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De l’écriture textuelle à l’hypertexte

Enjeux épistémologiques de l’environnement numérique

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      Texte

      Tout lieu retiré requiert un promenoir. Mes pensées dorment si je les assis. Mon esprit ne va si les jambes ne l’agitent. Ceux qui étudient sans livres, en sont tous là. La figure en est ronde et n’a de plat que ce qu’il faut à ma table et à mon siège, et vient m’offrant en se courbant, d’une vue, tous mes livres, rangés à cinq degrés tout à l’environ. Elle a trois vues de riche et simple prospect, et seize pas de vide en diamètre. En hiver, j’y suis moins régulièrement : car ma maison est juchée sur un tertre comme dit son nom, et n’a point de pièce plus éventée que celle-ci ; qui me plaît d’être un peu pénible et à l’écart, tant pour le fruit de l’exercice que pour reculer de moi la presse. (Montaigne 1850, 524‑25)

      La bibliothèque de Montaigne est située à l’intérieur d’une pièce circulaire, au dernier étage d’une tour avec vue plongeante sur un domaine ; un bureau est placé en son centre, entouré d’étagères sur lesquelles se trouve une immense bibliothèque. C’est un lieu de travail, mais c’est aussi la représentation du système, la structure et l’esthétique, de l’homme de la Renaissance : ses livres sont tous également disponibles et ses lectures se font dans l’exercice de la promenade ; sa pensée progresse au gré des revirements, des variations et des contradictions. Dans cette configuration spatiale, nous sommes à même d’appréhender les termes de la poétique de l’opera aperta (Eco 1962) accueillant les possibilités infinies de la forme, la liberté de l’artiste, le rôle de l’utilisateur apte à recréer à son image le produit indéfini de l’artiste. Comme son titre l’indique, l’œuvre de Montaigne est déjà ouverte. Pour passer du plan de ce lieu à l’espace virtuel et sans frontières à l’intérieur duquel circulent aujourd’hui les pratiques discursives, l’écrivain dispose d’une machine qui le projette sur le Web, avec ses applications vouées à la socialisation, à l’information, au commerce et à la création, ses réseaux sociaux, et son environnement, qui est celui de la globalisation. Cet article propose d’éclairer le rapport entre l’homme et la machine à un niveau épistémologique faisant dialoguer les perspectives actuelles avec les questionnements du passé. Nous retracerons ensuite le parcours des théories qui ont circulé à partir des années 1970, au croisement de différentes disciplines, et dans les transformations que ces spéculations ont connues jusqu’aux années 1990, lorsque l’écriture textuelle a pu définir l’hypertexte (Landow 1994). Nous nous concentrerons enfin sur les notions de réseau, trace, multi-autorialité et performativité telles que celles-ci sont définies dans l’expérience poststructuraliste afin de questionner une épistémologie encore apte à orienter le rapport au numérique dans le contexte actuel. Les chercheurs issus des disciplines les plus variées se consacrent à l’analyse de cet objet sensible : désormais, les expériences culturelles liées aux technologies numériques redéfinissent les contours des domaines du privé et du public, engagent la place de la création littéraire d’un auteur ; sollicitent une reconfiguration des systèmes de classement, de repérage et de conservation des données. Des questions se posent ainsi du côté du texte, puis du côté de l’auteur et du lecteur, mais aussi au-delà. Si à chaque époque correspond un genre littéraire (Lukács 1989), et si à chaque genre littéraire correspond un média (McLuhan 1968), de quelle matière est faite la révolution de l’œuvre littéraire en tant que texte et en tant qu’objet que nous vivons ? S’il est vrai qu’une pensée de l’oralité a précédé une pensée de l’écriture, sommes-nous désormais en train de faire l’expérience d’une pensée hypertextuelle ? Ces questions, plutôt narratologiques, parfois de l’ordre de l’analyse du discours, accompagnent des pratiques qui sont finalement textuelles, et qui trouvent des réponses essentiellement du côté des outils numériques et de celui des sciences cognitives. Les recherches explorent différents domaines tels que les nouvelles porosités de la catégorie livre (Rabot 2020) ; les mutations du texte et de la lecture (Clément 2001) ; les écritures hypertextuelles et leur fonctionnement comme instance énonciative au sein d’une « culture augmentée » (Chapelain 2017). Quel est alors aujourd’hui le système qui peut accompagner ces pratiques ? Est-ce que les théories qui ont participé à la définition de l’écriture textuelle peuvent encore expliquer la relation entre l’homme et la machine aujourd’hui ? Dans le contexte actuel, nous proposons de relire l’expérience poststructuraliste pour questionner une épistémologie qui se révèle, à certains égards, apte à orienter un rapport au numérique se déclinant désormais à tous les niveaux de la connaissance. Claude de Vos et Derrick de Kerckhove rappellent que le médium est un « dispositif qui assure la transmission d’objets ou d’informations », qui contribue néanmoins à créer des modalités particulières de communication et de culture, au cœur desquelles l’homme construit un processus signifiant et se construit en tant que sujet (De Vos et De Kerckhove 2013). Dans ce cas, à quoi mène cette mutation épistémologique qui encadre la forme du livre augmenté et la pratique d’une hyperlecture ? Alors que les données remplacent le discours, peut-on se demander, avec Jean Clément, s’il est encore possible de trouver une forme de discursivité dans la séquence fragmentaire et non hiérarchisée de l’hypertexte (Clément 1995) ? Si l’environnement numérique, dont le potentiel est extraordinairement efficace, notamment pour les textes informatifs et l’édition critique d’un ouvrage littéraire, où l’ensemble des notes, des variantes et des commentaires conserve sa nature paratextuelle, celui-ci semble reconfigurer l’exercice de la pensée chez le lecteur qui, dans cet empire de signes, est capturé par la jouissance de la manipulation de données et d’informations. Est-ce parce que nous sommes passés de « l’âge des outils » à « l’ère des systèmes » que nous sommes « colonisés » par le « capitalisme numérique » (Biagini 2012) ? Pourtant, avant d’entrer en contact avec un écran, où la machine dispose la manipulation de données suspendues dans le réseau de son espace virtuel, l’homme a fait l’expérience d’une manipulation toute théorique de la notion de texte. Avant la diffusion des instruments technologiques, qui semblent avoir ouvert le texte à un terrain de recherche interdisciplinaire et à une très large multimédialité, avant que l’ensemble des pratiques de fruition de l’hypertexte ne s’automatise, l’homme a fait l’expérience toute spéculative de jouer avec son rôle : l’auteur a laissé surgir le texte et a légué sa propre fonction au lecteur. Est-il encore possible de penser ce phénomène à partir d’un moment particulier de notre histoire intellectuelle lorsque l’homme est face à la très futuriste Literary Machine de Ted Nelson (1981), dans les années 1960, où les idées et les données participent à la mise en place de l’hypertexte ? Dans les années 1970, alors que les outils de l’informatique semblent se limiter au traitement des données et à la communication au sens strict du terme, alors qu’ils sortent des laboratoires universitaires pour accéder timidement à un marché encore indifférent, la critique s’oriente vers la reconsidération des limites du texte et la reconfiguration du rôle de l’auteur par une approche interdisciplinaire, conjuguant la linguistique et la sémiologie, la philosophie et la sociologie. Par différentes étapes, le discours littéraire est alors investi d’une mutation qui nous permet désormais de penser l’hypertexte avant le Web, à une époque où, encore loin de l’emprise de la machine, la dimension spéculative est dominante. Nous proposons de reparcourir les points essentiels de ces théories afin de vérifier leur résonnance dans le contexte actuel. La pratique littéraire apparaît alors comme un instrument d’action politique pouvant interroger la culture occidentale afin de déconstruire les fondements d’une société que la génération d’intellectuels afférant au groupe Tel Quel s’emploie à déconstruire. Philippe Sollers écrit dans Écriture et révolution que cela est possible « en mettant l’accent sur le texte, sur ses déterminations historiques et son mode de production ; en dénonçant systématiquement la valorisation métaphysique des concepts “d’œuvre” et “d’auteur” »(Sollers 1968a, 70). C’est l’époque où, nourri de psychanalyse lacanienne, de marxisme althussérien, de pensée archéologique de Foucault et de déconstructionnisme de Derrida, se développe, comme phénomène marginal et contestataire, ainsi que le rappelle Dominique Maingueneau, l’analyse du discours (Maingueneau 2017). Les thèses situationnistes de Guy Debord et de Raoul Vaneigem qui, en 1967, publient respectivement La Société du spectacle (Debord 1967) et le Traité du savoir-vivre à l’usage des jeunes générations (Vaneigem 1967), manifestent une « véritable insurrection de la subjectivité » (Brillant 2003) et racontent ce « quelque chose de nouveau [qui] est en train de commencer » (Foucault 1966, 354). Une génération d’intellectuels semble prendre conscience de la soudaine présence d’une modernité capitaliste et de la crise des idéologies qui atteint la nature du lien social et trouble les pratiques signifiantes et symboliques et s’applique à l’élaboration d’une théorie de l’écriture non plus littéraire mais textuelle : « Ce qui est contesté, ici, c’est l’histoire linéaire qui a toujours asservi le texte à une représentation, un sujet, un sens, une vérité ; qui réprime sous les catégories théologiques de sens, de sujets et de vérité l’énorme travail à l’œuvre dans les textes-limites » (Sollers 1968a, 6). Bientôt donc Mai 68 et le passage à une culture préfigurative que l’anthropologue américaine Margaret Mead explique dans son étude sur le « fossé des générations » (Mead 1979) où pour la première fois ce sont les parents qui apprennent de leurs enfants. En effet, la mort de l’auteur accompagne la révolte contre toute forme d’autorités constituées : avant de faire disparaître l’homme, il aura fallu l’identifier au père, et avant de s’en prendre à l’individu, avec son identité, sa vie et son emprise sur son œuvre, il aura été nécessaire de l’assimiler à la bourgeoisie. Une fois privé de toute aura psychologique et romantique, mais aussi de toute marque d’engagement, sous l’influence d’une part du poète des objets, Francis Ponge, et d’autre part des notions périmées d’Alain Robbe-Grillet, la littérature devient « écriture textuelle » et se réfère à un monde qui n’est « ni signifiant, ni absurde. Il est tout simplement » (Robbe-Grillet 1961, 18). Deux textes presque contemporains proposent cette mort de l’auteur littéraire et philosophique caractérisant le cadre d’une sorte de nihilisme occidental qui désormais nous interpelle depuis notre environnement numérique, en rapport aux questions associées à l’hypertexte. En 1968, Roland Barthes fait paraître un article qui s’intitule « La mort de l’auteur » (Barthes 1984) et quelques mois plus tard Michel Foucault présente une communication à la Société française de Philosophie qui porte le titre « Qu’est-ce qu’un auteur ? » (Foucault 1994). Barthes souhaite éliminer l’auteur en tant que producteur du texte « en montrant que l’énonciation dans son entier est un processus vide, qui fonctionne parfaitement sans qu’il soit nécessaire de le remplir par la personne des interlocuteurs » (Barthes 1984, 63). Contre le mythe de l’originalité de l’œuvre et contre la notion de génie, Barthes affirme que l’auteur n’est rien d’autre qu’un copiste d’autres écritures, il n’est plus considéré comme une personne, avec son identité psychologique, mais comme un scripteur qui est le sujet grammatical de son énoncé : « L’auteur n’est jamais rien de plus que celui qui écrit, tout comme je n’est autre que celui qui dit je » (Barthes 1984, 63). Sur le modèle de la linguistique, la « nouvelle critique » s’oppose aux défenseurs de l’« explication littéraire » (Compagnon 1983), qui considèrent que la personne humaine est seule capable de détenir le sens de son discours, pour considérer le texte en dehors de toutes déterminations biographiques, car sa structure « est faite non d’inspiration ou de volontés personnelles, mais des règles amassées bien au-delà de l’auteur » (Barthes 1966, 58). L’auteur ne préexiste pas au texte mais se produit avec lui : « Succédant à l’Auteur, le scripteur n’a plus en lui ni passions, humeurs, sentiments, impressions, mais cet immense dictionnaire où il puise une écriture qui ne peut connaître aucun arrêt […] » (Barthes 1984, 65). Si la littérature est désormais un acte d’appropriation, la triade œuvre-auteur-critique est remplacée par celle texte-scripteur-lecteur : le texte perd sa fonction téléologique puisqu’il est « un tissu de citations » et son unité n’est pas composée par l’auteur, mais par le lecteur : « ce quelqu’un qui tient rassemblées dans un même champ toutes les traces dont est constitué l’écrit » (Barthes 1984, 67). Le point de vue de Foucault par rapport à l’auteur n’est pas littéraire mais épistémologique. Sa conférence de 1969, autant que son ouvrage, Les mots et les choses, est vouée à la démonstration de l’existence d’une structure idéologique qui hante l’auteur et le langage non seulement dans son contenu, mais aussi dans sa forme et ses structures mentales. Foucault remonte le cours de l’histoire et observe que « L’Homme est une invention dont l’archéologie de notre pensée montre aisément la date récente. Et peut-être la fin prochaine » (Foucault 1966, 398). En particulier, le nom de l’auteur, avec sa fonction idéologique et juridique, apparaît durant l’Illuminisme, en marge de la définition d’un cadre législatif définissant le droit d’auteur, puis se stabilise à l’époque romantique avec notamment, dans les études littéraires, la critique de Sainte-Beuve, jusqu’à gagner un statut hégémonique au XIXe siècle avec l’Histoire de la littérature française de Gustave Lanson (1894) où cet « individu psychologique », aliéné dans son histoire, devient le gage de l’unité de production et la clé de l’interprétation du texte. La disparition du rôle traditionnel de l’auteur, et de son contrôle sur le mode de production du sens, se répercute sur le texte : elle libère les possibilités polysémiques du discours « selon un autre mode […] qui reste encore à déterminer ou peut-être à expérimenter », écrit-il, au sein d’une société où la « fiction circulerait à l’état absolument libre […] sans attribution à une figure nécessaire ou contraignante ». Le discours littéraire devient alors la simple manifestation d’une pratique ludique qui nie toute portée idéologique, d’un langage qui ne fait qu’affirmer son existence comme s’il « ne pouvait avoir comme contenu que de dire sa forme » (Foucault 1966, 313). Une fois écarté l’auteur, son entité psychologique et sa fonction idéologique, le texte apparaît comme un nouveau sujet, collectif et transcendant. Ces éléments théorisent la nouvelle vocation de l’écriture littéraire qui se met en place dans les principes de l’écriture textuelle et semblent pouvoir décrire l’hypertexte. Le régime hypertextuel que nous connaissons aujourd’hui met encore plus en évidence le caractère fragmentaire du discours littéraire et son issue vers l’intertextualité :

      […]un texte est fait d’écritures multiples, issues de plusieurs cultures et qui entrent les unes avec les autres en dialogue, en parodie, en contestation ; mais il y a un lieu où cette multiplicité se rassemble, et ce lieu, ce n’est pas l’auteur : le lecteur est l’espace même où s’inscrivent, sans qu’aucune ne se perde, toutes les citations dont est faite une écriture ; l’unité d’un texte n’est pas dans son origine, mais dans sa destination, mais cette destination ne peut plus être personnelle : le lecteur est un homme sans histoire, sans biographie, sans psychologie, il est seulement ce quelqu’un qui tient rassemblées dans un même champ toutes les traces dont est constitué l’écrit (Barthes 1984, 66‑67).

      Landow, qui s’inscrit dans la tendance de son époque, de l’adoption outre-Atlantique des thèses de la French Theory (Cusset 2003) mises en résonance avec le paradigme postmoderne, a le premier analysé l’hypertexte en utilisant les catégories introduites par la théorie critique de cette génération. Il indique dans les années 1990 que l’hypertexte est « la technologie caractérisante » (Landow 1994) de l’époque et que celle-ci se précise à deux niveaux : l’absence de hiérarchisation entre les parties du texte et la transformation de la relation auteur/lecteur. La « théorie de la convergence » entre deux approches dans un même cadre, tout en voulant décrire la transformation des structures rhétoriques et énonciatives, se veut aussi politique, car cette révolution textuelle – c’est la conclusion de Hypertext 3.0 (Landow 2006) – déterritorialise la suprématie du discours blanc, occidental et masculin : la French Theory (Cusset 2003) aurait construit la structure théorique sur laquelle se base l’élan vers ce nouvel espace constitué par l’écriture hypertextuelle. Ce rapprochement mérite d’être approfondi par le détour de la formule de l’écriture textuelle définie par Julia Kristeva et ouverte aux interprétations des penseurs qui ont nourri le groupe et la revue Tel Quel. Le système du livre, avec son origine et son destinataire, se développant autour du logos et de la linéarité, est investi d’une révolution épistémologique qui prône les notions de réseau, de trace, de multi-autorialité et de performativité pour indiquer une relation dynamique entre le signifiant et le signifié : Kristeva a expliqué que l’écriture textuelle est signifiance, et que cette opération a lieu, avec les mots de Barthes, dans la cuisine du sens (Barthes 1961). C’est précisément l’endroit où nous nous dirigeons. La critique structuraliste envisage l’œuvre littéraire tel un réseau ou comme : « mosaïque de citations, tout texte est absorption et transformation d’un autre texte. À la place de la notion d’intersubjectivité s’installe celle d’intertextualité, et le langage poétique se lit, au moins comme double » (Kristeva 1969, 145) (Kristeva 1969, 145). Contre la vieille critique des sources, la notion d’intertextualité apparaît dans deux articles de Kristeva, « Le mot, le dialogue et le roman » (Kristeva 1969, 145‑46) et « Le texte clos » (Kristeva 1969, 113‑42) publiés dans Σημειωτική. Recherches pour une sémanalyse (1969), puis plus tard dans La Révolution du langage poétique avec la notion de transposition (Kristeva 1974), qui indique que le texte se compose de fragments de textes préexistants : il est un espace d’échange dynamique d’éléments et de formules qui ne sont pas toujours reconnaissables, de citations involontaires ou automatiques qui proviennent d’une mémoire collective et anonyme, et non pas individuelle, pour former un réseau, auquel le lecteur participe. C’est par une formule issue de la sémiologie, devenue sémanalyse, que Kristeva insiste, plus que sur un système de signes, sur la production de ce système : elle évoque un « engendrement de la signifiance » qui est précisément le passage du géno-texte au phéno-texte. Cela veut dire que le texte n’est pas un acte de communication mais une pratique signifiante qui théâtralise le travail de la langue, « en train de se faire » (Kristeva 1983, 45), « un système de connections multiples qu’on pourrait décrire comme une structure de réseaux paragrammatiques » (Kristeva 1969, 123), « faisant éclater la surface de la langue, le texte est l’“objet” qui permettra de briser la mécanique conceptuelle qui met en place une linéarité historique, et de lire une histoire stratifiée : à temporalité coupée, récursive, dialectique, irréductible à un sens unique mais faite de types de pratiques signifiantes dont la série plurielle reste sans origine ni fin » (Kristeva 1969, 15). Alors que dans la culture occidentale le signe organise la perception, la métaphysique, les sciences, et la grammaire, désormais celui-ci s’inscrit dans la structure dynamique d’un texte tel un gramme mouvant « qui fait plutôt qu’il n’exprime un sens » (Kristeva 1969, 15). Pour aborder la notion de trace, on pourra convoquer Derrida et cela à travers cette même lettre, le γραμμα. Au cœur de son ouvrage que nous évoquons ici, De la grammatologie (Derrida 1967) (c’est-à-dire, étymologiquement, le discours sur la lettre), le texte n’est plus un corpus fini mais un réseau de traces qui se réfèrent sans cesse à d’autres traces face auxquelles la composition et l’interprétation se réalisent au gré du lecteur. Derrida l’exprime par sa célèbre formule « Il n’y a pas de hors texte » (Derrida 1967, 227), pour dire que « tout ce qui est est dans le texte ». Il remplace le texte par l’écriture et théorise la notion de archi-écriture : une écriture qui ne contemple pas la présence du sujet mais qui, de par sa nature autonome, s’oppose au logos et à l’hégémonie du signifié, qui réfute le logocentrisme et le phonocentrisme, qui incarne l’opération de déconstruction de la pensée métaphysique de la tradition classique occidentale et affecte la série de ses binômes conceptuels (langage/écriture, signifiant/signifié, subjectif/objectif, présence/absence) pour substituer l’idée de la présence et de la linéarité avec celle de la trace. Par une autre notion, Derrida revient sur la valeur pratique et dynamique de l’écriture : c’est la différance, avec ce « a » inaudible qui n’est pas un phonème mais un graphème et qui, avec la désinence –ance, renvoie à une transversalité dépassant les limites du structuralisme. Landow a souligné que la pensée de Derrida insiste sur l’ouverture du texte par le dépassement des limites du livre imprimé et que par cette disponibilité dynamique vers une direction intertextuelle et multimédiale, celle-ci se rapproche particulièrement de l’expérience que nous avons de l’hypertexte : Derrida semble avoir le sentiment que les changements dans le domaine de la communication sont en train d’atteindre le livre et l’écriture linéaire. Le développement des pratiques de l’information étend largement les possibilités du message, jusqu’au point où celui-ci n’est plus la traduction écrite d’un langage, le transport d’un signifié qui pourrait rester parlé dans son intégrité. […] La conjonction […] de la cybernétique et des sciences humaines de l’écriture renvoie à un bouleversement […] profond (Derrida 1967, 20‑21).

      La question qui se pose alors concerne la notion de multi-autorialité qui a affaire essentiellement au média qui supporte le message. À ce propos, dans Variations sur l’écriture (2002), Barthes distingue les différentes étapes qui marquent l’histoire de l’espace littéraire : le passage de l’oralité à l’écriture manuelle et de celle-ci au livre imprimé correspond au passage d’un système de transmission du savoir anonyme et basée sur la mémoire collective à l’affirmation dans la culture occidentale des caractères de l’abstraction, de la rationalisation, de l’objectivation du langage jusqu’à l’identification d’un ouvrage avec son auteur (Barthes 2002, vol. IV). Dans les années 1980, Walter Ong décrit le passage d’un système de pensée linéaire à un phénomène qu’il définit comme « oralité seconde » ou « oralité de retour » où la diffusion des technologies de l’information et de la communication encourage des productions écrites qui simulent le code oral (Ong 1982) : une faible parataxe, la fragmentation énonciative, une forte interaction, une structure du discours agrégative plutôt qu’analytique, la simultanéité, le partage, la matérialité. Les neurosciences enregistrent, elles aussi, un changement dans le développement des activités synthétique et émotive liées aux facultés de l’hémisphère droit du cerveau qui reprendraient leurs droits sur la répression de la culture écrite et linéaire du livre, comme l’explique dans un essai de 1975 le psychanalyste Ignacio Matte Blanco (Matte Blanco 1975). L’opposition entre le modèle linéaire de l’écriture du livre et celui de l’écriture textuelle, que les structuralistes proposent comme projet pour une révolution épistémologique et que la révolution technologique impose dans l’hypertexte par le phénomène de l’oralité de retour, est déjà évidente dans la pensée de Michel Foucault. Dans Les mots et les choses, le philosophe décrit la « Grammaire générale et raisonnée », d’Arnauld et Lancelot et son intention de dresser le cadre normatif pour une théorie de la connaissance. Durant la seconde moitié du XVIIe siècle, les grammairiens de Port-Royal proposent une réflexion grammaticale qui est un ensemble d’éléments communs à toutes les langues (d’où le terme de grammaire générale) et qui s’inscrit dans un courant logique et philosophique (d’où le terme de grammaire raisonnée) basée sur les principes de la Scholastique, proche de la philosophie cartésienne. La syntaxe se justifie par un raisonnement philosophique sur le langage qui dérive du fait de concevoir, juger et raisonner, par un ordre qui s’oppose à la simultanéité de la pensée. Un siècle plus tard, suivant la même hypothèse, Antoine de Rivarol confrontera les langues directes, ayant une syntaxe qui dispose la pensée selon un ordre linéaire, aux langues à inversion, pour démontrer la supériorité de la langue française par rapport à l’italien et aux langues classiques, dont la syntaxe reproduit la marque de la tradition rhétorique. L’écriture linéaire « […] substitue à la comparaison simultanée des parties, un ordre dont on doit parcourir les degrés les uns après les autres » (Foucault 1966, 96), le langage de la période classique « […] recueille entre ses mots la totalité du monde » (Foucault 1966, 100). Ainsi s’annonce le projet d’un retour à la simultanéité et à la multi-autorialité qui sont des qualités du code oral : « Il est bien probable que cette mobilité était même beaucoup plus grande à l’origine que maintenant […] mais au commencement de l’humanité […] les mots avaient un grand pouvoir de déplacement » (Foucault 1966, 130). C’est en évoquant la matérialité du signe et sa manipulation physique que nous abordons une dernière notion qui nous permet de mettre en résonnance le cadre épistémologique postmoderne et l’hypertexte, qui est celle de la performativité. Nous avons vu que la structure ouverte du texte s’oppose au principe de linéarité du livre traditionnel et participe à la mise en valeur du lecteur. Désormais le scripteur de Barthes parcourt en autonomie le réseau par une démarche matérielle, physique et collective, et cette expérience performative, comme ce fut le cas pour l’activité du copiste au Moyen Âge, produit chez lui une jouissance : « écrire ne peut plus désigner une opération d’enregistrement, de constatation, de représentation […] mais bien ce que les linguistes […] appellent un performatif […] dans laquelle l’énonciation n’a d’autre contenu[…] que l’acte par lequel elle se profère » (Barthes 1984, 64). L’homme et la machine se retrouvent sur la scène que Brenda Laurel a imaginée en 1991, dans son ouvrage Computers as Theatre (Laurel 1991) : se rencontrant dans l’espace virtuel d’une interface, ils y manipulent des données, ils y mettent en scène une performance qui est sensée produire un discours narratif. C’est l’expérience de la défamiliarisation, de l’étrangeté, se jouant non pas sur scène, comme dans l’idée de Victor Chklovski (Chklovski 1965), mais sur nos ordinateurs. Une fois saisi sur Internet, le texte s’éloigne de son producteur et se démultiplie au gré des manipulations d’un nombre potentiellement infini de lecteurs qui s’en approprient pour devenir de nouveaux auteurs. Ce sont les lecteurs-récepteurs dont Michel de Certeau (1990) salue la conduite émancipatrice face à un ordre culturel imposé et qui s’organisent, selon Stanley Fish, au sein d’une heureuse « communautés interprétatives » (Fish 2007). Ces pratiques sont à même de produire de la connaissance (Penalva 2006) dans un intérêt commun partagé (Wenger 1998, 318). C’est aussi l’optimisme de Pierre Levy qui trouve que cet environnement, cette étape supplémentaire de technologisation, est, comme la révolution de Gutenberg, un nouveau stade d’intégration de l’homme et de la machine, il est émancipateur. Avaient-ils prévu, ces auteurs, le piège de la performativité, cette jouissance de la manipulation qui rend le lecteur dépendant de l’acte le séparant du sens ? Avaient-ils imaginé que l’inventivité compulsive des usagers reconfigurerait les structures et les hiérarchies qui organisent le monde social sur la base de leurs perceptions individuelles ? George Landaw, professeur de littérature angloaméricaine et d’histoire de l’art, accueillait la révolution hypertextuelle. Il saluait les applications pédagogiques et les avantages liées à la numérisation du patrimoine culturel mondial, mais n’oubliait pas de souligner l’instabilité d’un système face auquel le lecteur devait devenir plus qu’actif, plutôt « agressif », s’il souhaitait s’orienter dans un espace qui pourtant, à l’époque n’était pas encore celui d’aujourd’hui, avec un volume annuel de données numériques générées en croissance. Paul Virilio déjà représentait un lecteur devenu passif, incapable de construire son propre système de connaissances, comme « l’homme simplifié » de Jean-Michel Besnier dont les processus cognitifs et mémoriels sont transformés sur le Net face à des textes courts et éparpillés, qui finissent par limiter sa capacité à s’exprimer (Besnier 2012). C’est une façon d’être au monde qui nous fait juger tous les jours ce que nous sommes et qui nous éloigne de ce que nous voudrions que le monde soit : où, comme le rappelle François Cusset, la morale remplace l’utopie (Cusset 2003). Peut-on imaginer que l’environnement numérique participe à ce processus que Jacques Rancière déplorait dans La Haine de la Démocratie et qui opère « en transformant le consommateur aliéné d’hier en narcisse jouant librement avec les objets et les signes de l’univers marchand » (Rancière 2005, 30) ? David Bolter remarquait en 1990 que les éléments sémantiques, syntaxiques et iconiques ont un caractère provisoire et rendent profondément instable l’hypertexte. Il a récemment proposé une vision de la culture médiatique contemporaine, théorisant un état caractérisé par un univers si vaste, varié et dynamique de produits et de pratiques qu’il n’est pas intelligible dans son ensemble. L’idée est qu’une « plénitude digitale » engloutit les forces contradictoires de la culture d’élite et de la culture populaire, des anciens et des nouveaux médias, des idées politiques conservatrices et radicales (Bolter 2019). Comme si, en démantelant la structure auteur-œuvre-lecteur, l’hypertexte avait porté à l’érosion discursive ces espaces de négociation où se mettent en place l’élaboration critique du logos et le contre-discours. Aujourd’hui les notions que nous avons évoquées (réseau, trace, multi-autorialité et performativité), définissent un environnement où la présence de l’écriture se généralise sans pour autant garantir sa fonction d’organisation et de synthèse de l’information et d’interrogation de ses expériences, où la multi-autorialité ne favorise pas la collaboration mais éloigne l’homme du produit de son travail, où le lecteur agressif de Landow est plutôt hyperactif, inapte à la contemplation, figé dans une excitation du soi (Algeri 2013, 374). Julia Kristeva a décrit cette opération en termes psychanalytiques dans la formule du « procès du sujet » : les notions que nous avons évoquées ne se réduisent pas à une grille formelle pour l’analyse du texte, mais servent à figurer une subjectivité complexe, avec ses rêves et ses pulsions, qui, sur la voie ouverte par le Livre mallarméen, n’est pas un produit fini mais une productivité à l’infini. Une fois l’auteur mort avec son autorité, restent à questionner l’inventio et son lien à l’innovation, et à mesurer l’équilibre entre le sujet et l’auteur, afin de réconcilier l’homme et la machine dans cet environnement numérique qui se veut un outil, mais qui est un système.

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      De l’écriture textuelle à l’hypertexte
      Enjeux épistémologiques de l’environnement numérique
      Véronic Algeri
      Département des littératures de langue française
      2104-3272
      Sens public 2024/12/20 L’écrivain et la machine. Figures auctoriales à l’ère du numérique
      Dans les années 1970, sous l’influence indirecte d’un développement technologique considéré comme étant susceptible d’influencer le domaine de la communication et de la gestion des données, une spéculation intellectuelle s’oriente à la déconstruction critique des notions d’auteur et d’œuvre littéraire. Alors que, dans le contexte actuel, nous constatons que le numérique se décline à tous les niveaux de la connaissance, produisant une instabilité épistémologique, cet article propose de relire l’expérience poststructuraliste de la génération qui dans les années 1970 a travaillé autour de la notion de la mort de l’auteur et de l’écriture textuelle : d’une part pour révéler l’extraordinaire modernité de cette pensée, d’autre part pour questionner une épistémologie qui puisse décrire notre époque dans son rapport au digital.
      In the 1970s, under the indirect influence of a technological development considered likely to influence the field of communication and data management, intellectual speculation was directed towards the critical deconstruction of the notions of author and literary work. While in the current context we observe that the digital is declining at all levels of knowledge, producing an epistemological instability, this article proposes to reread the poststructuralist experience of the generation that in the 1970s worked around the notion of the death of the author and of textual writing: on the one hand to reveal the extraordinary modernity of this thought, on the other hand to question an epistemology that can describe our time in its relation to the digital.
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      écriture textuelle, hypertexte, épistémologie, numérique, French Theory
      textual writing, hypertext, epistemology, digital, French Theory