’homme à abattre. Mais Drumont, fort de l’opinion publique favorable (qui déjà à l’époque était relativement influente) inclut le procureur dans le complot juif. Drumont sera condamné à trois mois de prison. De nombreuses manifestations de rue éclatèrent alors au soutien de la victime, du héros national, Drumont. Par la suite l’auteur s’en prit aux officiers juifs présents dans l’armée française qu’il accusa de traîtrise.

Encore une fois, Herzl n’y croit pas, ou feint de ne pas y croire. De subterfuges en pirouettes intellectuelles, il refuse de se poser en militant de la cause juive. Après tout, ce débat n’est rien d’autre d’un débat français ; il les a bien vu faire au Palais Bourbon. C’est pas sérieux tout ça. Il va même jusqu’à saluer le talent artistique de Drumont et publiera en 1892 une chronique où il aborde le sujet avec grande légèreté :

« Les français en veulent surtout aux juifs d’être originaire de Francfort, injustice évidente, puisque certains d’entre eux viennent de Mayence ou même de Spire. Quant à leur argent, on ne leur reproche que s’ils en ont. Si un juif pousse sa fourberie naturelle jusqu’à sacrifier sa vie de manière chevaleresque, il aura droit à de longs murmures d’approbation (../..) c’est un mouvement qui passera  12 ».

Ça passera... Ce passé qui ne passe pas ! Herzl jamais ne s’est réveillé sioniste. Il n’a même jamais eu de Déclic identifiable à un moment t, jamais de Révélation causée par le choc d’un événement. C’est un lent cheminement mental incolore qui l’y a conduit, un faisceau d’indices. De signe en signe, signe après signe, il s’infléchit, s’incurve. Malgré lui, contre lui, il devient « Theodor Herzl ». L’homme de l’anti-sophie, de l’anti-sémitisme.

Lorsque la baronne Suttner, présidente d’une ligue viennoise contre l’antisémitisme, sollicita la participation de Herzl à son combat, celui-ci déclina formellement cette proposition et lui répondit que « les juifs devraient se débarrasser de ces particularités qu’on leur reproche à juste titre (../..) 13  ». Herzl va même jusqu’à vanter les bienfaits de l’antisémitisme, qui selon lui devrait supprimer « cet étalage ostentatoire de richesses, obligera les financiers juifs sans scrupule à changer de conduite et contribuera de diverses manières à l’éducation des juifs 14  ». Il arguera de la nécessité d’une conversion de masse des générations futures au christianisme. Il tiendra par ailleurs des débats endiablés avec son ami Ludwig Speidel : 

« Je comprends l’antisémitisme. Nous les juifs nous sommes demeurés, même si ce n’est pas de notre faute, des corps étrangers au sein des diverses nations (../..). Nous avons acquis dans le ghetto nombre de caractéristiques antisociales. Notre caractère a été corrompu par l’oppression et il faut une autre pression pour le rétablir (../..). Nous fûmes contraints au commerce de l’argent. L’argent colle à notre peau parce qu’on nous a jeté sur l’argent. Lorsque nous sommes sortis du ghetto, nous étions et nous sommes d’abord restés des juifs du ghetto 15  ».

En réponse à la pièce d’Alexandre Dumas fils « La femme de Claude » où il est question du retour des juifs sur leur terre, en province de Palestine, Herzl affirme : «  les juifs d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec leur patrie historique. Si les juifs devaient y retourner un jour, ils s’apercevraient dès le lendemain qu’ils ont depuis longtemps cessé d’être un peuple 16 ». Herzl se pose alors en assimilationniste convaincu.

... Mais finalement, de Drumont à la baronne Suttner, de Speidel à la fraternité Albia, Herzl s’exprime à toutes occasions sur la question juive. A la manière des musiciens de Prévert du poème « L’orgue de barbarie », le propos d’Herzl se nie lui-même, contient sa propre contradiction. L’expression de sa prétendue hauteur, la clameur de son indifférence factice, dévoile son intérêt et son tourment : « Moi je joue du piano disait l’un », écrit Prévert, « Moi je joue du violon disait l’autre, moi de la harpe moi du banjo, moi du violoncelle, moi du biniou...et les uns et les autres parlaient, parlaient, parlaient (../..) tout le monde parlait, parlait, parlait, personne ne jouait ». Quelque chose se passe. Tout comme pour les beaux parleurs de Prévert, la prise de position et surtout la prise de parole de Herzl sont suspectes. Il est un juif tourmenté, et même beaucoup plus tourmenté que tous les autres.

L’Affaire Dreyfus

1895 : « Alfred Dreyfus, vous n’êtes plus digne de porter les armes. Au nom du peuple français, nous vous dégradons ». Et Dreyfus de répondre : « Je jure que vous dégradez un innocent. Vive la France ! Vive l’armée ! »

Contrairement à la légende, l’affaire Dreyfus ne fut pas non plus l’événement impulsif exclusif du combat de Herzl. Le soir de la dégradation, Herzl fait un papier pour la Neue Freie Presse. Il est bien loin d’être un Dreyfusard convaincu. Herzl n’est pas Zola ! Quoiqu’il ne soit pas non plus, loin de là, ce que l’on pourrait appeler un anti-dreyfusard, il se contente, en strict journaliste, d’un compte rendu plutôt désincarné de la dégradation :

« En passant devant un groupe d’officiers qui hurlaient : Judas ! Traître ! Il leur cria en retour : je vous interdis de m’insulter (../..), on lui mis les fers, et il fut confié aux gendarmes. La troupe rompit les rangs mais la foule s’attarda devant la grille, attendant le départ du prisonnier (../..). 17  »

Si l’affaire Dreyfus ne fut pas à proprement parler un choc, elle fut néanmoins une bombe à retardement, un événement dont Herzl ne pouvait plus nier, par confort intellectuel, le mal fondé, l’injustice sans appel. Herzl ne peut plus s’accommoder de cette sorte de théorie hasardeuse de « l’antisémitisme de comportement ». Car Dreyfus est un officier dévoué et irréprochable. Mais juif, juste juif. De Paris à Alger, des manifestations anti-dreyfusardes éclatent, et spontanément des centaines de juifs sont pris à partie, lynchés et tabassés.

De plus en plus, Herzl doute. Pour la première fois depuis son arrivée en France, il se rend à un office à la synagogue de la Victoire, réfléchit, médite. Peut-être l’affaire Dreyfus fut-elle, toute mesure gardée, le signe de trop, la manifestation d’une réalité qui cette fois n’a plus d’excuse. Plus important que la pensée, il y a ce qui force à penser. Herzl a été forcé, contraint au constat de ce dont procédait vraiment l’antisémitisme : un sentiment irrationnel, irréductible, qui n’a pas d’explication légitime, qui n’est pas à pardonner, et auquel l’on ne peut échapper en tant que juif, même en s’y associant. La posture antisémite de certains juifs ne les en préserve pas ! Le modèle d’assimilation que représente l’officier supérieur de l’armée française n’efface pas sa constante juive, cette tare blâmable en soi. Rien n’a permis, ce que réalise Herzl, de réduire l’hostilité envers Dreyfus : « C’est en vain que nous sommes des patriotes loyaux, voir superloyaux (../..). Dans les pays où nous vivons depuis des siècles on nous déclare étrangers 18  ».

Il n’y a pas de logos nous dit Proust, il n’y a que des hiéroglyphes. Le sionisme politique de Herzl ne repose sur aucune base déjà esquissée. Newton décrivait Galilée comme un géant dont il serait monté sur les épaules pour voir encore plus loin. Herzl n’est pas dans un pareil cas de figure. Il ignore totalement les travaux des précurseurs du sionisme. Ainsi, évoquant l’Auto-émancipation de Pinsker, Herzl écrit : « Quel dommage que je n’aie pas lu cette œuvre avant que ma propre brochure (l’Etat des juifs) ait été imprimée. D’un autre coté, c’est une bonne chose que je ne l’aie pas connue car peut-être aurais-je abandonné ma propre entreprise 19  ».

Véritablement, comme l’indique Charles Zorgbibe 20 , Herzl a « réinventé la roue ». En paraphrasant Protagoras, l’on peut dire que le sionisme de Herzl est la mesure de tout sionisme.

« Rien ne me préparait à ma mission » confit Herzl au Baron Hirsch, « j’étais écrivain et journaliste, et je ne pensais pas spécialement aux juifs. Mais la pression croissante de l’antisémitisme m’a contraint à me saisir du problème 21 ». Pour Deleuze il n’y a chez l’homme aucune disposition particulière pour la vérité. Aucun désir naturel du vrai. C’est la violence d’un signe qui nous incline à aller vers la vérité, un signe qui nous ôte la paix. Ce qui n’a rien à voir avec un amour pour le savoir et la vérité. Chez Proust, explique Deleuze, la vérité procède d’une rencontre fortuite et inévitable. Le sionisme dit philanthropique existait déjà avant Herzl, mais le mouvement, soutenu notamment par Rothschild, consistait en l’achat de terrains en Palestine par des juifs de la diaspora. Quand bien même ! s’insurge Herzl, des juifs, on en trouve partout dans le monde ; qu’ils soient propriétaires terriens en Palestine, en Autriche ou ailleurs, ne changera rien à leur condition. Ce n’est donc pas le concept juridique de Propriété qu’il faut exploiter, mais celui de Souveraineté. Avec Herzl le sionisme s’entend d’un mouvement relevant, non plus du droit privé, mais du droit public ; il ne s’agit plus de posséder un territoire comme l’on possède une chose privée quelconque, mais d’obtenir, en tant que Peuple, la chose publique qui revient au Peuple. A ce titre le sionisme devient un thème politique, et non plus philanthropique ou procédant de purs rapports contractuels.

L’obsession du sionisme est en train, à petit feu, de le détruire. Herzl est comme possédé, c’est comme s’il ne pouvait rien faire d’autre. Le sentiment Israël l’a à présent gagné. S’il est vrai que parmi les projets d’implantation, il a sérieusement été question de l’Argentine, ou, dans une moindre mesure, de l’Ouganda, c’est naturellement la province jordanienne de Palestine qui va peu à peu s’imposer, comme une évidence, telle une revendication ancestrale qui n’avait jamais cessé d’exister mais dont on n’osait plus rêver. Peut-être est-ce justement du fait de cette proximité avec le vieux rêve, avec l’extraordinaire, que Herzl a d’abord écarté la Palestine. Finalement ce qui compte pour lui, ce n’est pas Israël, mais ce qui en tient lieu. « Le signe est plus fort que l’objet qui l’émet 22 ». Israël est un concept dont la consécration géographique dans le monde sensible importe peu. Pour les religieux aussi d’ailleurs, puisqu’ils n’entendent que la Jérusalem céleste. Deleuze parle de compensation subjective : « Tout est permis dans l’exercice des associations. De ce point de vue, nous ne trouvons pas de différence de nature entre le plaisir de l’art et celui de la madeleine 23 ». Herzl a consacré, à grande échelle, la philosophie de Deleuze, la dimension collective du signe. Il est à l’œuvre de Proust ce que l’inconscient collectif est à l’inconscient individuel. En quelque sorte, Herzl demeure l’artiste de son œuvre. « L’art est une véritable transmutation de la matière. La matière y est spiritualisée, les milieux physiques y sont dématérialisés 24  ». Il appréhende Sion comme une œuvre d’art. Elle est partout et peut Etre partout, tout en restant indivisible et nécessairement rattachée à un objet matériel. Une version laïque ou pragmatique de la Jérusalem céleste.

Mais il n’est pas certain que, comme l’affirme Deleuze, le signe soit toujours beaucoup plus profond que l’objet qui l’émet. De même que le sentiment Israël ne pouvait trouver d’accomplissement qu’en terre originelle d’Israël. Deleuze apporte lui-même une nuance à son affirmation première :

« Sans doute, même l’expérience de la madeleine ne se réduit pas en vérité à de simples associations d’idées. Mais nous ne somme pas encore en état de comprendre pourquoi ; en ramenant la qualité d’une œuvre d’art à la saveur de la madeleine, nous nous privons à jamais du moyen de la comprendre 25  ».

L’on peut douter que les succédanés que Herzl a d’abord cru devoir proposer (l’Argentine, l’Ouganda), auraient abouti dans le sens qu’il voulait. L’ingratitude deleuzienne du signe par rapport à l’objet qui l’a émis n’est pas inconséquente. Peut-être aussi qu’au contraire, en réaction à son passé d’auteur, Herzl devient volontairement de plus en plus pragmatique et terre à terre. C’est qu’il est à présent bien loin des fictions romanesques qui lui causèrent tant d’amertume ; il est maintenant un homme d’Etat virtuel. Les salons mondains, les ambassades, les intrigues internationales auront eu raison de sa candeur. Il garde finalement une attitude juive, oscillant toujours entre la spiritualité ancestrale et la raison pure. Peut-être enfin garde-t-il les réflexes iconoclastes de son siècle : il faut du neuf, du moderne, la Palestine reviendrait à un retour à la case départ. Mais toujours est-il qu’il a bel et bien ravivé la flamme, jamais vraiment éteinte, du retour véritable des juifs à Sion : en Israël.

Herzl est éreinté. Son combat le ronge. Ses médecins ont diagnostiqué une dangereuse faiblesse cardiaque. S’il continue à ce rythme, ça lui sera fatal. Persuadé que sa mort est proche, il rédige plusieurs fois son testament. Sa vie familiale est extrêmement tendue, les époux Herzl finissent par se détester franchement. Ses activités sionistes sont mal vues par l’entourage du couple et sa belle famille. Il dilapide son argent et laissera sa femme et ses enfants sans ressource après sa mort. La plupart de ses contemporains le considère comme un excentrique et le marginalise. Lui même, dans ses moments d’introspections contemplatives, s’interroge sur le sens de sa vie. Comment en est-il arrivé là ? Arrivé où d’ailleurs ? Qu’a-t-il fait de concret ? Rien. Que de temps perdu ! Et pourtant si souvent prêt du but. Il complexe, se sent un écrivain raté, déprime : « je suis célèbre mais vieillissant ». Il n’aurait jamais voulu devenir un spécialiste de la question juive. Plus sa notoriété en tant qu’activiste juif grandit, et plus se développe en lui un sentiment d’échec monumental. Mais toujours il continue.

Son Temps retrouvé fut consacré, comme il l’avait prédit, cinquante ans après le Congrès de Bâle : « à Bâle, j’ai fondé l’Etat juif. Si je le disais à haute voix, il y aurait un éclat de rire général. Mais dans cinq ans, dans cinquante ans sûrement, tous l’admettront 26  ».

La question du bonheur et la démarche artistique

La question du bonheur n’est-elle pas finalement l’interrogation qui préexiste chez Deleuze à toute philosophie ? Swann, Proust, Deleuze, Herzl, sont des tourmentés. Ils opposent à une manière de vie exemplaire, une existence extraordinaire. La Singularité contre l’Exemplarité. La Beauté contre le Bonheur. Toute sa vie le personnage de Swann recherche le bonheur. Mais il ne l’atteint jamais. Tout au plus les réminiscences involontaires lui procurent-elles joie ou euphorie, tout comme peut en procurer la beauté :

« Mais pourquoi les images de Combray et de Venise m’avaient-elles à l’un et à l’autre moment, donné une joie pareille à une certitude et suffisante sans autres preuves à me rendre la mort indifférente 27  ».

Le penseur Deleuzien n’est en rien un sage intouchable et désintéressé que l’on consulte comme un oracle ; Herzl s’y voit d’ici, à la tête de son futur état, avec les honneurs. Il s’interroge sur le regard dont le sculpteur affublera sa statue après sa mort. En homme de son temps, il souffre du mal du siècle, cette angoisse de devoir à tout prix y laisser sa trace. Le sage de Deleuze, n’est pas au-delà du monde, en cela qu’il serait au-dessus ; en revanche, il est ailleurs au monde. Le sage, pré- ou post- deleuzien, ne vit pas pour lui. Il vit pour l’autre ou pour sa sagesse. Mais la philosophie chez Deleuze se rapproche d’un sacrifice. Se demander si Herzl ou Deleuze étaient heureux n’a pas de sens. S’interroger sur leur bonheur ou leur malheur serait déplacé. Ils ne connaissent ni ceci ni cela, puisqu’ils sont ailleurs au monde. Deleuze est mort suicidé. Herzl aussi en quelque sorte (encore une fois dans le sens que Durkheim accorde au suicide). Julie, sa femme, meurt peu de temps après lui. De ses trois enfants, l’aînée Pauline meurt morphinomane en 1924. Hans se suicida peu avant les obsèques de sa sœur. Trude, la benjamine, était une psychiatrique notoire ; elle fut déportée par les nazis et mourut en camp de concentration, laissant un fils unique, Theodor, qui lui-même se suicida en 1946 à Washington, mettant définitivement fin à la descendance des Herzl.

Qu’y a-t- il là où se situe Deleuze ou Herzl ? Où est-on lorsque l’on est ailleurs au monde ? Peut-être qu’au contraire, la question même du bonheur est déplacée... Où est-on lorsque l’on est ailleurs au monde ? Et surtout qu’y voit-on ? Il n’y a pas de logos, il n’y a que des hiéroglyphes. Que voit vraiment Swann derrière la fenêtre de son aimée ? « L’essentiel est invisible pour les yeux » nous dit Saint-Exupéry. « J’ai vu quelques fois ce que l’homme a cru voir » affirme Rimbaud. Deleuze nous enseigne que pour philosopher, on ne peut que se moquer de la philosophie. Il donne un sens nouveau à la formule de Pascal. Il nous apprend que l’Art, au sens le plus dilué possible du terme, a compris bien avant les sciences, ou toute autre démarche purement rationnelle ou prospective, que la Vérité, l’Evidence, était partout où on ne la cherchait pas. Et c’est en ne la cherchant pas qu’on l’apprivoise, qu’on l’atteint même parfois : « Tous les signes convergent vers l’art. Tous les apprentissages (../..) sont des apprentissages de l’art lui-même. Au niveau le plus profond, l’essentiel est dans les signes de l’art 28  ». Peut-être le combat de Herzl était-il sa façon singulière de pratiquer son art, « d’œuvrer ». Sa manière à lui de monter sa pièce, d’écrire son roman. « l’Etat proprement dit est toujours une abstraction », écrit Herzl, « j’ai créé à Bâle cette abstraction qui, par son caractère même, restera invisible à la plupart des hommes 29  ».


  1.  Formule prononcée par Garibaldi, place Saint-Pierre, en juin 1849.

  2.  Gilles Deleuze, Proust et les signes, Paris, PUF, Quadrige, [1964], 1998, p. 116.

  3.  Ibid., p. 117.

  4.  Ibid., p. 120.

  5.  Monsieur Afchain, apprenti confiseur chez ses parents à Cambrai, avait fait des erreurs dans la confection des bonbons. Ceux-ci furent tout de même mis en vente et, contre toute attente, eurent un très grand succès auprès de la clientèle. On leur donna le nom de Bêtises puisqu’ils en étaient la conséquence. Monsieur Afchain avait inventé malgré lui les Bêtises de Cambrai.

  6.  « Qu’est-ce que la philosophie? », en collaboration avec Félix Guattari, Paris, Editions de minuits, 1991.

  7.  Gilles Deleuze, Proust et les signes, op. cit., p. 13.

  8.  Ibid., p. 112.

  9. Charles Zorgbibe, Theodor Herzl l’aventurier de la terre promise, Paris, éditions Tallandier, 2000, p. 22.

  10. Id., loc. cit.

  11.  Gilles Deleuze, Proust et les signes, op. cit., p. 31.

  12. Charles Zorgbibe, Theodor Herzl l’aventurier de la terre promise, op. cit., p. 48.

  13.  Ibid., p. 50.

  14.  Id., loc. cit.

  15.  Ibid., p. 51.

  16.  Ibid., p. 55.

  17.  Ibid., p. 59.

  18.  Ibid., p. 61.

  19.  Ibid., p. 75.

  20.  Ibid., Charles Zorgbibe, Theodor Herzl l’aventurier de la terre promise, op. cit.

  21.  Ibid., p. 79.

  22.  Gilles Deleuze, Proust et les signes , op. cit., p. 48.

  23.  Ibid., p. 48.

  24.  Ibid., p. 61.

  25.  Ibid., p. 48.

  26.  Charles Zorgbibe, Theodor Herzl l’aventurier de la terre promise, op. cit., p. 203.

  27.  Marcel Proust, Le Temps retrouvé 2.

  28.  Gilles Deleuze, Proust et les signes, op. cit., p. 22.

  29.  Charles Zorgbibe,Theodor Herzl l’aventurier de la terre promise, op. cit., p. 203.

Di Caro Gyslain
Wormser Gérard masculin
Theodor Herzl sur le divan de Gilles Deleuze
Di Caro Gyslain
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public 2006-12-05

Il peut paraître singulier de vouloir mettre Theodor Herzl, inventeur du sionisme politique, sur le divan de Gilles Deleuze. Pourtant, le lent cheminement qui va pousser Herzl à accomplir l'œuvre de sa vie procède d'une quête remarquablement mise en évidence par Deleuze. La recherche de la vérité chez Deleuze n'est pas mue par un amour de la sagesse - philo-sophie - mais est au contraire le fruit d'une anti-sophie, d'un tourment qui fait tendre vers la vérité, au gré des signes de la vie qui nous force à penser. Theodor Herzl n'est en rien un philosémite ; c'est dans les tourments antisémites de son siècle que lui est apparu l'évidence d'Israël.

It might seem awkward to try and lay Theodor Herzl, inventor of political Zionism, on Gilles Deleuze's couch. However, the slow pace of Herzl's endeavour towards his life's achievement outlines a search intrinsically related to Deleuze. Indeed, the search for truth in Deleuze is not driven by love of wisdom - philo-sophy - but on the contrary results from an anti-sophy, a torment which makes us tend towards truth according to the signs of our lives and the drive that forces us into thinking. Theodor Herzl is nothing of a philo-semite, for it is in the anti-semitic torments of his century that he envisioned the obviousness of Israel.

Herzl, Theodor (1860-1904)
Deleuze, Gilles (1925-1995)