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« La violence n’est pas un concept » : Entretien avec Gérard Chaliand

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      Crédit photo : Sophie Mousset
      Crédit photo : Sophie Mousset

      Gérard Chaliand est titulaire d’un doctorat en science politique de l’Université Paris-Descartes (1975). Son dernier ouvrage - Pourquoi perd-on la guerre ? Un nouvel art occidental – a été publié aux éditions Odile Jacob. Adrien Jahier a un doctorat en sciences de l’information et de la communication de l’Université Toulouse III (2016).

      1. Les raisons de l’échec occidental

      Adrien Jahier : Vous écrivez que la guerre irrégulière, guérilla et/ou terrorisme, est une « guerre asymétrique, opposant un fort et un faible » (Chaliand 2016b, 25). Au titre de votre ouvrage Pourquoi perd-on la guerre? , vous répondez que « la guerre irrégulière ne se gagne pas sur un plan strictement militaire. Elle se gagne surtout par un contrôle administratif des populations. Là réside l’échec occidental des cinquante dernières années, du Viêt Nam à aujourd’hui » (Chaliand 2016b, 86). Qu’entendez-vous par « contrôle administratif des populations » ?

      Gérard Chaliand : La guérilla, telle que l’ont pratiquée, par exemple, les Espagnols, entre les XVIIIe et XIXe siècles, a été analysée par Carl von Clausewitz. Qu’est-ce qu’il dit ? La guerre est avant tout un harcèlement, l’usure de l’adversaire, fondée sur la mobilité, avec un refus de l’affrontement central. En somme, il s’agit d’affaiblir, avec les troupes irrégulières, une armée régulière.

      Entre 1936 et 1938, Mao Zedong va repenser cette question de la guerre. Il dit que ce que vise son armée n’est pas l’affaiblissement strict et unique de l’adversaire, mais bien la prise du pouvoir. Or, pour prendre le pouvoir, il faut avoir des cadres qui s’installent le plus profondément possible dans les structures populaires. En Chine, le prolétariat, pour l’essentiel, a été décimé en 1925-27 par des insurrections urbaines. Il s’agit donc d’arriver à entraîner la paysannerie pauvre, qui est considérable en Chine, et leur dire pourquoi et comment il faut se battre. C’est une œuvre de longue haleine, où les cadres doivent pouvoir s’insérer à l’intérieur des villages. Comment le faire ? D’abord, il faut former les cadres, c’est-à-dire avoir des types qui parlent le langage du pays. Par exemple, Ernesto Che Guevara, en Bolivie, ne parlait rien du tout : il parlait l’espagnol dans des zones indiennes où l’espagnol n’était pas compris et constituait la langue de l’oppresseur. C’est donc un long travail, qui consiste à changer, avec le temps, sa faiblesse en force.

      Comment Mao Zedong et son armée y arrivent-ils ? Ils le font en connaissant un peu le milieu, en sachant écarter les agents de l’adversaire, c’est-à-dire ceux qui travaillent pour l’État, ou l’étranger. Et puis, lorsqu’ils sont suffisamment forts et avec un peu de coercition, ils mettent en place de nouvelles élections pour changer les structures existantes. Ces dernières peuvent être doubles : d’une part, il peut y avoir la structure de cet État oppresseur ou de l’étranger ; d’autre part, il peut y avoir la structure traditionnelle, conservatrice de la société. Il s’agit alors d’en mettre une autre, avec des gens qui sont désireux de changer les structures sociales, parce qu’ils y ont intérêt. Mao Zedong et son armée insisteront toujours pour que ce ne soit pas un univers uniquement masculin, mais que les femmes – la « moitié du Ciel », comme il dit – y participent. Ils organisent des élections avec trois hommes et trois femmes comme représentants, en mobilisant les jeunes. Ces derniers vont commencer à faire la milice locale pour dire où sont les autres, pendant que ceux qui sont élus doivent s’assurer d’une production convenable pour nourrir les guérilleros. En fait, il s’agit de se substituer à l’État, c’est-à-dire à cet État qui, en principe, contrôle les villages.

      Un exemple actuel : aujourd’hui, en Afghanistan, depuis 2007-2008, la justice est rendue dans les villages par les Talibans. À partir du moment où vous rendez la justice, qui est l’État ? C’est vous. C’est ce qu’on appelle un contrôle administratif de la population.

      A. J. : Ce « contrôle administratif » de la population manque aux Américains en Afghanistan…

      G. C. : Tout d’abord, ils ne connaissent pas la langue. Deuxièmement, les hommes qui sont de leur côté sont, en général, impopulaires pour deux raisons : la première parce qu’ils apparaissent comme les agents de l’étranger et, deuxièmement, parce qu’ils sont corrompus. Quand on a un gouvernement corrompu qui est, en plus, au service des étrangers, on part avec deux handicaps sérieux. Dans ces cas-là, le contrôle administratif ne marche pas.

      A. J. : Est-il encore possible pour des puissances militaires occidentales de contrôler administrativement la population en améliorant, par exemple, la formation des cadres militaires ? Ou est-il déjà trop tard ?

      G. C. : Il est tard, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ça fait quarante ou cinquante ans que nous ne triomphons plus. On a pu, certes, gagner une bataille, mais on n’a gagné aucune guerre. L’adversaire qui, jadis, ne nous connaissait pas ne nous connaît que trop maintenant. Il sait comment manipuler nos médias. Il est donc tard. Deuxièmement, pourquoi hésite-t-on à engager des hommes ? Parce qu’on a des pertes qu’on n’encaisse plus. Pourquoi ? Non seulement parce nos sensibilités ont changé, mais aussi parce que démographiquement, nous ne sommes pas nombreux.

      A. J. : Il y a un vieillissement de la population…

      G. C. : Oui, on a commencé le XXe siècle avec 33 % de la population mondiale vivant dans l’hémisphère nord, c’est-à-dire de Vancouver jusqu’à Vladivostok. Vous avez une idée de combien nous représentons, actuellement ? On est à 15 % maintenant ; 85 % de la population mondiale vit ailleurs.

      Quand j’ai commencé à aller en Afghanistan en avril 1980, le pays était crédité de 15 millions d’habitants. Aujourd’hui, 37 ans plus tard, il dépasse la barre des 30 millions. Les Afghans ont réussi à doubler, après plus de 30 ans de guerre.

      2. Les raisons de la chute de l’État islamique

      G. C. : En 2014, l’État islamique était dans la lumière avec la prise de Mossoul. Il y avait cette théâtralisation de l’horreur, avec leur façon, à la mongole, de traiter les populations. C’était tout à fait inédit. Autrefois, quand on faisait des atrocités, on les planquait. Eux, c’est le contraire : ils les montrent pour terroriser. Pourquoi terroriser ? Les Mongols terrorisaient parce qu’ils n’étaient pas nombreux. Avant qu’ils arrivent, il fallait que les gens soient déjà effrayés. La peur, c’est ça. Aujourd’hui, c’est l’inverse : ils sont vraiment en train de perdre Mossoul et leurs territoires. Ils ont perdu la grande frontière symbolique entre l’Irak et la Syrie. Et demain, ils vont prendre une raclée.

      Mais de là à penser que nous pouvons, nous, sur le terrain, refaire quelque chose… Non ! Les Américains ont marché sur cette illusion en 2003, quand ils ont voulu remodeler le grand Moyen-Orient. Fiasco total. Pourquoi ? Parce qu’on a complètement marginalisé le groupe qui dirigeait, les sunnites ; ce que Bush père avait eu l’intelligence de ne pas faire, en laissant Saddam Hussein affaibli, mais au pouvoir. Sur le terrain, les sunnites n’encaissaient pas le fait d’être marginalisés. Ils estiment que les chiites sont des hérétiques. Et puis, il y a les Kurdes, qui ne sont pas arabes et que les sunnites ont, en plus, combattus pendant un demi-siècle. Les sunnites ont toujours été au pouvoir : ils ne se considèrent pas seulement comme un groupe religieux, mais aussi comme un groupe politique dirigeant, politiquement parlant.

      A. J. : Quelles sont les raisons qui font que Daech est condamné à perdre ?

      G. C. : Premièrement, parce que ce sont des perturbateurs. Ils ne sont au pouvoir nulle part. Deuxièmement, quand ils ont été au pouvoir, au Soudan ou en Afghanistan, à part la longueur de la barbe, du voile ou l’interdiction d’écouter de la musique, qu’ont-ils fait ? Rien. Avec eux, je n’ai jamais entendu le mot « travail ». C’est un mot qui ne s’emploie pas. À part creuser des trous pour se protéger des bombes… C’est nul. Ce sont des moralistes, au sens le plus étriqué du terme, qui n’ont aucun programme économique. On ne vit pas d’idéologie. Les seuls qui pouvaient paraître un peu différents étaient les Turcs, avec la montée d’un islamisme soi-disant démocratique. Mais on se rend enfin compte aujourd’hui qui est Erdoğan, c’est-à-dire ce qu’il a toujours été : un sunnite militant, frère musulman. Il a gagné avec 51,4 % des suffrages parce qu’il a confisqué 80 % de la télévision. Dans un vote régulier, il aurait eu 48 %.

      Daech et ses partisans croient en une oumma, qui est devenue largement fictive. Il y a des gens qui se sentent musulmans entre le Maroc et l’Indonésie. Mais qui se sent uniquement musulman et pas marocain ou indonésien ? L’idée nationale a fait son chemin depuis un siècle. C’est comme ça.

      En 2014, il y a eu un appel d’air quand on a eu le sentiment, après la chute de Mossoul, que le pouvoir de l’État islamique était au bout du fusil. Maintenant, le nombre d’hommes qui s’enrôlent au sein de Daech a largement réduit. C’est normal : les difficultés découragent.

      Je ne crois pas du tout à leur victoire. Ils vendent du vent qui porte. Qui peut dire que ce qu’ils vendent n’existe pas ? C’est comme discuter si Dieu existe ou non. Je n’en sais rien. On ne peut pas discuter là-dessus : c’est une question de foi. Si un homme a la foi, ça ne sert à rien de le convaincre. C’est pour ça que la « déradicalisation », je n’y crois absolument pas. La seule déradicalisation à laquelle je peux penser, c’est celle du type qui, vingt ans plus tard, avec une femme et deux gamins, se dit « J’ai été bête quand j’étais jeune ». Il y a un « déradicalisé » très célèbre : il avait fait Guantanamo, il en est sorti, il est arrivé en Arabie saoudite où ils l’ont déradicalisé, et maintenant… Il est le patron d’Al-Qaida au Yémen. Nasser Al-Wahishi, il s’appelle, la « brute ». Voilà, c’est ça la déradicalisation.

      A. J. : Vous dites que l’Afrique subsaharienne constituera dans l’avenir un foyer d’instabilité propice à l’idéologie islamiste. Pouvez-vous expliquer ?

      G. C. : Les zones propices sont celles qui se développent mal, qui sont très peuplées. Un exemple : le Bangladesh. On n’en parle jamais dans les journaux et, pourtant, l’islamisme grimpe dans ce pays. L’Afrique, du point de vue démographique, va doubler dans les quinze prochaines années. Mais les pro-blèmes sont nombreux : premièrement, il n’y a pas de travail ; deuxièmement, l’instruction y est médiocre ; troisièmement, les bénéfices de la fameuse crois-sance vont dans certaines poches et sont, de suite, envoyés dans des paradis fiscaux. Quand on aura le double de la population, c’est-à-dire bientôt, il y aura des affrontements entre les musulmans–majoritaires en Afrique de l’Ouest et orientale – et les non-musulmans.

      Quand la France est intervenue en République centrafricaine pour canaliser un affrontement de ce genre, c’était faisable. Mais imaginons que ça éclate dans six ou sept pays à la fois… Les moyens de la France sont limités. On est déjà dans l’extension maximale de nos forces ; on n’aura pas les moyens. L’avenir, de ce côté-là, paraît difficile. Et qui voudra 200 millions d’immigrants en provenance d’Afrique ? Personne.

      3. Les incohérences de la politique étrangère américaine et française

      A. J. : Le programme de Trump laissait entrevoir un certain isolationnisme comme solution potentielle. Et pourtant, les tirs de missiles américains sur la Syrie le 6 avril 2017 en réaction à l’attaque chimique attribuée au régime de Bachar el-Assad vont à l’encontre justement de cet isolationnisme. Est-ce qu’il y a une stratégie claire et cohérente de la part de l’administration Trump sur le dossier syrien ?

      G. C. : D’abord, il faut faire la distinction entre ce qui est proclamé et ce qui se fait. Donald Trump dit beaucoup de choses et, dans la pratique, c’est un président qui ne connaît pas bien les relations internationales. Heureusement pour lui, il est entouré de quatre personnes qui sont intelligentes : le général Mattis, le général McMaster, le général Kelly et Rex Tillerson, l’ex-patron d’ExxonMobil.

      Dans la pratique, qu’est-ce qui s’est passé autour de ce tir de missiles américains ? Bachar el-Assad s’est servi d’armes chimiques et il a tué 70 à 80 personnes. Il faut quand même le dire : ce n’est pas Hiroshima. Pourquoi fait-il ça ? Je donne une interprétation : quand le dirigeant syrien tue 70 à 80 personnes, il fait fuir X milliers de sunnites, de façon à ne plus les revoir. Il va alors les remplacer par du chiite. Et qui va l’aider dans cet objectif ? L’Iran. Ils ont fait venir des chiites du Pakistan, d’Afghanistan, d’Irak. Et ils sont en train de recomposer, sur le plan religieux, un déséquilibre moins grand en faveur des chiites.

      Par ailleurs, qu’est-ce que ces 59 missiles américains ont réussi à faire ? Pas grand-chose, il me semble. Mais Trump a montré ce que Obama n’a pas fait. C’est ce qui s’appelle de la gesticulation. Il s’est fait sa publicité, en quelque sorte. Il faut prendre cette gesticulation avec calme. Les médias, ce sont quand même des vendeurs d’angoisse.

      A. J. : Il y a un point commun entre la politique étrangère française et américaine sur le dossier syrien. Vous avez déclaré, dans un entretien pour le journal La Croix (Larcher 2016)1, que si les deux pays ne soutiennent pas le régime de Bachar el-Assad, c’est aussi pour éviter de froisser deux partenaires économiques d’envergure, que sont le Qatar et l’Arabie saoudite, hostiles au régime syrien. Vous précisez que les « ressources financières de ces deux pays ne sont [pourtant] plus illimitées » (Larcher 2016). À votre avis, dans le cas français, pourquoi la politique étrangère manque-t-elle autant de stratégie sur le long terme ?

      G. C. : On bricole. On a besoin d’argent, on a besoin de vendre. On vit un peu au jour le jour. Quand on fait 1,1 % de croissance économique et qu’on est plus endettés qu’il y a dix ans, on est obligés de faire des tas de concessions. On a alors vendu à des alliés « ambigus ». De l’autre côté, si les Saoud tombaient, au profit de qui leur chute se ferait ? Au profit des islamistes. Ce serait pire. On navigue dans des eaux complexes.

      A. J. : Vous parlez beaucoup de croissance économique. Mais n’est-ce pas une chimère de croire que toute politique se fonde sur la croissance économique, alors que celle-ci reste faible dans beaucoup des pays industrialisés comme la France depuis le début des années 1980 ?

      G. C. : Ça dépend où. L’Allemagne a progressé. Pourquoi ? Parce qu’ils ont fait les réformes indispensables pour relancer la dynamique interne. Nous, on n’a rien fait. Nous, Français, on s’est révélé d’un conservatisme fabuleux. Nous sommes des imposteurs de la révolte. Les gens qui descendent dans la rue, c’est uniquement pour défendre les droits acquis. La réforme du droit du travail, ils auraient dû la faire en début de mandat, quand François Hollande a fait le mariage dit pour tous.

      On manque de dynamisme. Et on est prétentieux, en plus. Qu’on soit arrogants en 1912, en 1918, voire dans les années 1920, car tout le monde venait chez nous pour peindre, faire l’amour et écrire son bouquin, d’accord. Puis, 1940, ça a été une torchée fabuleuse et je trouve qu’on ne l’a pas bien assumée. Charles de Gaulle nous l’a fait oublier. Mais on s’est effondrés comme des minables. On a tenu une semaine de plus que l’armée belge. C’est un truc qu’il faut rappeler aux Français.

      Il y a maintenant trente ans qu’on est vraiment en train de descendre. La capitale de l’Europe, aujourd’hui, c’est Berlin. La capitale financière, c’est Londres. On est devenu un splendide musée culturel.

      A. J. : Pourtant, la France n’a jamais été aussi riche qu’à l’heure actuelle. Le problème n’est-il pas plutôt le creusement des inégalités entre une élite, de plus en plus riche, et un appauvrissement de la population, des classes populaires aux classes moyennes ?

      G. C. : C’est vrai, je suis d’accord. Les inégalités ont largement augmenté. C’est incontestable. Et pourquoi ? Quand on regarde le début du siècle dernier, les inégalités étaient terribles. Quand a-t-on écrasé ces inégalités ? En gros, à partir de 1936 avec le Front populaire et, puis, bien sûr, avec la menace soviétique. Avec 25 % de communistes en Italie, 25 % en France, le patronat était obligé de faire des concessions en s’achetant la classe ouvrière pour ne pas qu’elle bouge. Maintenant que tout ça a disparu, le patronat ne se gêne plus. La clé de l’explication, elle est là.

      Les États-Unis sont dans une inégalité encore plus grande. Le mythe américain, selon lequel vous bossez beaucoup pour y arriver, c’est terminé.

      A. J. : Les pays qui sont devenus indépendants des puissances colonisatrices ces cinquante dernières années ont pu le faire, vous l’écrivez, grâce à des idéologies mobilisatrices comme le nationalisme et le communisme. Tous ces pays sont dorénavant imbriqués dans la globalisation économique. Si le communisme est marginalisé, que reste-t-il d’une idéologie comme le nationalisme ? Voyez-vous également d’autres idéologies de contestation à gauche de l’échiquier politique émerger dans ces pays en voie de développement ?

      G. C. : Les deux nations les plus puissantes à l’heure actuelle – les États-Unis et la Chine – sont d’un nationalisme délirant. Les Viets, qui constituent une petite nation de 80 millions d’habitants, sont nationalistes, avec une élite de despotes éclairés. Ils ont battu les Français ; ensuite, ils ont battu les Américains ; ils ont tenu tête aux Chinois. Ils ne font aucun reproche aux Français, contrairement aux Algériens, qui sont en train de pleurnicher. Et ils se sont mis avec les Américains, qui les ont bombardés comme jamais, parce qu’ils ont compris que l’ennemi était au nord : la Chine. Et ils font 7 %, par an, de croissance économique. Je tire mon chapeau. Je dis « Voilà une élite de despotes éclairés, qui savent où ils vont ». À côté de ça, les hommes de l’État islamique, ce sont des charlots.

      Pour les idéologies, à gauche, je vois surtout un creux. On a beaucoup consommé. Il y a un moment de fatigue entre l’illusion lyrique et la décrue. On vit de rêve, autant qu’on vit de réalité. Ça va revenir…

      Je vois également des petits pays, qui ont un développement économique et démocratique intéressant, comme l’Uruguay. C’est un pays, qui mise no-tamment sur l’éducation de la jeunesse. Le Chili est également intéressant. L’Argentine, c’est plus contrasté.

      4. Le rapport de l’Occident avec la violence

      A. J. : Dans un entretien pour la revue Ballast (Burlot 2016)2, vous aviez déclaré « L’autre jour, je suis passé à la pharmacie et la pharmacienne me disait que les clients défilent, depuis le 13 novembre, pour prendre des calmants. Les gens se demandent ce qui va se passer ; ils ont peur. Les médias nous pourrissent la vie avec leur audimat. Ils rendent service à Daech ; ils font leur propagande : si je relaie six fois un crime de guerre de l’ennemi, je lui rends cinq fois service. C’est la société du spectacle. C’est minable. Mais, non, contrairement à ce que raconte Hollande, nous ne sommes pas en guerre : une guerre, ce serait comme ça tous les jours ; on est dans une situation conflictuelle. » Plus loin, vous rajoutez : « En l’espace de trente ans, les gens se sont ramollis. Ils ont peur. Mes compatriotes, dans l’ensemble, ont peur de tout. » Comment expliquez-vous ce manque de recul de la part du système médiatique vis-à-vis de Daech ?

      G. C. : D’abord, les journalistes en vivent. Ils vendent de l’angoisse et ça se vend bien. Alors, ils en rajoutent parce qu’on reste, finalement, dans une société du spectacle. Pour nous, la tragédie, ça se passe, finalement, ailleurs. De temps en temps, de façon collatérale, nous sommes frappés. Il y a eu des statistiques très intéressantes, publiées l’année dernière : 97,5 % des attentats ont eu lieu en dehors des pays occidentaux. En somme, pour nous, c’est un spectacle. Quand on est frappés, on a l’impression que c’est l’apocalypse. Shakespeare avait dit que la prospérité et la paix produisent des couards. Autrement dit, des trouillards. On a vécu une longue période de paix – très bien, j’en suis très content – mais ça ramollit.

      A. J. : Pourquoi une telle peur de tout en Occident, et notamment en France ?

      G. C. : Comme je l’ai dit, c’est le prix de la paix et de la prospérité. C’est aussi le vieillissement de la population qui engendre le conservatisme. L’espèce humaine cherche la sécurité, hélas, à tout prix. Je l’ai fuie, car c’est le début de la mort.

      J’ai été souvent en Russie. Les gars regrettent la période soviétique. Pourquoi ? Parce que si vous ne vous occupiez pas de politique, vous étiez sûr de vivoter. Vous n’étiez pas très bien logé, mais on vous laissait tranquille ; vous ne travailliez pas trop et vous étiez sûr de garder votre boulot. À condition d’être d’accord pour être dans une médiocrité relative, c’était vraiment la sécurité totale. Quand le système s’est effondré, ça a été très brutal. J’ai vu la chute du rouble, j’ai vu les petites vieilles, veuves, en train de vendre la bibliothèque de leur mari défunt : c’était poignant. Tout ça parce que Eltsine était nul. Je comprends tout à fait que, lorsque Poutine a commencé à redresser la situation, il a été bien vu. Enfin, un homme politique qui disait : « On a perdu la veste, la chemise et maintenant vous vous voulez retirer le pantalon… Ça fait beaucoup ! » Cela ne l’a pas empêché d’avoir perdu en Ukraine. Encore, une chose qui n’est pas signalée.

      Nous sommes les seuls à être soi-disant objectifs, alors que ce sont les autres qui nous manipulent. Nous sommes aussi des manipulateurs : nos droits de l’Homme sont à géométrie variable ; les assassins sont peut-être ailleurs, mais les hypocrites, c’est nous. Quand on a tué Kadhafi, on n’était pas mandatés pour le faire : on était mandatés pour défendre Benghazi. On a assassiné ce dirigeant. Si les Chinois ou les Russes l’avaient fait, ça aurait fait un bruit épouvantable. On aurait dit : « C’est intolérable ! C’est ignoble ! » Si on veut se débarrasser de dictateurs, j’ai une longue liste dans la poche. Il faut être lucide, se voir dans le miroir.

      A. J. : Est-ce que cette fascination pour la violence de Daech, démontrée par son traitemenmédiatique, ne renvoie pas au refoulement de la violence que nous avons opéré ces dernières décennies dans les sociétés européennes ?

      G. C. : Il y a de ça, certainement. Mais les sociétés européennes sont d’une sensiblerie quasi maladive : on ne peut plus rien supporter. À la campagne, jadis, égorger un poulet, c’était aussi normal qu’aller faucher le blé. Aujourd’hui, vous dites à un type de n’importe quelle université, « On va manger un poulet mais il faut l’égorger ». Il vous répondra : « Ah non ! Pas moi ! » Inutile de dire que si vous aimez la tauromachie, on vous soupçonne d’être « facho ». Je le reconnais : j’aime la tauromachie. Et alors ?

      J’ai vécu pendant trois mois dans la forêt amazonienne. Toutes les nuits, vous entendez le cri des bêtes qui se mangent entre elles. Toutes les nuits, les carnivores chassent et tuent. La nature répond au même rapport de force que nous. Le monde, ce n’est pas Bambi, mais on a fini par vendre du Bambi partout. Il y a des individus pour qui la violence est un concept. Mais la violence, ce n’est pas un concept. Vous parlez avec des types qui sont passés des bancs de l’école au fauteuil du bureau, et qui n’ont jamais reçu une claque de leur vie. Vous pensez qu’ils vont prendre des décisions politiques courageuses ? Je ne le crois pas.

      Pour moi, le courage, c’est la vertu majeure : il y a le courage physique, mais ça ne suffit pas. Il y a le courage intellectuel aussi et, dans le tiers-monde, il n’y en a pas forcément beaucoup. Toujours la tradition… Chez les islamistes, vous apprenez la tradition et vous répétez, vous répétez… La fonction critique, c’est où ? Et puis, il y a le courage moral : il est très inégalement répandu. Encore que… En gros, sur les principes moraux de base, l’humanité se retrouve à peu près : le bien, le mal, on sait à peu près ce que ça veut dire, du fait de l’influence des religions monothéistes. Même s’il y a des différences, sur le droit au suicide par exemple. Chez les Grecs et les Latins, ça faisait partie de votre dernière liberté ; chez les juifs, les chrétiens et les musulmans, vous n’avez pas le droit, en principe, de vous suicider. Pour moi, le droit au suicide est important. Qu’est-ce que je risque en demandant le droit au suicide dans mon pays ? La peine de mort ?

      5. Retour sur un parcours de vie atypique

      A. J. : Vous avez mené une carrière de professeur invité dans de très nombreuses universités étrangères, sans aucun rattachement en France. Quel regard portez-vous sur ce parcours atypique ?

      G. C. : Je n’ai pas fait une carrière, j’ai fait une vie. Au coup par coup. Je n’ai eu aucune espèce de garantie. Au total, j’ai été salarié deux ans comme directeur d’un centre européen d’étude des conflits. C’est tout. Autrement, sur les 55 dernières années, j’ai été un libre aventurier. J’ai fait une trentaine de métiers différents entre 18 et 35 ans. J’ai commencé à être invité parce que j’avais un bagage que les autres n’avaient pas. J’avais été en Guinée-Bissau, j’avais été avec les Palestiniens, avec les Vietnamiens. Quand vous arrivez aux États-Unis avec ça, vous êtes le seul. Et les militaires n’avaient jamais été du côté insurrectionnel alors que j’ai toujours été, à une ou deux exceptions près, avec les insurgés.

      A. J. : De tous les conflits autour du monde que vous avez rejoint en tant qu’observateur-participant, celui du Viêt Nam vous a le plus marqué. Vous reprenez, dans vos mémoires La Pointe du couteau (Chaliand 2011), un slogan que vous aviez entendu à cette époque : « Quand on est préparé au pire, on garde toujours l’initiative ». Pouvez-vous développer ?

      G. C. : Ce sont des phrases qui ne s’oublient pas. Jamais. Mais cette phrase est particulière à une époque. Ce sont comme les Anglais lors du Blitz… On ne peut pas leur demander ça tout le temps. À ce moment-là, les Viets se retrouvent dos au mur. Ils disent « Non », quel que soit le prix et ils s’organisent en fonction avec une détermination absolue. Je trouvais qu’ils étaient merveilleusement organisés. J’ai assisté à des cours dans les écoles où, au moment où les avions arrivaient, les gamins descendaient dans une tranchée. Dès que l’alerte était terminée, ils remontaient et reprenaient le cours ! Il y a des pays où, lorsqu’il y a la guerre, on supprime carrément les cours. Là, non. Ils arrêtaient le temps nécessaire. Je me rappelais de cratères de bombes où les types y mettaient de l’eau et élevaient des poissons. Ils s’adaptaient. Les hommes étaient au boulot, les femmes produisaient, la mobilisation de la population était constante. On avait une société très coriace avec des gens habitués à lutter contre le fleuve, qui faisait des digues chaque année pour le domestiquer.

      C’est un peuple qui a l’habitude de la cohésion, de lutter ensemble contre la nature. Rien à avoir avec le Nil et les Égyptiens, par exemple : le fleuve sort, il irrigue et rentre, tout seul… Vous n’avez rien à faire. Ça donne une mentalité différente… Les Égyptiens l’ont compris quand Nasser les a envoyés combattre contre les Yéménites, des coriaces qui aiment se battre, car ce sont des montagnards. Les Viets n’étaient pas uniquement marxistes-léninistes, ils étaient aussi nationalistes : ils trouvaient que les Américains n’avaient rien à faire sur leur sol et qu’ils tiendraient. Ça m’a plu. Je me sentais chez moi. Refuser de céder. Je les ai quand même vus reconstruire des ponts avec des bateaux sur lesquels ils posaient des poutres… Pour ensuite les enlever, de façon à ce qu’ils ne soient pas photographiés par les Américains. Il fallait tenir, tenir, tenir. On a fait un petit livre aux éditions du Seuil (Tesson et al. 2013) et où on est plusieurs, avec Sylvain Tesson notamment, à raconter notre expérience de voyage la plus formidable. J’ai bien sûr parlé du Viêt Nam. Je me suis aperçu que ça collait avec mon tempérament : ça m’a rappelé l’oncle, celui qui est mort les armes à la main, ou encore, la statue dont je parle dans les mémoires, qui se trouve à Carthagène en Colombie. Le gouverneur local, Blas de Lezo, avait fait tomber la moitié de l’escale britannique. Les gens lui ont fait une statue, qui ressemble à ce qu’il était à la fin de sa vie – il lui restait un œil, un bras et une jambe – et ils ont inscrit ce qu’il avait dit à l’amiral anglais : « Ici, on ne se rend pas ».

      A. J. : Votre écrivez, en exergue de votre ouvrage Pourquoi perd-on la guerre ? : « Le fait que les victimes d’hier puissent devenir des bourreaux rend optimiste quant à la capacité d’adaptation de l’espèce humaine. » Cette leçon de réalisme politique, avez-vous pu la vérifier dans la plupart des conflits que vous avez rejoints en tant qu’observateur-participant ?

      G. C. : C’est de l’humour noir. Je le pratique, parce que c’est la seule chose qui permet de tenir face à la tragédie. Autrement, c’est atroce. L’espèce humaine, qu’est-ce que c’est ? Les gens sont prêts à tous les compromis pour sauver leur sécurité. Et avec la cupidité, il n’y a plus de limite : ils en veulent toujours plus. Si on vous dit, voilà un flingue et l’autre, il est rien, il y aura peut-être cinq individus qui vont se poser des questions avant d’y aller et puis, vous en aurez toujours quinze autres qui vont dire : « Allez, je vais me l’envoyer ! »

      Le pire, en termes de cruauté, c’est celle des guerres civiles. Le type connaît le voisin et, en plus, il peut maintenant violer sa femme, qu’il n’a jamais pu approcher parce que les hommes de l’autre communauté sont très endogames. Il l’a regardée à la fontaine l’autre jour et puis, d’un coup, on lui dit : « Quartier libre ! » Le gars se dit « J’étais rien avant, j’étais un minable, on me donnait une claque et je m’écrasais ». Et, d’un seul coup, on lui dit : « Vas-y, plus t’en fais, plus tu es un héros ». Quand ils en parlent entre eux, des années plus tard, ils se le remémorent comme si c’étaient les plus « belles » années de leur vie. C’est comme ça.

      Lors des guerres en ex-Yougoslavie, on m’avait demandé de former des militaires français – j’étais à l’École de guerre – qui me disaient « On ne peut pas supporter ça, en Europe ». Je leur disais : « Mais vous n’êtes plus en Europe, culturellement parlant ». Quand vous franchissez la frontière yougoslave, vous tombez dans les Balkans. C’est une zone où le vaincu, on lui coupe tout ce qui dépasse. Il n’y a qu’à lire ce qui s’est passé en 1912-13 durant les guerres balkaniques. J’ai vu des officiers français revenir, et me dire « C’est atroce : j’ai vu des Croates, au moment où ils faisaient l’offensive contre les Serbes, énucléer des mecs encore vivants avec une cuillère limée. »

      A. J. : La poésie ne vous permet-elle pas de tenir face à l’horreur ?

      G. C. : La poésie est incontestablement une part magique qui permet de sortir de cette atrocité. Au final, tout ça est tragique. Je suis habitué aux difficultés, mais ce que je vois, au fond, c’est de l’atroce : entre les rapports de force et la cruauté déchaîné ou tranquille, selon les circonstances, ce n’est pas joli du tout. Il y a quelque chose de merveilleusement tragique dans la poésie. Et c’est avant tout le plus bel usage possible des mots. Le recueil que j’ai fait (Chaliand 2016a) m’a fait profondément plaisir. Ce qui reste, c’est la part magique : la poésie, la littérature. Vous allez continuer à lire Shakespeare, mais vous ne lirez plus un auteur qui a écrit un livre d’histoire au XIXe siècle. Ou alors vous faites un chef-d’œuvre comme Tocqueville. C’est rare. Ses analyses sur l’Amérique tiennent encore la route. Stanley Hoffmann était en admiration absolue devant celles-ci. En comparaison, c’est comme si vous lisez Thucydide pour comprendre le phénomène de la guerre.

      A. J. : Finalement, les vers suivants, tirés de votre recueil Feu nomade et autres poèmes (Chaliand 2016a), ne sont-ils pas ceux qui vous définissent le mieux ? « Précaire a toujours été la vie. / J’ai marché droit au vent du risque. / Tout se gagne en consentant à perdre. »

      G. C. : Oui. Et puis, il y a les quelques vers que j’ai mis en exergue du recueil : « Je n’ai pas misé ma vie à demi / j’ai tout jeté dans la balance / j’ai bu à toutes les fontaines du chemin / plus que mon dû et j’ai couvert plus de chemins. / J’irai jusqu’à tomber d’un seul coup / feu nomade, de la nuit, à la nuit. »

      Bibliographie

      Burlot, Stéphane. 2016. « Gérard Chaliand : "Nous ne sommes pas en guerre" ». Ballast, https://www.revue-ballast.fr/gerard-chaliand/.

      Chaliand, Gérard. 2011. Mémoires : tome 1. La pointe du couteau. Montréal: Robert Laffont.

      Chaliand, Gérard. 2016a. Feu nomade et autres poèmes. Paris: Gallimard.

      Chaliand, Gérard. 2016b. Pourquoi perd-on la guerre? Un nouvel art occidental. Paris: Odile Jacob.

      Larcher, Laurent. 2016. « Gérard Chaliand : "Ils sont obligés de préférer Bachar Al Assad aux islamistes" ». La Croix, https://www.la-croix.com/Debats/Forum-et-debats/Gerard-Chaliand-Ils-sont-obliges-preferer-Bachar-Al-Assad-islamistes-2016-11-30-1200806888.

      Tesson, Sylvain, Patrice Franceschi, Tristan Savin, Laurent Joffrin, et Olivier Frébourg. 2013. L’Aventure, pour quoi faire ? Paris: Points.


      1. Disponible en ligne ici.

      2. Disponible en ligne ici.

      Jahier Adrien 0000-0001-7148-1997
      Vitali-Rosati Marcello male 0000-0001-6424-3229
      « La violence n’est pas un concept » : Entretien avec Gérard Chaliand
      Adrien Jahier
      Département des littératures de langue française
      2104-3272
      Sens public 2017/11/11 Varia
      Gérard Chaliand, géopolitologue, explique les raisons qui ont mené, d’une part, aux échecs occidentaux dans les guerres irrégulières et, d’autre part, à la chute actuelle de l’État islamique. Il critique également les inconsistances de la politique étrangère américaine et française, ainsi que le rapport que cultive l’Occident avec la violence. Cet entretien, effectué le 26 avril 2017, est l’occasion de revenir sur le parcours atypique d’un homme. Né en 1934, Gérard Chaliand a arpenté le globe et ses conflits en étant observateur-participant : de la Guinée-Bissau au Nord Viêt Nam, en passant par la Colombie, il a également passé beaucoup de temps au Moyen-Orient, se rendant régulièrement en Afghanistan, en Irak et en Syrie. Au-delà de la figure du géopolitologue « aventurier », il y a également celle, moins connue, du poète, qui trouve refuge dans l’écriture face à l’atrocité du conflit. Pour Gérard Chaliand, la violence n’est pas un concept, mais avant tout une expérience de terrain, forcément dure.
      Gérard Chaliand, geopolitical strategist, explains the reasons that led, on one hand, to western failures in irregular wars and, on the other hand, to the current collapse of the Islamic State. He also criticizes the inconsistencies of American and French foreign policy, as well as the relationship of the West with violence. This interview, conducted on April 26, 2017, is an opportunity to retrace Gérard Chaliand’s atypical path. Born in 1934, the French geopolitical strategist has travelled the globe and its major conflicts by being an observer-participant: from Guinea-Bissau to North Vietnam, he has also spent a lot of time in the Middle East, traveling regularly in Afghanistan, Iraq and Syria. Beyond the figure of the geopolitologist “adventurer”, he is also a poet, who finds refuge in writing in order to deal with the atrocity of conflict. For Gérard Chaliand, violence is not a concept, but above all a field experience, necessarily hard.
      Europe http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb11931301w FRBNF119313017
      Politique et société http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb11975806s FRBNF11975806
      Poésie http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb11933161p FRBNF119331613
      Moyen Orient http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb11941591f FRBNF119415919
      Guerre et conflit http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb13318436b/ FRBNF13318436
      politique, Occident, Moyen-Orient, Europe, guerre, géopolitique, poésie.
      politics, West, Middle-East, Europe, war, geopolitics, poetry.